Radio-Espérance, 7 janvier 2015-en AUDIO ICI
Pour commencer cette nouvelle année, j’aimerais inviter les auditeurs de Radio-Espérance à mieux connaître les Eglises dont dépendent nos frères dans la foi établis sur les terres plus ou moins lointaines de l’Orient. La mosaïque ecclésiale orientale, avec ses nombreuses dénominations, avec ses communautés aux noms peu familiers de l’univers latin, avec ses rites et ses langues liturgiques si étranges ou mystérieuses, avec ses patriarches dont on ne saisit pas facilement le rôle exact, enfin avec ses divisions entre Eglises unies à Rome – donc catholiques mais non latines – et Eglises séparées, appelées communément orthodoxes alors que toutes ne sont pas pour autant unies au patriarcat œcuménique de Constantinople : tout cela forme un maquis bien complexe et il y a certainement de quoi y perdre son latin lorsqu’on est un catholique d’Occident.
Un effort me semble donc nécessaire dans ce domaine. Il y a d’autant plus urgence à cela qu’aujourd’hui tous les chrétiens, qu’ils soient d’Orient ou d’Occident, sont confrontés à des défis communs. Je pense notamment à la mondialisation avec ses retombées telles que l’athéisme, la sécularisation, le relativisme religieux et les violations de la loi naturelle. Mais je pense aussi à l’Islam, désormais déployé dans le monde entier et plus agressif que jamais. En nous connaissant mieux entre chrétiens, il me semble que nous saurons nous unir comme des frères dans la foi pour chercher ensemble comment relever ces défis que l’on peut qualifier d’existentiels.
Pour répondre à cette nécessité, je vous conseille donc vivement la lecture d’un ouvrage signé Henri de Saint-Bon et dont le titre, Le christianisme oriental dans tous ses états, illustre bien le projet. Chevalier de l’Ordre du Saint-Sépulcre, Henri de Saint-Bon nous offre une sorte de petite encyclopédie très accessible. Après avoir rappelé que le christianisme est né sur les territoires de l’Orient méditerranéen, l’auteur retrace les circonstances historiques qui ont conduit l’Eglise indivise des débuts à l’éclatement qui perdure jusqu’à présent.
Des controverses théologiques autour des dogmes relatifs à l’identité de Jésus-Christ ont suscité ces divisions. Mais, et on l’ignore trop souvent, celles-ci ont aussi été causées par des incompréhensions linguistiques, des calculs politiques et des rivalités culturelles. Dès le Vème siècle, les chrétiens se sont ainsi déchirés. Puis, il y a eu, en 1054, le grand Schisme entre l’Orient et l’Occident. Enfin, à partir du XVIIème siècle, une partie des chrétiens jusque-là séparés de Rome ont fait le choix du retour à l’unité catholique en reconnaissant la primauté du successeur de saint Pierre. Pour eux, les papes ont créé des structures ecclésiales appropriées. Ce sont les six Eglises catholiques de rite oriental, qui ont des prolongements bien au-delà du Proche-Orient, réalité que l’on retrouve dans l’orthodoxie qui est elle-même très divisée.
Henri de Saint-Bon a donc raison de nous livrer aussi un panorama complet des Eglises du monde slave, de la Russie à l’Europe orientale et septentrionale, ainsi que des pays du Caucase, de l’Inde, de l’Ethiopie, etc., en décrivant les particularités propres à chacune d’elles. Ainsi, l’orthodoxie connaît le principe de l’autocéphalie, ou Eglise nationale, aspect étranger aux Eglises catholiques. Pour leur part, celles-ci ont conservé l’organisation synodale héritée des débuts du christianisme. Pendant des siècles, la papauté a cherché à uniformiser tous les catholiques selon le modèle latin, mais elle y a renoncé en respectant désormais leurs identités propres.
Il ne s’agit que d’un aperçu d’un livre très complet dans lequel Henri de Saint-Bon accorde aussi une large place à l’œcuménisme, montrant les progrès significatifs accomplis au XXème siècle en vue de l’unité de tous les baptisés. Ainsi, la plupart des patriarches non catholiques ont signé avec les papes récents des déclarations christologiques communes aux termes desquelles, des deux côtés, on professe une foi identique en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Désormais, ces Eglises ne peuvent plus être qualifiées d’hérétiques. Par ailleurs, la rencontre de Paul VI avec le patriarche Athénagoras qui eut lieu à Jérusalem en 1964 a permis la levée des excommunications réciproques entre Rome et Constantinople. Parallèlement, des discussions doctrinales se poursuivent au sein d’institutions crées pour cela, afin de résoudre les divergences qui demeurent. Aujourd’hui, le principal obstacle à la restauration de l’unité plénière réside dans le sens à donner à l’exercice de la primauté pontificale qui échoit au pape de Rome.
Je terminerai par cette citation de l’auteur : « Il ne s’agit plus de rechercher l’uniformité et la fusion en une institution unique, mais de tendre vers une communion de tous dans la Vérité selon des pratiques diversifiées, conformes à la Tradition et admises par tous ».
Un ouvrage à lire donc : Le christianisme oriental dans tous ses états, publié par les éditions Le Livre ouvert.
Annie Laurent