Clarifier et son partenaire Mission Ismérie portent ensemble un pôle d’études sur l’islam, pour le comprendre, éclairer sur ses réalités selon une approche pédagogique et respectueuse des personnes qui s’y référent, et apporter à la société des éléments de connaissance objective, de réflexion et de décision. Ils ont organisé pour cela un grand colloque le 18 novembre 2021, à Paris, intitulé « Islam-Occident : où va-t-on ? ».
Manifestement, l’intégration de l’islam dans la société française se révèle plus compliquée que ne l’annonçaient nombre de ses promoteurs. L’objectif de ce colloque est de travailler à en comprendre les raisons, alors que se dissipent peu à peu chez certains les idées reçues et illusions occidentales quant à l’islam, du point de vue de sa doctrine et de sa dynamique profonde : Dieu et l’Homme, statut de la personne, État et religion…
Dieu et l’Homme, statut de la personne, État et religion… Des différences, des incompatibilités et des incompréhensions existent entre Islam et Occident. Peuvent-elles être surmontées alors que l’Occident doute de lui-même, traverse une crise existentielle, et tandis que l’islam semble connaître une dynamique nouvelle ?
Pour réfléchir à ces questions essentielles, le colloque a mobilisé des intervenants et des témoins, intellectuels, observateurs, acteurs engagés, musulmans et non musulmans. Voici le compte-rendu et les vidéos de leurs interventions (cliquez sur les titres pour un accès direct) :
Annie Laurent : « Islam-Occident : différences, incompatibilités et incompréhensions »
Alexandre Del Valle : « Où va l’islam ? »
Philippe d’Iribarne : « Islam : l’Occident au piège de ses contradictions »
Xavier Lemoine : « Quelle place pour l’islam dans la cité ? »
Table ronde finale : « Proposer la France aux musulmans ? »
Annie LAURENT : « Islam-Occident : différences, incompatibilités et incompréhensions »
Annie LAURENT a montré combien l’islam, par ses textes sacrés, par sa doctrine, par leur application, avait produit une anthropologie, une sociologie très éloignée, et en bien des points incompatible, avec celles d’une France façonnée par le christianisme : statut de la personne, citoyenneté, liberté, relations homme-femme… En ce sens, la présence et l’enracinement de l’islam en Europe constituent « un des plus grands défis auquel elle est confrontée », qui place les Européens, musulmans et non-musulmans, devant leur responsabilité historique quant l’évolution d’un monde musulman travaillé par divers courants religieux, notamment des mouvements très durs.
La foi chrétienne a produit en effet des sociétés gouvernées par de grands principes, même dans leur sécularisation, qui semblent en effet bien peu compatibles avec ceux de l’islam : ceux d’une vision universelle de l’Homme, d’une « humanité appelée à l’unité dans sa diversité », constituée de « personnes » égales en dignité – et de là en droit. Alors que l’islam institue un différentialisme religieux, et ne conçoit son universalité que dans l’appartenance à la communauté musulmane (l’Oumma). « Cette appartenance prévaut sur le musulman », théoriquement, doctrinalement, et dans les faits, et ce d’autant plus qu’il n’y a « pas d’autonomie du sujet en islam, ni liberté, ni responsabilité ».
La notion de personne n’existant pas comme telle en islam, ce dernier ne conçoit pas « l’existence de droits fondamentaux attachés à la nature humaine ». La communauté l’emporte, l’islam la constitue en « nation à part », ayant pour vocation de « dominer » et « qui ne saurait être dominée ». Les différentes déclarations des « Droits de l’Homme dans l’islam » (1981,1990, 1994) n’ouvrent alors pas de droits universels, mais seulement confessionnels, droits qui restent tous conditionnés à la Charia.
L’antropologie qui en découle s’oppose fondamentalement à celle qui a fait l’Occident : la fraternité s’exerce entre musulmans, il n’y a pas de liberté religieuse puisqu’il n’y a pas de liberté de conscience, non plus que d’égalité universelle, l’islam imposant trois niveaux d’inégalités foncières : « le musulman est supérieur au non-musulman, l’homme à la femme, l’homme libre à l’esclave ». De-là un point majeur d’achoppement avec les principes et mœurs occidentales quant à l’égalité homme-femme. L’islam impose en effet une « subordination certaine de la femme à l’homme, résultant d’une volonté divine », se traduisant notamment par le voilement. Ce dernier apparait donc non seulement comme un marqueur religieux islamique, mais aussi comme un « obstacle à la convivialité », « un marqueur identitaire et politique », et de fait, comme une « expression du rejet du modèle social européen ».
On pourrait cependant travailler à des adaptations, mais « l’Europe de tradition chrétienne a manqué une occasion historique d’inculquer aux musulmans sa civilisation ». En imposant une laïcité devenue laïcisme, elle est train de « rendre nos sociétés repoussantes aux yeux des musulmans ». En érigeant les Droits de l’Homme comme un absolu, elle appelle les convoitises de certains qui veulent « s’appuyer sur l’ouverture des sociétés d’accueil pour imposer la reconnaissance de l’identité islamique » et « profiter intelligemment de la période de transition que traverse l’occident déchristianié et sécularisé pour lui substituer un nouveau modèle », comme les 57 pays musulmans ont pu le formaliser et l’écrire textuellement dans leur « Stratégie culturelle islamique à l’extérieur du monde islamique ». Il est plus que temps d’en prendre conscience, et de voir combien, dans l’histoire, « l’islam prospère sur la faiblesse des autres car il envisage les relations avec autrui en termes de rapport de force ».
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Annie Laurent est docteur d’Etat en sciences politiques, cofondatrice et déléguée générale de l’association Clarifier. Spécialiste de l’islam et des Chrétiens d’Orient (nommée par Benoît XVI experte au Synode spécial des évêques pour le Moyen-Orient, en 2010). Elle est l’autrice notamment des livres L’islam pour tous ceux qui veulent en parler (mais ne le connaissent pas encore) (Artège, 2017), L’islam peut-il rendre l’homme heureux ? (Éditions Artège, 2012), Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ? Une vocation pour toujours (Salvator, 2017).
Alexandre DEL VALLE : « Où va l’islam ? »
Alexandre DEL VALLE a expliqué combien l’islam vit depuis plus d’un siècle une évolution considérable vers le rigorisme, le littéralisme et une application de plus en plus dure des textes, doctrines et principes décrits par Annie Laurent, écrasant la grande diversité des pratiques, des us et coutumes islamiques que les musulmans avaient mis en place au fil des siècles dans leurs pays, ainsi que les dynamiques d’ouverture et de rationalité lancées par certains musulmans. Ceci est dû à la montée en puissance d’un « islam standard » d’obédience « frèro-salafiste » qui inquiète l’Europe, mais qui touche l’islam au niveau mondial. Il a ainsi présenté une vaste et dense fresque des mouvements « fréro-salafistes », de leur travail d’influence dans le monde islamique et en Occident, de leurs intrications dans la géopolitique mondiale, et de la naïveté – voire de la perversité – d’élites occidentales qui les laissent s’infiltrer dans les failles, leur permettent de jouer leur partie, quand elles ne favorisent pas directement leur implantation.
Le conférencier a rappelé l’historique de l’apparation du salafisme, depuis l’alliance entre la famille Séoud et le prédicateur Ibn al Wahhab, fondant le Wahhabisme comme courant islamique radical, et dont la radicalité lui permit de « s’imposer et se légitimer » au plan islamique. C’est une radicalité similaire qui a présidé à la fondation des Frères Musulmans, qui ont su, de surcroit, développer une intelligence politique tactique très fine, leur ayant permis d’essaimer leur pensée parmi nombre de musulmans et d’infiltrer les structures de leurs pays, et, plus récemment, d’infiltrer l’Occident en se faufilant parmi les courants progressistes.
Alexandre DEL VALLE a pu ainsi dresser un tableau des différents mouvements de ce nouvel « islam standard » et de leurs forces, n’occultant pas leurs affrontements internes mais soulignant la convergence de leurs visées et de leurs plans :
- Le pôle saoudien, ou « salafisme historique », a « pignon sur rue en Occident ». Il a engagé des moyens gigantesques pour son travail d’influence (« 80 milliards de dollars dépensés pour la propagande et l’extension du salafisme sur 45 ans »), implantant notamment des grandes mosquées en Europe (et dans tout le monde musulman), y développant les activités de la Ligue Islamique Mondiale (« 3000m² pour son siège à Mantes La Jolie, 2500m² à Bruxelles ») et influençant ses dirigeants – notamment par la diplomatie saoudienne, et par les institutions internationales : Organisation de la Coopération Islamique, active au sein de l’ONU, ISESCO (« l’UNESCO de l’OCI »), Ligue Islamique Mondiale, Ligue Arabe…
- Le pôle « Frères Musulmans », très présent en France : « 30% des mosquées en France et qui sont inaugurées par nos élus, droite comme gauche », où leur centre formation (l’IESH), « Université de Saint Léger de Fourgeret, près de Château-Chinon » a été implanté en 1991 par décision présidentielle, dont les écrits d’un de ses prédicateurs phares, Youssef al Qardaoui sont en vente libre, bien « qu’expliquant que les meurtres de l’adultère, du blasphémateur et de l’apostat sont licites ». Très présent aussi au niveau européen – UE, Conseil de l’Europe, OSCE – dont ils noyautent les actions sous couvert d’antiracisme et de lutte contre les discriminations, au point même « d’être agréés parmi les structures officielles ». Les Frères se livrent ainsi sur fonds publics à un travail de subversion, de retournement du langage, d’interdiction de la parole libre sur l’islam, se comportant comme des « coupeurs de langue » interdisant de voir l’islamité des « coupeurs de tête ». Et ce à la fois vis-à-vis des non-musulmans et des musulmans, qu’ils tentent de « contrôler » en les séparant de leurs pays d’accueil, et en « développant des stratégie de paranoïsation »
- Le pôle turc, autour d’Erdogan et du Milli Görus, mouvement proche des Frères Musulmans, « matrice de l’islam politique dont vient Erdogan, qui s’en est émancipé en créant l’AKP, plus dur qu’Erdogan, plus islamiste que lui », particulièrement influent par le contrôle de sa diaspora et par son rayonnement comme puissance montante parmi les pays musulmans, y compris dans ses interventions au Moyen-Orient pour lesquels il n’hésite pas à user du jihad.
- Le Qatar, proche lui aussi des Frères Musulmans, joue sa partie en finançant toutes sortes de projets islamiques, comme ces « Grandes mosquées partout en Europe, Sicile, Italie du Nord, Espagne, Strasbourg, Mulhouse », qu’il s’agisse de projets fréristes, ou turcs, ou autres.
D’autres mouvements salafistes, comme le Tabligh indo-pakistanais, ont aussi été évoqués
Plus que la virulence de ces pôles désormais maîtres des leviers de l’islam mondial, c’est la naïveté, ou la perversion, des élites occidentales que dénonce Alexandre DEL VALLE, principalement vis-à-vis des Frères Musulmans, « matrice du jihadisme » et d’un nouvel antisémitisme, qui arrive néanmoins à « faire croire en Europe à leur antiracisme, leur progressisme, leur alliance avec le mouvement woke », et se voient courtisés par beaucoup des maires de France. « L’Occident est malade de sa culpabilisation, au point de soutenir son bourreau ». Il lui serait pourtant possible, s’il en développait la volonté, s’il « se réconciliait avec lui-même » de « casser de manière impitoyable les minorités islamistes », et de décrocher la « minorité active qui tient l’islam en France » de « la majorité qui pourrait accepter un islam personnel fondé sur la seule pratique rituelle ».
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Alexandre DEL VALLE est géopolitologue, historien, auteur et essayiste, spécialiste de l’islamisme et des relations entre l’Europe et les pays musulmans. Il est l’auteur notamment des livres La Mondialisation dangereuse, Vers le déclassement de l’Occident ? (Avec Jacques Soppelsa, L’Artilleur, 2021), Le Projet – La stratégie de conquête et d’infiltration des frères musulmans en France et dans le monde (Avec Emmanuel Razavi, L’Artilleur, 2019), La stratégie de l’intimidation : du terrorisme jihadiste à l’islamiquement correct (L’Artilleur, coll. « Toucan essais », 2018) – son site : http://alexandredelvalle.com
Philippe d’IRIBARNE : « Islam : l’Occident au piège de ses contradictions »
Philippe d’IRIBARNE a voulu nuancer certains des constats posés par Alexandre DEL VALLE sur l’aveuglement de l’Occident à son infiltration par les courants islamiques les plus durs. Cette attitude relève aussi de contradictions profondes à l’œuvre dans la pensée des Lumières mise en actes depuis plus de deux siècles, illustrées par ces ambivalences vis-à-vis d’un islam tantôt accueilli à bras ouverts, tantôt vilipendé. L’Occident s’est en effet construit sur l’usage de la raison, l’analyse lucide du « monde comme il est », particulièrement développées par les Lumières, qui entrent en contradiction avec une certaine application politique et sociale du principe d’égalité qu’elles ont promu. Tout spécialement « l’égalité des religions, solennellement proclamée, constituant un aspect fondamental de notre vie politique ». Une famille de pensée, majoritaire dans la société, considère ainsi qu’un traitement inégal relèverait de la « discrimination », de la « stigmatisation ». L’islam peut ainsi« faire entrer en contrebande, au nom de la liberté de conscience et de religion, tout un ensemble qui n’a rien à voir avec cela mais qui relève de la construction d’un ordre social et politique refusant la liberté, l’égalité et la fraternité ». Ce devrait donc être le rôle raisonnable des pouvoirs publics de s’attacher alors à distinguer la part religieuse de l’islam (les 5 piliers), qui ne pose pas de problème, y compris dans l’opinion publique, de la part de l’ordre social et politique islamique qui n’a pas sa place en Occident.
Le conférencier est entré dans le détail des différents courants acquis à l’égalitarisme religieux, qui, tous à leur manière, parfois à leur corps défendant, favorisent l’islamisme, lui permettent de s’enraciner et se développer : « Libre Pensée » et ses héritiers, « nostalgiques du marxisme pour lesquels la classe ouvrière a trahi » et qui souhaitent la remplacer par les musulmans, « universalistes républicains » et aussi « chrétiens ouverts ». Il a donné des exemples de leur rhétorique, de leurs attitudes – « l’islamisme n’a rien à voir avec l’islam », « il n’y a pas d’emprise islamique sur certains territoires », « c’est la faute des politiques qui ont mis les musulmans dans des ghettos », « c’est la faute de la discrimination ». Il a cité les articles de presse, les divers rapports aux gouvernements, les documents de mouvements chrétiens…
On pourrait pourtant envisager de découpler ce qui relève de la stricte part spirituelle de l’islam de ses éléments de doctrine socio-politique. Philippe d’IRIBARNE a fait ainsi remarquer que l’on pouvait facilement les distinguer en considérant que le spirituel est ce qui unanimement partagé entre musulmans et musulmanes, et dans tous les territoires musulmans, y compris dans leur immense diversité : même Coran, même Ramadan, même pèlerinage, etc. Là où le socio-politique diffère du tout au tout dans le monde musulman, exprimant justement cette diversité, que ce soit dans les rapports hommes-femmes, l’habillement, ou les coutumes que l’on nomme « musulmanes » mais qui sont d’abord des adaptations locales, différenciée, d’une doctrine certes islamique mais qui n’est pas universellement partagée.
Il est nécessaire que les musulmans eux-mêmes s’emparent de cette question, mais, dans l’état actuel du monde musulman, les pouvoirs publics auront à exercer en la matière une pression extrêmement forte. L’urgence de la situation le requiert, tout comme elle forcera l’Occident à sortir de ses ambigüités tant l’islam agit de fait comme un révélateur de ses contradictions fondamentales.
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Philippe d’IRIBARNE est économiste et anthropologue, directeur de recherche au CNRS. Il est l’auteur notamment des livres L’Islam devant la démocratie (Paris, Gallimard, 2013) et Islamophobie : Intoxication idéologique (Albin Michel, 2019).
Xavier Lemoine : « Quelle place pour l’islam dans la cité ? »
Xavier LEMOINE a en quelque sorte répondu à la délicate question qui lui était posée en en inversant la perspective. Puisant dans ses vingt années d’expérience d’élu et responsble de terrain à Montfermeil, territoire où « 40% des habitants sont de culture ou de confession musulmane, et 60 à 90% des enfants des écoles », il a montré qu’il est possible de donner la France à aimer à tous si l’on agit selon des principes de bon sens, de réalité et de respect des personnes. C’est une action très exigeante, et qui requiert une certaine force morale pour la mettre œuvre, Xavier LEMOINE avouant alors qu’il trouvait cette force dans son amour pour la France et dans sa foi chrétienne.
Se situant en Seine Saint-Denis « aux avant-postes de l’histoire de France », sur un territoire « en tension » après les émeutes de 2005, et observant les « bascules démographiques et culturelles à l’œuvre », Xavier LEMOINE a affirmé combien il fallait évacuer les idéologies, les faux-semblants, la « naïveté » vis-à-vis des aspects socio-politiques de l’islam, et rester fidèle au « principe de réalité ». C’est-à-dire travailler avec les populations dans des « relations de personne à personne », voire de « cœur à cœur », et surtout pas dans des rapports de « système à système » ou de « communauté à communauté », afin de ne pas les y enfermer. C’est dans une telle relation de liberté que pourra éventuellement se transmettre l’amour de la France. Encore faut-il au préalable la faire connaître et la faire respecter.
Faire connaître la France demande de prendre conscience de la distance culturelle avec notre pays, parfois énorme, qui peut exister entre populations immigrées, d’origine immigrée, certaines établies depuis très longtemps en France. Il faut donc pouvoir « se présenter à eux, dire qui nous sommes, nos us, nos mœurs, nos codes », et, pour que cela puisse être reçu, le faire auprès de personnes restaurées dans leur fierté et leur dignité. D’où l’importance des programmes d’aide à l’habitant, à la rénovation urbaine, à l’amélioration des conditions de vie, d’une part, mais aussi à la valorisation des histoires et enracinements, des cultures d’origine. Non pas pour y claquemurer les personnes, mais pour, à partir de là, construire l’enracinement en France : apprendre l’histoire, faire s’approprier personnellement cette histoire, son patrimoine, notamment l’histoire locale, montrer la France aimable et estimable en organisant par exemple des sorties culturelles et historiques dans lesquelles sont entendues des réflexions comme « tu te rends compte, ca fait 15 ans que j’habite en France, et je ne m’étais pas encore intéressée à la France ». Cette démarche va de pair avec les exigences, d’emblées, du respect de principes non-négociables, comme autant de « piliers structurants » pour la société : égale dignité de l’homme et de la femme, laïcité comme distinction entre spirituel et temporel, et liberté de conscience. De là, un parcours de la maternelle jusqu’à l’emploi peut se déployer, et un amour vrai de la France peut éclore.
Le travail conduit à Montfermeil porte du fruit. Il s’agit d’une action de très long terme, et qui reste cependant très fragile, « à la merci d’événements nationaux ou internationaux ». Elle relève bien davantage de l’engagement personnel que de la politique politicienne. Celle-ci peut faire plus de mal que de bien, mais il devient néanmoins de plus en plus urgent qu’une action très forte soit engagée sur ce plan pour casser les minorités islamistes. Une action « extrêmement ferme mais nuancée », tant il est capital de parvenir à décrocher les populations de ces minorités sans pointer tous les musulmans et les regrouper dans un même camp, ce qui est le but « mortifère » que recherchent d’ailleurs ces minorités.
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Xavier LEMOINE est ancien officier de marine marchande, et maire de Montfermeil (93) depuis 2002.
Table ronde finale : « Proposer la France aux musulmans ? »
La table ronde finale a réuni trois personnalités d’arrière-plan musulman, françaises nées en France d’origine nord-africaines, devenues toutes trois chrétiennes. Depuis leurs parcours différents, leurs voix se sont complétées pour s’unir et conclure un colloque très politique en l’ouvrant à une dimension spirituelle essentielle. Répondant à la fois aux questions « proposer la France aux musulmans ? » et « Islam-Occident : où va-t-on ? », ils ont expliqué combien, certes oui, la conversion à la foi catholique peut se révéler décisive pour développer l’amour de la France chez des personnes d’arrière-plan musulman portées pour certaines par leur culture ou leur religion à un certain ressentiment envers leur pays. Toutefois, il ne faut pas tomber dans la caricature : la conversion ne transforme pas les ex-musulmans en « Français de souche », en modèles à mettre en avant auprès des musulmans ou en petits-soldats d’une « reconquista » fantasmée. Elle donne en fait une unité, une plénitude à leur parcours de vie : une réconciliation entre leurs racines arabo-berbères, la religiosité qu’ils ont pu trouver dans l’islam et leur enracinement en France, leur amour pour la France, nouveau ou renouvelé, ainsi que leur vocation chrétienne. Vocation de membres de l’Église universelle qui est en France et qui a tant fait pour la construire, et de témoins du Christ auprès de tous leurs compatriotes. Forts de cette unité, ils peuvent interpeller les Français : quelle France donne-t-on à aimer aux musulmans ? Est-elle vraiment estimable ? Ils interpellent particulièrement les catholiques : osez-vous témoigner de votre foi ? En témoignez-vous tout spécialement auprès des Français ignorants de leurs racines catholiques ? Votre foi fait-elle de vous des serviteurs du Bien Commun, et par là, de votre pays ? Car de fait, il ne s’agit pas tant de « proposer la France aux musulmans » que de « proposer la France aux Français, et ensuite les musulmans suivront ».