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En ce début de nouvelle année, je vous propose un rapide aperçu de l’état d’esprit des chrétiens dans les pays du Proche-Orient les plus touchés par la violence et l’instabilité.

Commençons par la Syrie.

Dans une lettre envoyée pour Noël à ses correspondants à l’étranger, l’archevêque maronite de Damas, Mgr Samir Nassar, compare ce pays à la crèche de Bethléem. « C’est une étable ouverte sans porte, froide, démunie et si pauvre », écrit-il. L’archevêque évoque la solitude, la peur, la précarité, la haine, la division, l’atrocité et le désespoir, qui domine partout. Et de souligner : « Le bruit infernal de la guerre étouffe le Gloria des anges ».

Pour les chrétiens, le bilan de 2013 est lourd. Plusieurs d’entre eux, y compris des prêtres, ont été assassinés pour avoir refusé d’adhérer à l’islam ou par pure haine ; on est toujours sans nouvelles des deux évêques et des douze religieuses, ainsi que du prêtre italien pris en otages. Deux grandes villes à forte concentration chrétienne, Homs et Alep, ont perdu plus de la moitié des fidèles appartenant à diverses Eglises. Ils ont fui les bombardements mais aussi les exactions et profanations commises par les djihadistes qui participent à la rébellion contre le régime de Bachar El-Assad.

L’archevêque de Damas conclut son message de fin d’année par ce vœu pour l’Epiphanie : « Puissent les trois Mages apporter à la crèche de Syrie les plus précieux cadeaux : paix, pardon et réconciliation, afin que brille à nouveau l’Etoile de Noël dans nos sombres nuits ». Comme tous les Syriens, les chrétiens ont le regard tourné vers la conférence internationale qui doit se dérouler à Montreux, en Suisse, le 22 janvier prochain. Ces chrétiens, surtout ceux qui sont partis loin du Proche-Orient rejoindre des parents émigrés, auront-ils les moyens et le courage de rentrer chez eux si les parties en conflit s’entendent sur une solution acceptable ? Les hiérarchies ecclésiales s’alarment de cet exode mais, n’ayant aucune prise sur la situation politique locale, ne se sentant pas comprises par l’Occident, elles sont impuissantes à le freiner.

En Irak,

les chrétiens sont soumis à l’instabilité chronique qui sévit dans le pays depuis dix ans. La chute du régime autoritaire de Saddam Hussein a réveillé le vieil antagonisme qui oppose les musulmans sunnites aux musulmans chiites. Cette hostilité se manifeste par des attentats quasi-quotidiens.

Confrontés à ce chaos, les chrétiens ont de moins en moins confiance en l’avenir de leur pays. Même dans le Kurdistan, au nord, où le gouvernement autonome facilite leur installation, ils ne se sentent pas vraiment tranquilles. Car, là aussi, la société kurde, majoritairement musulmane, s’islamise et devient parfois méfiante envers les chrétiens. Alors, souvent, le Kurdistan n’est pour eux qu’une étape sur la voie de l’exil en Occident. Pour tenter d’enrayer ce fléau, les hiérarchies ecclésiales s’efforcent de sensibiliser les pouvoirs publics sur l’utilité de la présence chrétienne pour le bien de toute la société. Avant Noël, le gouvernement a annoncé que le 25 décembre serait désormais un jour férié pour tous les Irakiens. Le Premier ministre, Nouri El-Maliki, répondait ainsi à une démarche du patriarche chaldéen, Sa Béatitude Louis Sako, dont le siège est à Bagdad. Importante sur le plan symbolique, cette décision suffira-t-elle à rassurer les chrétiens ?

En Egypte

enfin, les coptes continuent de souffrir de toutes sortes de violences, en particulier des enlèvements. Ces actes visent surtout des jeunes filles en vue de les marier de force à des musulmans. Leurs auteurs sont pour la plupart membres de la Confrérie des Frères musulmans ; ils se vengent d’avoir été déclarés hors-la-loi après leur éviction du pouvoir en juillet dernier. Ce coup de force a permis l’élaboration d’une nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum les 15 et 16 janvier prochain. Approuvé par l’Eglise copte, le texte garantit la liberté de croyance et d’opinion ; il interdit aussi la formation de partis politiques sur une base religieuse, ce qui doit empêcher tout retour des Frères musulmans.

Depuis la révolution égyptienne, les coptes ne veulent plus se tenir à l’écart des affaires publiques. Pourront-ils cependant faire réellement valoir leurs droits dans ce pays où l’islam tient une place prédominante ?

Comme on le voit, l’incertitude continue de dominer chez nos frères chrétiens du Proche-Orient. Ne les privons pas de nos prières.

 

 

Annie Laurent

Radio-Espérance, 8 janvier 2014.