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 Radio-Espérance, 18 septembre 2013

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Je voudrais revenir aujourd’hui sur l’attaque perpétrée par des islamistes contre la localité syrienne de Maaloula à partir du 4 septembre, car cet événement est révélateur d’une réalité trop occultée, et qui est celle-ci : les chrétiens de Syrie sont pris au piège d’un conflit qu’ils n’ont pas voulu et auquel ils ne participent pas.

Tout a commencé par l’explosion

d’une voiture piégée au barrage tenu par l’armée nationale qui protégeait l’accès à cette petite cité, située à environ 50 kilomètres au nord de Damas. L’auteur de l’attentat-suicide a été identifié : il s’agit d’un islamiste jordanien dénommé Abou Moussab, affilié à l’organisation terroriste El-Qaïda.

Maaloula

est bien connue des touristes étrangers, et surtout des chrétiens qui s’y rendaient nombreux avant la guerre.

La beauté du site les attirait mais plus encore la pratique de l’araméen, langue que parlait Jésus-Christ.

Dans plusieurs Eglises orientales, chez les syriaques et les maronites notamment, l’araméen est réservé à la liturgie. A Maaloula, il est également à usage profane, même si aujourd’hui il se transmet moins bien qu’auparavant. Cette particularité culturelle n’a pas conduit les habitants à se replier sur eux-mêmes puisqu’ils parlent évidemment l’arabe comme leurs compatriotes et qu’ils cohabitent avec des musulmans venus s’y établir, comme l’attestent les minarets visibles lorsqu’on approche de la bourgade.

Les chrétiens ont en outre accueilli dans leurs quartiers un nombre important de musulmans sunnites ayant fui Damas pour échapper aux combats qui opposent les forces loyales au président Bachar El-Assad et les rebelles.

Revenons au déroulement de l’agression.

Après avoir détruit le barrage militaire, les assaillants se sont répandus dans le village pour y terroriser la population chrétienne. L’offensive a duré une bonne semaine.

Les djihadistes ont fracassé la statue de Notre-Dame de la Paix qui surplombe la falaise ainsi que des icônes et des croix, y compris dans les maisons. Ils ont incendié le monastère des saints Serge et Bacchus, et pris le contrôle du secteur où se trouve un autre monastère, dédié à sainte Tècle. Les religieuses y sont depuis lors recluses avec les orphelins dont elles ont la charge. Selon divers témoignages, les terroristes n’ont touché aucune maison de musulmans. Ils auraient même été accueillis en héros par certains d’entre eux.

On ne connaît pas le nombre des victimes avec précision mais désormais Maaloula est une terre de martyrs. L’agence catholique Fides a recueilli d’une femme rescapée le récit du meurtre de trois chrétiens grecs-catholiques, assassinés pour avoir refusé de se convertir à l’islam. A l’injonction qui lui était adressée, l’un d’eux, Sarkis El-Zakhm, a répondu :

 Je suis chrétien et si vous voulez me tuer parce que je suis chrétien, faites-le ».

Il a été aussitôt abattu avec ses amis, Antoine et Michel Taalab.

Leurs obsèques ont été célébrées le 10 septembre dans la cathédrale de Damas par leur patriarche, Grégoire III, en présence d’évêques d’autres confessions.

Au bout de plusieurs jours, l’armée syrienne est parvenue à chasser les islamistes de Maaloula.

Il est évident que le régime de Bachar El-Assad profite de ces événements à un double titre. D’abord, ils lui permettent d’émouvoir l’opinion publique internationale face à l’avenir que la rébellion réserverait aux chrétiens dans un Etat dominé par l’islam radical ; ensuite, ils justifient la répression exercée contre les militants qui veulent sa chute. La coloration confessionnelle est cependant un aspect essentiel de cette crise.

Pour les sunnites de Syrie et d’ailleurs, l’heure de la vengeance a sonné : il s’agit d’en finir avec un pouvoir considéré comme illégitime car largement détenu par la communauté alaouite, hérétique aux yeux de l’islam. Les chrétiens se trouvent alors otages d’une haine religieuse qui ne les concerne pas.

Dans ces conditions, on ne peut que s’étonner de l’assurance avec laquelle Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême, a nié cette réalité sur les ondes de Radio Notre-Dame  le 11 septembre dernier.

Priant les auditeurs de ne pas diaboliser tous les djihadistes, il est allé jusqu’à critiquer le patriarche Grégoire III, qu’il a décrit comme « l’allié politique et financier d’Assad ». Deux jours auparavant, l’évêque s’était prononcé sur son blog en faveur d’une intervention militaire occidentale contre le régime syrien.

Ses propos ont suscité l’indignation chez les chrétiens de Syrie pour lesquels la première responsabilité d’un homme d’Eglise est de prêcher paix et réconciliation.

 

Annie Laurent