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Voir aussi ICI le voile islamique PFV 42

Au début de ce mois, vous avez reçu une Petite Feuille verte (n° 42) qui expliquait en quoi consistent réellement le voile islamique et ses modalités d’application. Mais il convient également de tirer des enseignements et des conclusions de cette présentation car la tenue portée par un nombre croissant de femmes musulmanes est loin d’être anodine et ne correspond pas à un motif seulement religieux, ce qui a des implications dans la vie sociale.

Tel est donc l’objet de la présente Petite Feuille verte (n° 43) qu’il faut considérer comme un complément indispensable à la précédente.


Le port du « voile » et son développement actuel comportent des signes adressés aux musulmans et au reste du monde. Ils invitent également à des réflexions concernant aussi bien le regard que l’islam porte sur l’être humain que sur son projet conquérant.

1°/ Protéger la femme et assurer sa liberté ; rassurer l’homme et garantir sa vertu.

 Le jilbâb, dans ses variantes (cf. PFV n° 42), met le corps féminin à l’abri de la concupiscence des hommes. « C’est un bouclier » (Bruno-Nassim Aboudrar, Comment le voile est devenu musulman, Flammarion, 2014, p. 155). La liberté et la sécurité de la musulmane sont conditionnées par le port de cet habit spécifique.

L’imam Hassan Amdouni, établi en Belgique, opposé au voile intégral, donne un sens identique au hidjâb.

Le hidjâb est le moyen par lequel Dieu – qu’Il soit loué – honore la femme et met fin au marchandage forcé de son charme, et à l’agression répétée du regard convoitant des hommes ! A ce niveau, le hidjâb œuvre à la fois contre une déstabilisation de l’ordre social et contre le ravalement de la femme au niveau de l’objet » (Le hidjâb, Maison d’Ennour, Paris, 2001, p. 86).

Leïla Babès, sociologue française d’origine algérienne, en tire cette remarque :

 Le mot d’ordre est le suivant : le corps de la femme est objet de désir sexuel, elle doit donc le voiler pour assurer la tranquillité des hommes » (Le voile démystifié, Bayard, 2004, p. 11).

Faut-il penser que l’islam considère l’homme incapable de maîtriser ses sens, au point de devoir enfermer la femme, soit chez elle, soit dans un vêtement enveloppant au dehors ?

En déduire comme l’ont fait les exégètes, tout comme le font les musulmans aujourd’hui par la surenchère à laquelle ils se livrent, que la prescription a un caractère éternel et non circonstancié, c’est reconnaître que les hommes musulmans sont des hommes sans éducation, incapables de contrôler leurs instincts animaux » (L. Babès, op. cit., p. 32).

La retenue est pourtant recommandée à l’homme par le Dieu du Coran : « Dis aux croyants : de baisser leurs regards, d’être chastes. Ce sera plus pur pour eux. – Dieu est bien informé de ce qu’ils font » (24, 30). 

Enfin, revêtu par une jeune fille, le « voile » indique que celle-ci est pieuse et sérieuse, donc prête à être épousée. Mais que dire de ces étudiantes qui portent un hidjâb arrangé avec affectation et coquetterie, sur un visage très maquillé et avec un pantalon moulant, comme on le voit en Egypte ou en Syrie ? Seule la chevelure présenterait-elle un élément troublant pour l’homme au point que la cacher devienne obsessionnel ?

2°/ Rappeler ou réintroduire la condition traditionnelle de la femme en islam. 

Lorsqu’il est imposé, et quelle qu’en soit la forme, le « voile » réintroduit dans l’univers mental musulman une conception traditionnelle de l’islam qui postule l’infériorité de la femme (cf. sur ce sujet, PFV n°19).

 Il en devient l’emblème : porter le voile de façon stricte, c’est vouloir se conformer à la Sunna du Prophète et assumer tout le discours coranique de la relation entre les deux genres » (Viviane Liati, De l’usage du Coran, Mille et une nuits, 2004, p. 271).

a) Négation de la femme en tant que personne.

Le voile intégral suggère la négation de la femme en tant que personne, puisque l’expression du visage (tristesse, joie, rire, pleurs, etc.), reflet de l’intériorité, est le vecteur privilégié du dialogue entre semblables. Ce qui poussait Jihane Sadate, l’épouse de l’ancien président d’Égypte, à qualifier ses concitoyennes qui le portaient de « tentes ambulantes ».

Témoignage d’une musulmane qui, ayant été contrainte de porter le niqab, recevait les félicitations de ses proches pour sa « perfection » :

Pourtant, en moi, il n’y avait plus rien. J’étais devenue rien. Sans visage, sans nom, sans volonté, sans désirs » (Zeina, Sous mon niqab, Plon, 2010, p. 88).

Non sans souffrance, elle est parvenue à se libérer de ce voile oppresseur.

Obstacles à des rapports humains paisibles et sains, le niqab et la burqa provoquent le regard des autres, ce qui est paradoxal.

 Ces musulmanes d’Occident [qui portent le voile intégral] se comportent comme des images. Et cela pour exprimer une religion, affirmer une culture qui abomine l’ostentation en général, celle des femmes tout particulièrement, et proscrit les images » (B.-N. Aboudrar, op. cit., p. 19).

Le voile, quel qu’il soit, sépare. Il est ségrégatif et, comme tel, postule aussi la méfiance envers la femme (cf. PFV n°20 et PFV36).

 En voilant la femme, l’islam instaure le doute et la suspicion, non seulement à l’égard de celles qui ne se conforment pas à la norme, mais à l’égard de toutes les femmes. Car, en même temps qu’il dé-montre la femme, le voile en suggère toute la puissance magnétique sur les hommes. Voilée ou non, la femme reste donc un être dangereux, réduit à un corps qui fascine et qui inquiète. » (L. Babès, op. cit., p. 44).

b) Un féminisme masculin.

 C’est contre cette conception, inséparable de l’obligation du port du voile, que se sont élevés les pionniers du féminisme arabo-musulman, notamment le premier d’entre eux, l’Égyptien Qasim Amin (1863-1908), diplômé en droit de l’université de Montpellier et auteur de La libération de la femme, ouvrage qu’il publia au Caire en 1899.

Constatant l’absence de clarté du Coran qui, de toute façon, n’interdit pas aux femmes de montrer leurs visages, il en déduit que le voile relève de coutumes habillées d’un vernis religieux et qui n’ont rien de sacré.

 « Le voile n’est qu’une affaire de mœurs, pas de religion » (cité par Le Point, n° 2277, 28 avril 2016).

Il faut donc, explique Amin, adapter la tenue des femmes au bien de la société contemporaine. Or, à ses yeux, l’isolement, à la maison ou sous le voile dans la rue, est négatif socialement car il empêche les femmes d’être des « êtres complets » et de contribuer au progrès des sociétés islamiques. La pensée d’Amin encouragea les musulmanes à se débarrasser de leurs voiles. Le ton fut donné par sa compatriote Hoda Chaaraoui, qui se dévoila publiquement à Alexandrie en 1923.

D’autres intellectuels arabes ont suivi la voie d’Amin. L’un des plus connus est le Tunisien Tahar Haddad (1899-1935), auteur de La femme tunisienne devant la loi et la société (1930), ouvrage qui inspira le Code du statut personnel promulgué en 1956 à l’initiative du futur président Habib Bourguiba. Les femmes étaient désormais libres de choisir leur conjoint, de poursuivre des études, de travailler hors de leur foyer, de voter et d’être des citoyennes à part entière.

Ainsi, de nouvelles habitudes se sont propagées un peu partout jusque dans les décennies 1970-80, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’islamisme influence le retour du voile, par les idées, la persuasion et la finance.

Aujourd’hui, dans le chiisme (moins figé que le sunnisme), notamment en Iran, des savants se prononcent contre l’obligation faite aux femmes de se couvrir les cheveux. La réforme qu’ils préconisent est conçue comme allant de pair avec l’émancipation féminine. Ce courant se développe depuis l’élection, en 2013, de l’actuel président, Hassan Rohani.

3°/ Promouvoir le communautarisme, affirmer une identité et engager une stratégie de conquête.

Le « voile » constitue une sorte de « certificat d’islamité », d’appartenance à la « meilleure communauté suscitée parmi les hommes » (Coran 3, 110), qui permet de distinguer les musulmanes des « mécréantes ». « On se pose en s’opposant. Il y a une altérité irrémédiable et revendiquée » (V. Liati, op. cit, p. 270).

a) Promotion du communautarisme.

 Le « voile » accompagne des revendications identitaires qui s’affirment dans la vie privée et sociale (cf. le refus de la mixité entre adultes) par la réclamation de droits spécifiques, conformes à la charia (loi islamique), et, sous l’excuse de la liberté religieuse, favorise le communautarisme.

Telle est la position affirmée par Ahmed Jaballah, président de l’Union des Organisations islamiques de France (UOIF, affiliée aux Frères musulmans), le 21 novembre 1989, à l’intention du Premier ministre d’alors, Lionel Jospin, au moment de la première « affaire du voile » à l’école, survenue à Creil.

« Vous laissez entendre que le Coran n’impose pas le foulard. Or le livre sacré des musulmans est très clair et très explicite, et ne laisse aucun doute sur le devoir de chaque musulmane de porter le voile » (Le Monde, 22 novembre 1989, cité par Gilles Kepel, À l’ouest d’Allah, Seuil, 1994, p. 280).

b) Revendication identitaire.

 Par ailleurs, le retour du voile, qu’il soit volontaire ou qu’il relève d’un conditionnement familial ou social, postule une identité qui ne veut pas se laisser corrompre par l’influence des mœurs occidentales, jugées néfastes. En témoigne cette discussion qui s’est déroulée dans l’Algérie française entre une métropolitaine, Marie, épouse d’un musulman mais refusant de se voiler, et sa belle-mère. Marie :

 « Dieu n’a pas fait la figure des femmes pour la mettre derrière un rideau, honteusement ».

Sa belle-mère :

 « Les femmes de chez nous sont des filles de soumission et de patience et non des effrontées dont chacun, dans les rues, peut connaître le visage pour ensuite salir l’honneur » (B.-N. Aboudrar, op. cit., p. 93).

c) Stratégie conquérante.

La propagation du « voile » en Europe, la solidarité envers les musulmanes « victimes » de la laïcité et la mobilisation de l’Oumma (la communauté islamique) sont au service d’une stratégie de conquête mise en œuvre par les réseaux liés aux Frères musulmans. C’est ce que démontre  Paul Landau, spécialiste de l’islamisme, dans son enquête sur l’UOIF, Le Sabre et le Coran (éd. du Rocher, 2005). Projet auquel s’oppose le mouvement Objectif France, présidé par Rafik Smati, Français d’origine algérienne.

« L’évolution vers le radicalisme religieux au fil du temps me confirme dans la conviction que le foulard islamique n’est pas un attribut religieux, mais un outil de conquête politique. Ne soyons pas naïfs : le voile est un étendard de l’islamisme ! » (Site Nouvelles de France, 27 avril 2016).

POUR CONCLURE

 Ce n’est pas en tant que vêtement – sauf dans ses formes aliénantes ou disgracieuses – que le voile islamique pose problème mais à cause du projet dont il est le vecteur, aussi bien dans les pays de tradition musulmane en cours de réislamisation que dans les pays où l’islam s’établit à travers l’émigration.

Selon Hanifa Chérifi, membre du Haut-Conseil à l’Intégration, les atermoiements de l’Etat français ont entraîné un processus dangereux pour l’unité nationale.

« Si l’on s’était donné le temps de la réflexion, on se serait rendu compte que le port du voile est un obstacle au processus d’intégration scolaire, sociale et, surtout, d’intégration dans le monde du travail » (Le Monde, 16-17 décembre 2001).

Il reste aux Etats européens à ouvrir les yeux sur cette réalité et à prendre les mesures qui s’imposent. Saisie d’une affaire concernant l’employée musulmane d’une entreprise belge qui refusait de retirer son foulard islamique sur le lieu de son travail, l’avocate générale de la Cour de Justice de l’Union européenne a estimé, dans ses conclusions, que cette interdiction « peut être licite » car « elle ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion, dès lors que cette interdiction s’appuie sur un règlement général de l’entreprise interdisant les signes politiques, philosophiques et religieux visibles sur le lieu de travail » (Le Figaro, 1er juin 2016).

 

Annie Laurent

a.laurent@associationclarifier.fr


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