Article paru dans La Nef, n° 296, octobre 2017

Père Michel Viot et Odon Lafontaine, La Laïcité, mère porteuse de l’islam ?, préface de Rémi Brague, éd. Les unpertinents, 2017, 281 p., 20 €.

 

Sous ce titre quelque peu déconcertant, les deux auteurs proposent une étude très riche dans laquelle ils commencent par rappeler les fondements de la laïcité française telle qu’elle a été conçue par l’idéologie des Lumières et influencée par la franc-maçonnerie. Plutôt que d’appliquer la distinction entre les deux pouvoirs, temporel et spirituel, comme le veut la tradition issue de l’Evangile, nos philosophes (Rousseau, Voltaire, etc.) ont bâti un système de stricte séparation écartant l’intervention du catholicisme dans les affaires de la Cité. Puis, les auteurs font une longue analyse sur ce qui, dans l’islam, lui aussi viscéralement anti-chrétien, relève d’un messianisme global comparable à celui des Lumières. Une connivence inattendue !

De longs développements sont aussi consacrés à l’émergence des idéologies salafistes (wahhabisme, Frères musulmans), forgées dans l’opposition à l’influence de l’Occident mais bénéficiant néanmoins de l’appui des Anglo-saxons soucieux de ménager leurs intérêts stratégiques et économiques. Dans la gestion du culte islamique des territoires où ils avaient influence ou autorité, une même préoccupation a conduit les régimes français post révolutionnaires (cf. l’admiration de Bonaparte pour la religion de Mahomet). En Algérie, la république a nettement favorisé l’islam sur le catholicisme. Et il est à craindre qu’une situation semblable se profile aujourd’hui dans une France dont les médias sont largement acquis aux idées de gauche.

Pour les auteurs, il faut en finir avec l’hypocrisie du concept de laïcité à la française. « Elle ne peut faire vivre ensemble des espérances politiques universalistes rivales et incompatibles, et ce d’autant plus qu’elle est elle-même, sous la forme de la Laïcité, une religion politique absolue ». Et de préconiser le renoncement à l’usage du mot corrompu de « laïcité » pour restaurer « une véritable neutralité de l’Etat en matière religieuse ».

 

Annie Laurent