voir aussi ICI article sur la question du génocide arménien
LES CHRÉTIENS ARMÉNIENS
La grande majorité des Arméniens appartiennent à l’Eglise arménienne apostolique (non-catholique), ainsi nommée en référence aux apôtres Thaddée et Barthélemy qui évangélisèrent le Caucase, berceau de ce peuple. A l’aube du Vème siècle, cette Eglise s’organisa de façon autonome, créant un patriarcat autocéphale, appelé « catholicossat ». Deux raisons motivèrent cette décision :
- d’une part, l’affirmation du particularisme culturel arménien,
- d’autre part, le désir d’échapper aux convoitises rivales de l’Empire romain d’Orient et des Perses sassanides, ces derniers cherchant à imposer aussi bien leur pouvoir que leur religion païenne, le mazdéisme.
Confrontés à une situation intérieure politiquement très troublée à cause de la guerre contre les Perses (449-484), les évêques arméniens ne participèrent pas au concile de Chalcédoine (451) dont les définitions dogmatiques, pourtant conformes à leur théologie, leur furent communiquées de manière si déformée par des monophysites syriens (1) qu’ils les crurent hérétiques. Un problème de langue aggrava le malentendu. Mais les sentiments anti-byzantins qui se manifestaient en Arménie rendaient impossible toute explication avec Constantinople. C’est ainsi qu’un synode arménien, réuni à Dvin en 505, rejeta Chalcédoine. Le schisme fut alors consommé.
Malgré son isolement
l’Eglise arménienne survécut aux vicissitudes liées aux différentes invasions de son territoire (Perses, Arabes, Mongols, Turcs seldjoukides) et à la disparition du royaume, au XIème siècle ; elle résista à la tentative d’union forcée que voulaient lui imposer les Byzantins, maîtres du pays en 1054, et échappa même à l’islamisation, ce dont elle est fière.
Ayant fondé, en 1073, une principauté de repli autour de Sis, en Cilicie (pour conserver une indépendance deux ans après que les Turcs seldjoukides se furent emparés de leur pays), où s’établit alors leur catholicossat, les chrétiens de cette « Petite Arménie » (indépendante jusqu’en 1375) y bénéficièrent de la rencontre avec les Croisés établis dans la principauté d’Antioche avec lesquels ils coopérèrent. Ces circonstances favorisèrent des rapprochements avec le Siège de Pierre, mais ce n’est qu’au XVIIIème siècle que naquit officiellement l’Eglise arménienne-catholique.
En 1740
des fidèles arméniens installés au Liban et en Syrie où, grâce aux Capitulations qui les plaçaient sous la protection des consuls de France, ils échappaient aux exactions ottomanes, choisirent, en accord avec le Saint-Siège, le premier catholicos uni à Rome, Mgr Abraham Ardzivian, archevêque d’Alep. Deux ans après, le pape Benoît XIV créa pour lui le patriarcat dit « de Cilicie des Arméniens ». Son siège est situé à Bzommar, dans le Mont-Liban. Depuis 1999, son titulaire est Nersès Bedros XIX, natif d’Egypte, pays où les Arméniens-catholiques ont un diocèse.
Au XXème siècle
l’Eglise apostolique dut se scinder en deux, en raison de la mainmise des Soviétiques sur l’Arménie à partir de 1918. A côté du catholicossat historique d’Etchmiadzine, un catholicossat de la diaspora, appelé « de Cilicie » comme celui de la branche catholique, s’installa à Antélias (Liban). Cette bicéphalie a survécu au recouvrement de l’indépendance de l’Arménie, en 1991.
Le 13 décembre 1996
Jean-Paul II et le catholicos d’Arménie Karékine 1er ont signé à Rome une déclaration tendant à dissiper les malentendus hérités des controverses du passé en matière de foi et de christologie. Comme toutes les Eglises non chalcédoniennes, celle d’Arménie tient toutefois à son indépendance par rapport à Rome et à Constantinople, ce qui ne l’empêche pas de se considérer en pleine communion de facto avec ces deux sièges. L’actuel catholicos, Karékine II, a assisté à Rome à l’intronisation du pape François.
A partir du XIXème siècle
le protestantisme a par ailleurs pénétré les milieux arméniens, suite aux activités des missionnaires anglo-saxons dans l’Empire ottoman, ce qui a entraîné la création d’une « Eglise évangélique arménienne ».
Annie Laurent
Article paru dans La Nef n° 270 – Mai 2015
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(1) Le monophysisme professe l’absorption de la nature humaine du Christ par sa nature divine.