Radio-Espérance, 9 octobre 2013

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Dans son numéro d’octobre, la revue L’Eglise dans le monde, qui est éditée par l’Aide à l’Eglise en détresse, évoque la situation difficile des chrétiens dans la Bande de Gaza, ce minuscule territoire palestinien enclavé entre Israël et le Sinaï égyptien. La communauté des baptisés y est extrêmement réduite.

Avec 1 550 âmes pour une population totale d’un million sept cent mille habitants, elle ne représente que 0, 09 % de l’ensemble. La majorité de ces chrétiens sont des orthodoxes, le nombre de catholiques étant passé en dix-huit mois de 300 à 180.

En juin 2007, le Hamas, mouvement islamiste palestinien, s’est emparé du pouvoir par la force à Gaza. Son idéologie est la même que celle des Frères musulmans égyptiens. Elle consiste à imposer la charia, la loi islamique, dans tous les secteurs de la vie publique et privée. Ainsi, durant l’été, le gouvernement a annoncé l’adoption d’une loi consistant à supprimer la mixité dans les écoles. A partir de l’âge de 9 ans, les garçons et les filles devront étudier dans des bâtiments séparés tandis qu’il sera interdit à une femme d’enseigner à des garçons de plus de 10 ans et à un homme d’instruire des jeunes filles. Cette annonce a troublé la rentrée scolaire qui s’est déroulée dans une ambiance tendue pour les chrétiens.

Pour eux, cette mesure est un coup rude, même si elle n’est pas encore entrée en vigueur. Ils la ressentent comme une menace qui les vise directement. En effet, 3 500 élèves fréquentent leurs établissements qui sont au nombre de cinq, deux orthodoxes et trois catholiques. Parmi ces élèves, la plupart sont des musulmans, leurs pères sont même parfois des ministres du Hamas qui en apprécient la qualité. L’école catholique de la Sainte-Famille, gérée par le patriarcat latin de Jérusalem, est particulièrement performante. C’est elle qui obtient les meilleurs résultats aux examens.

Si le gouvernement impose la mise en application de la non-mixité, les établissements chrétiens seront obligés d’acquérir de nouveaux bâtiments et d’embaucher des enseignants supplémentaires, ce qui nécessiterait un budget qu’elles n’ont pas et les obligerait finalement à fermer leurs portes. Le patriarcat latin de Jérusalem, dont dépend la Sainte-Famille, s’y oppose formellement car ce serait la fin de toute possibilité de coexistence entre chrétiens et musulmans. L’école est, en effet, l’endroit où les enfants, dès leur jeune âge, peuvent apprendre à se respecter et à s’aimer malgré leurs différences religieuses, comme l’a souligné le patriarche, Mgr Fouad Twal. Je le cite : « Les enfants qui apprennent et jouent ensemble à l’école gagnent la vertu du dialogue pour l’avenir ». Et d’ajouter : « A travers les écoles, nous avons pu bâtir des amitiés avec de nombreuses familles de Gaza, quelles soient chrétiennes ou musulmanes ». Tout n’est pas idéal pour autant. Sous la pression de leurs camarades musulmans, certains enfants chrétiens demandent à passer à l’islam.

L’Islam intégriste n’est pas le seul responsable des souffrances des chrétiens gazaouis. Ceux-ci subissent aussi les entraves mises par Israël à la circulation. Sortir du territoire ne peut se faire qu’au moyen de laissez-passer délivrés par l’armée israélienne qui en contrôle tous les points de passage. Même pour les grandes fêtes religieuses, beaucoup de chrétiens ne peuvent se rendre à Jérusalem. Et lorsque des permis leur sont donnés, ils ne concernent jamais une famille entière.

Pour l’Eglise catholique, demeurer sur place à travers son unique paroisse et ses institutions est aussi un moyen d’encourager les chrétiens à ne pas céder à la tentation de vendre leurs biens et d’émigrer à l’étranger. Les trois communautés de religieuses présentes à Gaza leur apportent un soutien humain et spirituel qui aide les fidèles à prendre conscience des exigences de leur vocation baptismale sur cette terre où Jésus, Marie et Joseph firent étape lors de leur fuite en Egypte, il y a deux mille ans.

Ce territoire regorge d’ailleurs de vestiges témoignant de l’antique présence chrétienne. Les dominicains de l’Ecole biblique et archéologique de Jérusalem effectuent à cet égard un remarquable travail de fouilles et de protection des sites. Mais sans une solution politique fondée sur la justice et le pardon, il est à craindre que d’ici peu de temps les pierres vivantes disparaissent de Gaza.

 

Annie Laurent