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Radio-Espérance, 14 octobre 2015 -Ecoute AUDIO ICI

 

Ces derniers jours, les djihadistes de l’Etat islamique, ou Daech, ont à nouveau diffusé une vidéo montrant l’assassinat de trois chrétiens orientaux qui a eu lieu le 23 septembre, jour de fête religieuse pour les musulmans.

Les fidèles de l’islam célébraient en effet l’Aïd el-Kebir, la grande fête, qui commémore le sacrifice d’Abraham.

J’utilise à dessein le mot « assassinat » pour réagir aux médias qui qualifient à tort ces meurtres d’exécutions, comme s’il s’agissait d’appliquer une sentence rendue par un tribunal suivant des règles de droit. La presse française a d’ailleurs à peine signalé ce drame, largement supplanté, il est vrai, par le développement inquiétant des conflits qui se déroulent dans tout le Proche-Orient. Il ne faut pourtant pas oublier ces martyrs – et le mot de martyr est juste car ces chrétiens auraient sans doute été sauvés s’ils avaient prononcé la profession de foi islamique. Voilà pourquoi j’ai choisi d’en parler cette semaine.

La scène macabre se serait déroulée dans les environs de Hassaké. Cette ville, située au nord-est de la Syrie, est sous le contrôle de Daech. Avant d’être tuées par balles, les trois victimes ont été sommées de s’identifier et d’indiquer leur village natal. Elles faisaient partie d’un groupe d’environ 230 chrétiens, des hommes, des femmes et des enfants, qui ont été  enlevés par les djihadistes en février dernier. Trois autres hommes ont été obligés d’assister à l’horrible spectacle et contraints de déclarer, je cite :

Notre sort sera le même que le leur si les procédures correctes en vue de leur libération ne sont pas suivies ».

De quelle procédure s’agit-il ? Depuis cet enlèvement collectif, les ravisseurs exigent des rançons de 100 000 dollars en échange de la libération de chacun de leurs otages. Mais, devant l’impossibilité, pour les responsables de l’Eglise syriaque-catholique à laquelle appartiennent ces malheureux chrétiens, de réunir des sommes aussi exorbitantes, les négociations se sont arrêtées, indiquait il y a un mois l’archevêque d’Hassaké, Mgr Jacques Hindo.

Le sort des compagnons d’infortune des trois hommes assassinés demeure donc inquiétant.

Comme je viens de le dire, ces fidèles de Jésus-Christ sont des syriaques-catholiques. Leur Eglise, qui se rattache à l’antique patriarcat d’Antioche, a été reconnue comme catholique par Rome au XVIIIème siècle.

Durant le génocide de 1915, et à plusieurs reprises depuis lors, les syriaques ont été tellement éprouvés par le fanatisme islamique qu’ils constituent aujourd’hui la communauté catholique orientale numériquement la plus petite, en y incluant une diaspora très importante.

Sans relâche, son patriarche actuel, Ignace III Younan, qui réside habituellement au Liban, parcourt le monde pour conforter ses ouailles dans leur attachement à leurs traditions, hanté qu’il est par la perspective de leur disparition en une génération. Profondément meurtri par tant d’injustices, il ne cesse en outre d’interpeller l’Occident sur ses responsabilités.

Ses évêques lui ressemblent par la fermeté de leur personnalité et la clarté de leur langage, notamment en ce qui concerne l’islam et le danger d’islamisation de l’Europe. Il suffit pour s’en convaincre de lire les déclarations d’un Mgr Youhanna Petros Moché, évêque de Mossoul, réfugié avec les siens au Kurdistan irakien. La semaine dernière, il visitait le diocèse de Forli, en Italie, où la paroisse Regina Pacis a lancé, en juillet de cette année, une campagne d’adoption des chrétiens d’Irak contraints de tout abandonner. Chaque personne ou chaque famille s’engage à verser ce qu’elle peut chaque jour, chaque semaine ou chaque mois en faveur d’un chrétien réfugié au Kurdistan. Il s’agit de donner de la continuité au soutien, indiquent les promoteurs de cette belle initiative.

Devant ses hôtes, Mgr Moché a insisté pour que l’accueil de ses coreligionnaires qui arrivent en Europe ne les sépare pas de leurs liens ecclésiaux et communautaires.

Si le retour en Irak se révélait impossible, a-t-il précisé, il faudrait que les réfugiés puissent être reçus en groupe, et pas séparément. Recevoir un membre de la communauté seul, c’est amputer la communauté. Nous avons besoin de nous retrouver, de vivre ensemble pour que vivent nos traditions ».

Les chrétiens d’Orient ont conservé un sens très fort de la convivialité. Et ils veulent le reproduire en Occident. Une belle leçon pour nos sociétés si individualistes.

 

Annie Laurent