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1. L’ORDONNANCEMENT DU CORAN

 

Selon la tradition islamique, le texte du Coran a été définitivement fixé sous le califat d’Othman (644-656). Pour mettre un terme à la disparité des versions qui circulaient alors et remédier aux risques d’altération, il fallait rassembler les « morceaux épars » en un livre unique qui, seul, ferait foi. Cette collecte a donné lieu au corpus toujours en vigueur qui constitue le Livre de référence pour tous les musulmans. Les chiites reprochent cependant aux sunnites d’avoir censuré le Coran en supprimant notamment les versets où Dieu aurait exalté l’excellence de la famille de Mahomet et de ses descendants et où il aurait désigné Ali, son cousin et gendre, comme premier successeur du prophète de l’islam. Cette volonté « divine » non respectée (Ali n’a été que le quatrième calife) devait entraîner le schisme entre sunnites et chiites (cf. à ce sujet PFV n° 109 et 109 bis).

Des questions non résolues

 

Le Dieu de l’islam dit qu’Il a « fait descendre le Coran dans la nuit du Destin (…). Durant cette nuit, les anges et l’Esprit (l’ange Gabriel, selon les commentateurs musulmans) descendent, avec la permission de leur Seigneur, portant ses ordres sur toutes choses » (97, 1-4). Cette nuit est la 27ème du mois de Ramadan (2, 185). Cependant, la plupart des commentateurs musulmans admettent que la « descente » (ou révélation) s’est déroulée par bribes pendant vingt-deux ans, de 610 à 632. En outre, bien qu’étant réputé intemporel parce qu’incréé, le Coran comporte des passages qui se rapportent directement aux épisodes de la vie de Mahomet et de ses premiers compagnons. Qualifié de « transmetteur », le prophète de l’islam dictait à son entourage des versets « venus d’En-Haut » au gré de ses besoins personnels et de ceux de son groupe, ou bien en réponse à leurs interrogations sur une manière d’agir.

Le Coran est composé de 114 sourates et de 6236 versets. Leur classement a été effectué selon un ordre de longueur décroissante, sauf pour la première sourate, la Fatiha (« L’ouverture ») qui n’a que 7 versets. Ainsi, la deuxième sourate a 286 versets, tandis que la dernière n’en a que 6. L’ordre chronologique n’ayant pas été retenu pour ce classement, l’injonction « divine » qui est censée inaugurer la « descente » ne se trouve pas placée en tête du texte mais vers la fin.  « Récite, au nom de ton Seigneur qui créa ! Il créa l’homme d’un caillot de sang. Lis ! Car ton Seigneur est le Très-Généreux qui a instruit l’homme au moyen du calame [plume] et lui a enseigné ce qu’il ignorait » (96, 1-5). Pourquoi les compilateurs du Coran n’ont-ils donc pas retenu l’ordre chronologique ? Par ailleurs, en procédant à la sélection des versets, le groupe des scribes chargés par le calife Othman de l’assemblage du Coran a maintenu dans le texte des énoncés et des prescriptions contradictoires (cf. infra). Pourquoi n’ont-ils pas conservé seulement ceux qui leur paraissaient comme authentiquement dictés par Dieu ?

La tradition est muette sur les raisons de tous ces choix. Tout en reconnaissant qu’ils sont le résultat d’un travail humain, elle les considère comme voulus par Dieu. Il en va de même pour les titres donnés à chaque sourate. Certains intitulés reprennent un mot de la sourate qui n’a rien de central et ne traduit pas son contenu, comme par exemple la deuxième, appelée « La vache », la dixième, « Jonas », la vingt-quatrième, « La loi », etc.

 Des contradictions

A plusieurs reprises et sur plusieurs thèmes, le Coran comporte des contradictions évidentes. En voici quelques exemples.

 1°/ Sur la clarté du texte sacré.

D’un côté, le Coran se présente à de nombreuses reprises comme unique et inimitable par la perfection de sa langue, de l’autre, il admet contenir des ambiguïtés :

– « Ceci est une révélation en langue arabe claire » (26, 195 ; 16, 103, etc.) ;

– « C’est Lui [Dieu] qui a fait descendre le Livre sur toi [Mahomet] ; il s’y trouve des versets affermis – ils constituent le Livre Mère – et d’autres qui prêtent à confusion » (3, 7).

 

2°/ Sur la liberté religieuse.

D’un côté, le Coran pose le principe de la liberté, de l’autre il se montre intraitable envers ceux qui renoncent à l’islam :

– « Quiconque le veut, qu’il soit croyant, et quiconque le veut, qu’il soit infidèle » (18, 29)

– « Et ceux parmi vous qui abjureront leur religion et mourront infidèles, vaines seront pour eux leurs actions dans la vie immédiate et la vie future. Voilà les gens du Feu : ils y demeureront éternellement » (2, 216).

 

3°/ Sur la mission.

D’un côté, le Coran recommande le respect des consciences, de l’autre il commande le djihad au service du prosélytisme :

– « Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? Il n’appartient nullement à une âme de croire si ce n’est avec la permission de Dieu. Et il voue au châtiment ceux qui ne raisonnent pas » (10, 99-100).

– « Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez les polythéistes [païens, adorateurs de faux dieux, et chrétiens pour certains], partout où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades. Mais s’ils se repentent, s’ils s’acquittent de la prière, s’ils font l’aumône, laissez-les libres » (9, 5).

 

4°/ Sur les relations avec les juifs et les chrétiens.

D’un côté, le Coran recommande le dialogue courtois, de l’autre, il invite à la méfiance et à la violence envers eux.

– « Ne discutez avec les gens du Livre [juifs et chrétiens] que de la meilleure manière, sauf avec ceux qui sont injustes » (29, 46) ;

– « Ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens. Ils sont amis entre eux. Celui qui les prend pour amis finit par être des leurs. Dieu ne guidera pas les pervers » (5, 51) ;

– « Combattez : ceux qui ne croient pas en Dieu et au Jour dernier ; ceux qui ne déclarent pas illicite ce que Dieu et son Prophète ont déclaré illicite ; ceux qui, parmi les gens du Livre ne pratiquent pas la vraie religion. Combattez-les jusqu’à ce qu’ils paient directement le tribut après s’être humiliés » (9, 29).

 

5°/ Sur la miséricorde.

D’un côté, Dieu accorde son pardon à ceux qui le lui demandent, de l’autre, Il agit de manière arbitraire :

– « Que celui d’entre vous qui commet le mal par ignorance et qui, ensuite, s’en repent et s’amende, sache que Dieu est celui qui pardonne et qu’Il est miséricordieux » (6, 54) ;

– « Dieu pardonne à qui Il veut ; Il châtie qui Il veut » (3, 129).

 

6°/ Sur la consommation d’alcool.

D’un côté, le Coran décrit l’alcool comme un bien, de l’autre, il en interdit formellement l’absorption :

– Des fruits des palmiers et des vignes, vous tirez une boisson enivrante et un aliment excellent » (16, 67) ;

– « Ils t’interrogent à propos du vin (…). Dis : « Il s’y trouve à la fois un grand péché et des choses profitables pour les gens mais le péché l’emporte sur le profit » » (2, 219) ;

– « Ô vous qui croyez, le vin (et d’autres choses) ne sont que des abominations, œuvres de Satan ; évitez cela, vous serez peut-être gagnants » (5, 90).

 

On pourrait citer d’autres thèmes qui font l’objet de semblables contradictions : le remariage, la prédestination, l’humilité, etc.

 

Annie Laurent

 


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