UNE PRIÈRE POUR LA PAIX CONTROVERSÉE

Comme il l’avait annoncé durant son voyage en Terre sainte, le pape François a accueilli au Vatican les présidents israélien et palestinien, Shimon Pérès et Mahmoud Abbas, afin d’implorer de Dieu le don de la paix. Le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée 1er, a également participé à cette rencontre qui a eu lieu le dimanche 8 juin, en la fête de la Pentecôte, jour particulièrement bien choisi puisque les dons de Dieu sont communiqués par le Saint-Esprit et que la paix en fait partie.

Pour respecter la neutralité religieuse, la réunion s’est déroulée dans les Jardins du Vatican. En plus des quatre principaux protagonistes, d’autres membres des trois religions devaient prononcer des prières dont les thèmes (louange à Dieu pour le don de la création et de la famille humaine, demande de pardon pour les fautes commises contre la fraternité, invocation du don de la paix pour les deux peuples) avaient été précisés à l’avance par le Père Pizzaballa, franciscain responsable de la Custodie de Terre sainte, chargé par le pape d’organiser cette rencontre.

Les membres de la délégation juive ont récité plusieurs Psaumes exprimant, entre autres, la reconnaissance des hommes envers le Créateur pour les faveurs accordées à son peuple d’élection (cf. Ps 147, 20), ainsi qu’un extrait de la liturgie du Yom Kippour (le Grand Pardon).

Lors de la séquence chrétienne, qui venait en second pour respecter l’ordre chronologique de l’apparition des religions dans l’histoire, Bartholomée 1er a lu des passages d’Isaïe annonçant la création d’un ciel nouveau et d’une terre nouvelle, la recréation de Jérusalem, la cohabitation pacifique du loup et de l’agneau, du lion et du bœuf. « Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte, dit le Seigneur » (65, 17-25). Une Palestinienne a lu en arabe la prière bien connue du Poverello : « Seigneur, fais de moi l’instrument de ta paix… ».

Enfin, du côté musulman, l’un des imams présents a récité les versets 284 à 286 de la deuxième sourate. Ces passages comportent notamment l’imploration de la miséricorde divine mais ils se terminent ainsi : « Tu es notre Maître ! Rends-nous victorieux contre le peuple des kâfirûn ».Ce mot, qui signifie incrédules ou polythéistes, s’applique en général aux chrétiens.

Comme il avait été demandé aux participants de ne choisir que des prières non offensantes pour les fidèles des autres religions et que les textes retenus figuraient en anglais et en italien dans les livrets remis aux participants, l’imam a donc pris la liberté, face au Saint-Père et aux chrétiens présents, d’aller jusqu’au bout de cette sourate, sachant que seuls les arabophones pourraient l’entendre. Les paroles heureusement pacifiantes prononcées par M. Abbas ont cependant pu corriger l’effet désastreux causé par cette attitude si peu respectueuse. Bien que non chrétien, le président palestinien a cité deux passages d’Evangile, notamment un extrait du sermon sur la montagne : « Bienheureux les artisans de paix » (Mt 5, 9).

Pour sa part, le pape François a conclu la cérémonie par un discours suivi d’une prière demandant à Dieu d’infuser aux hommes « le courage d’accomplir des gestes concrets pour construire la paix ».

 

Annie Laurent

Article paru dans La Nef n° 261 – Juillet-août 2014