Mathieu Guidère, Sexe et charia, Ed. du Rocher, 199 p., 16, 90 €.
Agrégé d’arabe et professeur d’islamologie à l’Université de Toulouse, Mathieu Guidère explique comment les révolutions arabes de 2011, notamment en Tunisie, au Maroc et en Egypte, ont fait tomber des tabous dans le domaine de la sexualité et des rapports entre hommes et femmes.
Ainsi, lors des grandes manifestations, des femmes n’ont eu aucun complexe à défiler aux côtés des hommes, et même à rester en leur compagnie sur les places durant la nuit. Ce qui était souvent pratiqué en cachette, comme les rapports sexuels avant le mariage, a soudain fait l’objet d’une revendication publique.
Mais cette libération a été phagocytée par les islamistes vainqueurs des élections. Certes, ceux-ci restent attachés à l’observance stricte des principes relatifs au mariage et à la mixité (l’auteur les rappelle en détails) énoncés par la charia. Cependant, les nouveaux pouvoirs innovent désormais en encadrant des actes prohibés par des fatwas (avis religieux) qui inventent de nouveaux types de mariages, l’essentiel étant de sauver les apparences.
Le voile, même intégral, n’est pas forcément signe de vertu et de pudeur. Ainsi, un acte immoral peut être commis dès lors qu’il a pour but d’empêcher un autre acte clairement interdit par la charia.
En cette matière, l’islam ne s’attache guère au sens moral des actes, fermant même les yeux sur l’hypocrisie de certaines attitudes. Ainsi, précise M. Guidère, « la tendance s’est inversée : d’une théologie prescriptive (de la norme) en matière de sexualité, nous sommes passés à une théologie justificative (de l’écart sexuel) ».
En présentant les nombreuses fatwas sexuelles qui sont souvent délivrées sur Internet et les thèmes discutés sur les réseaux sociaux, l’auteur montre l’obsession des musulmans sur ces questions. Ces évolutions n’ont pourtant pas libéré la femme d’une domination masculine qui repose sur des principes religieux attribués à Dieu.
Annie Laurent
Recension parue dans L’Homme nouveau du 27 septembre 2014
