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 L’IJTIHAD

La conférence prononcée par Benoît XVI à Ratisbonne le 12 septembre 2006 pose implicitement la question de l’aptitude des musulmans à procéder à la critique des textes sacrés de l’islam, en particulier du Coran, et de leur interprétation.

Il ne s’agit pas là d’une affaire marginale qui ne concernerait que quelques intellectuels amateurs d’herméneutique, mais d’un problème essentiel compte tenu de l’anthropologie résultant de la façon dont les Ecritures saintes d’une religion organisent le rapport de l’homme avec Dieu, de sa vie en société et de son regard sur ceux qui ne professent pas le même Credo, sont agnostiques ou militent dans l’athéisme.

De la réponse à cette question dépendra donc la manière avec laquelle les musulmans relèveront le double défi de la mondialisation et de la modernité, si tant est qu’il en aient la même perception que nous. Pour l’heure, il est évident que, dans l’ensemble, ils ne parviennent pas à faire face à ces situations nouvelles.

En effet, les sociétés se réclamant de l’islam traversent, du moins du point de vue occidental, une crise qui les maintient dans un état de réactivité et non de créativité et les enfonce dans un marasme stérile malgré le formidable « bond en avant » démographique et spatial accompli en un siècle (le nombre des musulmans est passé de deux cents millions cent deux mille en 1900 à un peu plus d’un milliard trois cent millions en 2000).

Les résultats d’enquêtes

effectuées ces dernières années sous l’égide d’institutions internationales fournissent à cet égard un bilan très négatif : analphabétisme, indigence intellectuelle et économique, chômage massif des jeunes, régimes de partis uniques, violations des « droits de l’homme », aliénation des femmes, atteintes aux libertés publiques, censures, etc., sont autant d’indices qui montrent le retard des sociétés islamiques par rapport à l’Occident et à l’Asie non musulmane.

Ce constat vaut surtout pour l’aire arabe dont la population ne représente plus que moins d’un quart des musulmans mais qui demeure centrale pour tous en raison de son statut de berceau historique et géographique de l’islam, de la présence sur le sol de l’Arabie des principaux lieux saints (La Mecque et Médine) et du caractère sacré de la langue arabe, seule valable pour la prière rituelle, que l’on soit arabophone ou non.

Le temps presse donc. Voici un quart de siècle, le Père Georges Anawati (1905- 1994), dominicain égyptien, fondateur de l’Institut d’Etudes orientales du Caire, insistait déjà sur ce point en écrivant : « Ce qui me paraît vraiment urgent, c’est que l’islam se décide à faire son aggiornamento, surtout s’il veut dialoguer d’égal à égal avec le judaïsme et la chrétienté » (1).

Par association d’idée, on entend dire parfois, sur un ton qui se veut rassurant, que, tôt ou tard, les musulmans suivront l’exemple des catholiques et feront « leur Vatican II » ! Cette approche curieuse méconnaît tout à la fois la fonction réelle d’un concile, instance étrangère à l’islam, tout au moins dans sa version sunnite, très largement majoritaire (90 % des musulmans), qui, dépourvu de toute organisation hiérarchique, n’a pas de magistère unique (2), et le rapport des fidèles musulmans à leurs textes sacrés, qui se passe de toute médiation.

Admettons toutefois à la suite du Père Anawati qu’avec les musulmans, il faut faire preuve d’une « patience géologique » (3) et examinons les spécificités de l’islam dans ces domaines.

Du côté musulman,

on rejette souvent sur les « autres » la responsabilité de la « stagnation ». La faute en revient à la colonisation, puis à la création de l’Etat d’Israël et à l’injustice faite aux Palestiniens, et aujourd’hui à l’hégémonie occidentale, ou plutôt états-unienne. Tout cela n’est pas totalement faux, mais, outre que ces circonstances passeront avec le temps (quels seront alors les coupables ?), il s’agit d’un paravent bien commode qui permet d’éviter de poser la question clé :

le blocage ne provient-il pas d’éléments inhérents au système politico-religieux que constitue l’islam ? Nulle réponse ne peut être donnée à cette interrogation sans une prise en compte de la perception coranique de Dieu car celle-ci conditionne la vision islamique du monde. On sait que le dogme principal de l’islam est l’unicité de Dieu (tawhid), qui s’oppose à l’Uni-Trinité divine du Nouveau Testament. Il en résulte que tout doit être un et seulement un. L’islam est unitaire.

Au sein de l’Oumma

(communauté des croyants de l’islam), on ne tient pas compte des différences entre les races, on vit mal les divisions et l’on admet difficilement le pluralisme (partis, idées, religions). De même, l’islam classique a une approche de l’homme qui laisse peu de place à la liberté des individus, lesquels ne réalisent pleinement leur dignité que dans la soumission à la Loi de Dieu telle que prescrite par le Coran, prolongée dans la Sunna (Tradition prophétique) et vécue collectivement dans l’Oumma.

Comment sortir de ce cadre dès lors que l’on considère le Coran comme consubstantiel à Dieu ? Car tel est le statut qui lui est reconnu par les instances religieuses et l’immense majorité des musulmans depuis la clôture, au Xème siècle, d’un vaste débat autour de cette question. Livre incréé, « inimitable » selon ce qu’il dit de lui-même (4), valable pour tous les temps et tous les lieux car il est l’ultime Parole de Dieu, préservée de « toute altération » (5) et communiquée à l’humanité par un envoyé, Mahomet, le « sceau des prophètes » (6) dont l’analphabétisme supposé garantit l’origine et l’intégrité (7), le Coran enveloppe les musulmans dans un système qui échappe, en principe, à toute analyse critique.

Il en va de même de la Sunna,

énorme collection de recueils rassemblant tous les faits, gestes et propos, voire les silences, de Mahomet dans un corpus appelé le Hadîth et qui constitue, avec le Coran, l’une des deux sources majeures de la charia (loi islamique).

Appliquer au Coran un traitement exégétique tel que celui qui est admis par l’Eglise pour la Bible et qui implique la recherche de sources humaines, historiques ou littéraires à travers l’archéologie, la linguistique ou la philosophie, paraît impossible en l’état actuel pour les institutions musulmanes officielles. Il faudrait pour cela revoir le statut du Coran et donc retrouver l’esprit des débats qui caractérisa sur ce point capital les premiers siècles de l’islam.

Ces discussions doctrinales connurent leur apogée au IXème siècle, dans les débuts de la dynastie abbasside qui régnait alors à Bagdad (750-936). Sous l’impulsion de deux intellectuels, Wasil ibn Ata et Amr ibn Obaïd, vit le jour un courant de pensée rationalisant, appelé motazilite (du mot arabe motazil = « celui qui se met à part »), qui préconisait le recours aux méthodes logiques fournies par la philosophie grecque pour définir les articles de foi, instaurant ainsi la pratique du Kalam (« discours »).

  • Les motazilites insistaient sur la raison, la responsabilité et le libre-arbitre pour saisir la sagesse de Dieu et déterminer la valeur des actes humains plutôt que sur la soumission passive à l’arbitraire divin. Cette dernière thèse avait les faveurs des traditionalistes, notamment des hanbalites, disciples d’Ibn Hanbal, fondateur d’une école juridique littéraliste dont s’inspirent aujourd’hui encore certaines législations musulmanes (8). Les idées motazilites, qui impliquaient la croyance en un Coran créé, oeuvre en partie humaine, séduisirent le calife Mamoun (813-833) qui, malgré l’opposition des oulémas (docteurs de la loi) et des cadis (juges), voulut les imposer comme doctrine officielle, recourant pour cela à la contrainte. Mais cette inquisition (mihna)s’étant heurtée à la résistance de la population qui restait attachée aux doctrines traditionnelles, le calife Moutawakkil (847-861) décréta que le motazilisme et le Kalam étaient désormais hors-la-loi.

Entre les deux positions, apparut au Xème siècle le mouvement acharite, du nom de son initiateur, l’imam El Achari, lui-même ancien motazilite. Tout en affirmant l’absolue transcendance de Dieu et du Coran, ce courant voulait laisser place au raisonnement. A titre d’exemple, s’il défendait la prédétermination des actes humains, il déclarait que l’homme « s’appropriait » ces actes au moment de l’action et en devenait ainsi responsable. Appuyé par Ibn Hanbal, l’acharisme l’emporta, imposant le dogme d’un Coran incréé mais aussi la fermeture de la « porte de l’ijtihad » (interprétationinnovation) au motif que les principaux problèmes qui se posaient étaient désormais résolus. C’est ainsi que, depuis lors, la pensée islamique est verrouillée.

Aucune autorité reconnue de l’Islam n’a, à ce jour, pris l’initiative de rouvrir cette « porte de l’ijtihad », ce qui n’a pas empêché certains intellectuels d’essayer de la forcer. A la fin du XIXème et au début du XXème siècles, sous l’influence de l’Europe, dont l’attrait était réel au Proche-Orient, des musulmans arabes militèrent pour un authentique aggiornamento. Parmi d’autres, le grand-mufti d’Egypte, Mohamed Abdou (1849-1905), déploya des efforts en vue de réformer les études religieuses d’El Azhar, la grande université du Caire dont l’autorité est reconnue par une bonne partie des musulmans sunnites dans le monde, de défendre la légitimité d’institutions politiques empruntées aux démocraties européennes (le parlement, par exemple) ainsi qu’une certaine émancipation de la femme (il recommandait la monogamie).

C’est d’ailleurs au Caire, durant le premier tiers du siècle dernier, que naquit le féminisme arabe, mouvement symbolisé par le rejet du voile islamique.

Pour sa part, le compatriote d’Abdou, l’ouléma Ali Abderrazak (1888-1947), considérant l’abolition du califat par Ataturk (1924) et l’établissement d’une république parlementaire en Turquie, légitima l’autonomie du politique par rapport au religieux.

Dans son ouvrage « L’Islam et les bases du pouvoir », paru en 1925, il démontra que lorsqu’il dirigeait la communauté musulmane à Médine, Mahomet n’avait pas cherché à imposer un seul modèle d’organisation politique et qu’il y avait donc lieu de considérer le califat comme un accident de l’histoire. La position d’Abderrazak fut cependant condamnée par El Azhar. Peu après, dans un essai intitulé Avenir de la culture en Egypte, publié en 1938, le ministre égyptien de l’Education nationale, Taha Hussein (1889-1973), époux d’une Française, rattachait la culture de son pays à la civilisation gréco-méditerranéenne. Des oeuvres européennes, y compris celles qui traitaient de politique et de religion, furent traduites en arabe et largement diffusées dans la région, ce qui est de moins en moins le cas aujourd’hui.

Cette parenthèse d’ouverture à la modernité venue d’Europe fut cependant vite refermée, sans doute parce que ses instigateurs ne recevaient aucun soutien officiel et aussi en raison du succès des idéologies islamistes. Toutefois, depuis une vingtaine d’années émerge un nouveau courant réformiste, dont les promoteurs sont appelés les « nouveaux penseurs de l’islam ».

Dans un livre récent (9), le chercheur français d’origine marocaine Rachid Benzine, présente huit intellectuels, venus d’horizons divers (Maghreb, Egypte, Iran, Afrique du Sud, France, etc.) qui, tout en assumant leur identité musulmane (ce qui est sans doute un gage de crédibilité auprès de leurs coreligionnaires), ont en commun de faire un diagnostic sévère de l’état actuel de la pensée islamique, qu’ils qualifient souvent de « stagnante ». Ainsi, pour l’Iranien Abdulkarim Soroush, contraint de s’exiler aux Etats-Unis (il enseigne à Harvard) afin d’échapper aux menaces des gardiens de la Révolution khomeyniste, l’islam souffre de deux maux :

  • l’idéologisation de la religion
  • et l’importance démesurée donnée aux aspects juridiques sur la vie spirituelle et l’éthique. C’est pourquoi, selon lui, il ne faut plus se contenter, comme l’ont fait les commentateurs traditionnels, et comme le font encore les garants de l’interprétation officielle, d’une lecture littéraliste du texte sacré, « mais [il faut] soumettre celui-ci à une approche historique critique ». Celle-ci passe par le recours aux sciences sociales modernes (linguistique, sémiologie, histoire comparée des religions, sociologie notamment) dans l’étude et la compréhension des écrits fondateurs. Autrement dit, il s’agit, pour lui et ses confrères, de réconcilier foi et raison.

La plupart des auteurs sélectionnés par Benzine, et d’autres encore, partagent l’hypothèse selon laquelle l’homme et la culture du VIIème siècle en Arabie n’ont pas été étrangers à l’élaboration du Coran. S’appuyant sur l’école motazilite, deux universitaires égyptiens, Amine El Kholi et son étudiant Mohamed Khalafallâh, ont consacré leurs travaux à l’analyse littéraire du Coran. Ils se sont attachés à y distinguer entre le contenu (le Message) et le contenant (le langage, le style, les genres). Le second a démontré, dans la thèse qu’il devait soutenir en 1947 à l’Université d’El Azhar, les libertés que prend le Livre avec la précision historique, ainsi que l’usage qu’il fait de paraboles et de légendes. Cette démonstration fut jugée « blasphématoire » par les savants d’El Azhar.

Une fatoua (décret religieux) fit de Khalafallâh et de son maître El Kholi des « apostats ».

Plus récemment, un sort comparable fut réservé à un autre Egyptien, Nasr Abou- Zeid, pour qui le Coran, « produit culturel », est écrit dans une langue humaine (et non divine) et doit donc être étudié comme tel, sans aucune limite. Déchu de sa carrière universitaire et déclaré divorcé à son corps défendant en 1995, après la publication d’un essai intitulé Critique du discours religieux (10), il a émigré avec sa femme à Leyde (Pays-Bas) où il enseigne et poursuit ses recherches.

L’intellectuel soudanais, Mahmoud Taha, a eu moins de chance : il fut condamné à la pendaison et crucifié à Khartoum en 1985 pour avoir développé, dans La seconde mission de l’Islam, une théorie, largement reprise par d’autres, selon laquelle il convient de distinguer dans le Coran les versets à portée universelle (essentiellement ceux que l’on date de La Mecque, 610-622, époque au cours de laquelle la prédication de Mahomet était avant tout religieuse, eschatologique et morale) et les versets circonstanciés (ceux de Médine, 622-632, qui concernent surtout les aspects temporels et législatifs, auxquels les islamistes se réfèrent de préférence).

Toutefois, ces situations d’entrave ne sont pas générales. Ainsi, la Tunisie offre plus de liberté à ceux de ses ressortissants qui oeuvrent à la rénovation de la pensée islamique. Mais, comme El Azhar au Caire, à Tunis l’institution de la Zitouna ne s’est pas ouverte à l’ijtihad, si bien que les « nouveaux penseurs » se recrutent au sein de l’Université étatique de La Manouba. L’historien Mohamed Talbi a donné le ton dans les années 1990 en préconisant, dans son Plaidoyer pour un Islam moderne (11), une lecture « vectorielle » ou « finaliste » du Coran. Pour lui, en toutes choses, il faut considérer la fin voulue par Dieu.

Par exemple, en ce qui concerne la permission polygamique, Talbi se base sur le verset exigeant un traitement égalitaire entre les épouses, sur le plan affectif comme sur le plan matériel, ainsi que sur le verset où Dieu signale que cela est impossible, pour affirmer que la volonté divine est la monogamie.

Même démarche en ce qui concerne le talion : celui-ci est permis et réglementé mais, en définitive, Dieu préfère le musulman qui pardonne. Quant aux récits coraniques des guerres menées par Mahomet, ils doivent, selon Talbi, être replacés dans leur cadre historique.

Pour sa part, le Tunisien Abdelmajid Charfi considère que les contingences historiques ont travesti le message coranique. Il met en garde contre l’imitation servile des docteurs de la loi (oulémas), en particulier des Anciens ou « pieux ancêtres » (salaf), qui ont imposé l’immutabilité du Coran et de la Sunna, rendant ainsi ces textes inadaptés aux réalités contemporaines, et ont privilégié « l’observance extérieure plutôt que d’enseigner la maîtrise de soi qui dirige le musulman vers le bien et lui fait détester le mal » (12). Quant à son compatriote Hamadi Redissi, il met en lumière l’idée « erronée » selon laquelle, depuis le début, l’islam n’aurait aucun problème avec la raison et la science, ce qui, selon lui, contribue à aveugler les musulmans sur la réalité présente (13).

Les noms et les thèmes que nous venons d’évoquer ne constituent qu’un aperçu de ce qui se fait dans le domaine du renouvellement de la pensée islamique. Mais si l’existence de ces penseurs permet d’entrevoir une évolution de la conception musulmane du monde, il importe de s’interroger sur la portée de leurs travaux et de leurs écrits, étant donné les obstacles structurels auxquels ils se heurtent et que nous avons mentionné supra. Il faut y ajouter le souci des instituts traditionnels qui entendent conserver le monopole des études religieuses. L’audience des innovateurs est donc limitée à des cercles d’universitaires, ce qui ne doit pas faire oublier que les islamistes sont, eux aussi, souvent titulaires de diplômes importants. De plus, sauf rares exceptions comme en Tunisie où le régime résiste aux intégristes, ils ne peuvent pas compter sur le soutien des dirigeants politiques, ceux-ci craignant d’être traités d’« impies » par des islamistes prompts à diriger le djihad contre eux.

Enfin, le contexte international actuel

se prête peu à l’accueil, par les populations musulmanes, de démarches scientifiques venues, non pas du dedans de l’Islam mais d’un « ailleurs », précisément de l’Occident, accusé d’agression culturelle parce qu’il cherche à étendre son modèle de société « corrompu » à l’univers entier. Dans ces conditions, relève Abdelmajid Charfi, les voix innovantes apparaissent souvent, aux yeux des masses musulmanes, comme « défaitistes », suspectes, en collusion avec l’ennemi, comme relevant de « l’innovation blâmable » et ne pouvant, dès lors, « mener qu’à la résignation et la perpétuation de la domination des infidèles » (14). C’est pourquoi, ces auteurs se sentent souvent obligés de montrer qu’ailleurs aussi, notamment dans le christianisme, il y a des vices de fond.

A. Charfi n’échappe pas à cette attitude lorsqu’il voit dans la doctrine de la guerre juste élaborée par l’Eglise catholique un moyen de justifier la violence au service de ses intérêts (15). La position la plus regrettable de ce point de vue émane de Talbi. Bien connu pour son engagement dans le dialogue interreligieux, l’historien publie à présent des pamphlets fort désobligeants pour les chrétiens (16).

Tout ce qui vient d’être exposé montre dans quelles difficultés se débattent les élites musulmanes désireuses d’aider leurs sociétés à relever le défi de la mondialisation et de la modernité.

Annie Laurent

 

Article paru dans la revue KEPHAS-2008-

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1 Tribune parue dans Le Monde, 5 janvier 1982.

2 Le chiisme (un peu moins de 10 % des musulmans) dispose quant à lui d’une

organisation hiérarchique.

3 Le Monde, op. cit.

4 Coran 2, 23.

5 Coran 5, 48.

6 Coran 33, 40.

7 Le professeur Alfred-Louis de Prémare (1930-2006), l’un des plus intéressants

islamologues contemporains, réfute la thèse d’un Mahomet illettré. Cf. Aux

origines du Coran, Ed. Téraèdre, 2004, p. 65.

8 Le monde sunnite est réparti en quatre écoles juridiques héritées des premiers

siècles de l’islam : malékite, hanéfite, chaféite et hanbalite.

9 Les nouveaux penseurs de l’islam, Albin Michel, 2004.

10 Paru en traduction française chez Sindbad, 1999.

11 Desclée de Brouwer, 1998.

12 Cf. L’islam entre le message et l’histoire, A. Michel, 2004.

13 Cf. L’exception islamique, Seuil, 2004.

14 « L’islam face à la violence, au terrorisme et à la guerre », dans Réalités (Tunis),

n° 926, 25 sept.-1er oct. 2003, pp. 18-21.

15 Idem.

16 Cf. Universalité du Coran, Actes Sud, 2002 ; Penseur libre en Islam (entretiens

avec Gwendoline Jarczyk), A. Michel, 2002.

Encadré

En France, des intellectuels musulmans comme Ghaleb Bencheikh (1) et

Abdennour Bidar (2), ou encore Mohamed-Pascal Hilout, fondateur du Nouvel Islam,

militent, eux, pour la liberté personnelle et l’humilité face à leur tradition religieuse. Un

autre auteur, Abdelwahab Meddeb, animateur de l’émission dominicale « Cultures

d’Islam » sur France-Culture, homme de grande érudition, s’est fait connaître pour son

non-conformisme. Comme il le dit dans La Maladie de l’Islam (3), aucun sujet ne doit

être tabou. Lors de la controverse qui a suivi la conférence de Ratisbonne, il est allé

jusqu’à écrire : « Ce n’est pas Benoît XVI qui a inventé le “verset de l’épée” (4),

extrêmement dur pour tous ceux qui n’adhèrent pas à la “religion vraie” […]. Il faut

admettre que la maladie de l’islamisme a ses germes dans la lettre coranique elle-même.

La violence du principe de la transmission de la foi par le glaive est extrêmement

choquante par rapport à la tradition évangélique […]. Les musulmans doivent pouvoir

regarder en face la réalité de la lettre et y distinguer le mal » (5).

Meddeb, qui n’entend être qualifié de musulman que d’un point de vue culturel

car il ne se classe pas parmi les croyants mais se reconnaît agnostique, malgré une

enfance vécue, à Tunis, dans un milieu religieux traditionnel, nous a assuré lors d’un

récent entretien, que ses chroniques sur Médi 1, station de radio émettant de Tanger et

jouissant d’une large écoute dans tout le Maghreb, reçoivent un accueil très favorable

(6). Mais, nous a-t-il précisé, « je refuse l’étiquette de réformiste car je ne suis pas un

expert, je m’exprime en tant que poète ; quand l’islam est malade, je le suis aussi, c’est

pourquoi j’écris ». Et d’ajouter : « Le Coran comme parole de Dieu, c’est un très beau

mythe, comme, dans le christianisme, le Dieu qui s’incarne ». Pour Meddeb, « si les

musulmans veulent vivre en accord avec le reste de l’humanité et dans la

reconnaissance de l’autre, ils doivent résoudre le problème de leur rapport à la lettre. Je

pense que tant que l’islam n’aura pas réglé cette question, il menacera la paix du

monde ».

Annie Laurent

Article paru dans la revue KEPHAS en 2008.

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1 Cf. La laïcité au regard du Coran, Presses de la Renaissance, 2005.

2 Cf. Un islam pour notre temps, Seuil, 2004 ; Self Islam, Seuil, 2006.

3 Seuil, 2002. Cf. aussi Face à l’islam (entretiens avec Philippe Petit), Textuel, 2004.

4 Coran 9, 5 : « Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez les polythéistes,

partout où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades.

Mais s’ils se repentent, s’ils s’acquittent de la prière, s’ils font l’aumône, laissez-les

libres. Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux ».

5 La Croix, 22 septembre 2006.

6 Ses chroniques ont été rassemblées dans Contre-prêches, Seuil, 2006.