La destitution du président Morsi

La destitution du président égyptien Morsi s’inscrit dans une recrudescence des luttes fratricides entre communautés musulmanes dans toute la région, ce qui fragilise encore plus la présence chrétienne.

Vue d’Occident, la destitution du président égyptien Mohamed Morsi, le 3 juillet, s’apparente à un coup d’Etat, donc à un déni de démocratie.

Ce n’est pas le cas vu d’Egypte.

Cet acte résulte d’un large consensus, même s’il ne s’est pas exprimé par les urnes. En le posant, le général El-Sissi, chef de l’armée, a répondu aux manifestations monstres qui ont eu lieu au Caire et en province (trente-trois millions d’Egyptiens y auraient participé). A ses côtés, outre Adli Mansour, président de la Haute Cour constitutionnelle, désormais chargé d’assurer une nouvelle transition, ont pris place Ahmed El-Tayyeb, le grand imam de l’institution sunnite El-Azhar, Théodore II, le patriarche copte-orthodoxe, Mohamed El-Baradeï, chef du Front national du Salut, organe fédérateur de l’opposition libérale, ainsi qu’un représentant du parti salafiste El-Nour.

Une absence

Seuls les Frères musulmans étaient absents. Et pour cause, Morsi en est issu et c’est sa servilité envers cette confrérie islamiste qui a suscité le mouvement Tamarrod (Rébellion) initiateur de la protestation de masse.

En soutenant ce mouvement, les coptes ont pris le risque de subir la vengeance des FM, peu disposés à accepter en silence l’humiliation qui vient de leur être infligée un an après avoir obtenu un pouvoir attendu depuis leur fondation, en 1928.

Sous Morsi, le mépris envers les coptes s’est accentué, encouragé par le discours sectaire tenu jusqu’au sommet de l’Etat.

En témoignent, entre autres, l’agression contre la cathédrale Saint-Marc au Caire (avril 2013) et l’augmentation des rapts de jeunes filles islamisées et mariées contre leur gré.

Depuis le 30 juin, plusieurs coptes, dont un prêtre, ont été assassinés.

Compte tenu de l’adhésion d’une grande partie de la population sunnite aux idées islamistes et de l’activisme des salafistes, la mise à l’écart des Frères musulmans (sunnites) n’arrangera sûrement pas la situation des chrétiens. Pas plus que celle des chiites d’ailleurs : en juin, quatre d’entre eux ont été lynchés à mort sous le regard impassible de la police.

L ‘échec des Frères Musulmans

Solidarité confessionnelle oblige, l’échec des Frères musulmans pourrait accroître chez les sunnites de Syrie, majoritaires au sein de l’Armée syrienne libre (ASL), une détermination encore plus grande dans leur combat contre Bachar El-Assad, dont la religion alaouite est une dissidence du chiisme.

Mais des sunnites plus radicaux que les FM, à savoir les djihadistes étrangers liés à El-Qaïda, opèrent aussi sur le sol syrien. Après avoir vu en eux des renforts bienvenus, l’ALS se heurte désormais à ces militants qui vont jusqu’à pratiquer la justice islamique dans les zones qu’ils contrôlent.

La situation des chrétiens

Pour les chrétiens syriens, l’heure est celle de tous les dangers.

Vulnérables parce que non armés et ne bénéficiant d’aucune protection, ils paient en outre le prix de leur opposition à toute forme de violence, fût-ce contre une dictature.

Aux yeux des djihadistes, ils représentent un obstacle à l’édification d’un émirat purifié de toute présence non sunnite, tout comme les alaouites, eux aussi pourchassés pour motif religieux. D’où la multiplication d’attaques d’églises et de monastères, d’assassinats, de viols, etc.

Le 23 juin, un franciscain a été tué dans son couvent et l’on est toujours sans nouvelles des deux évêques enlevés près d’Alep le 22 avril dernier.

Avec l’Irak, où la haine entre sunnites et chiites se manifeste par des attentats réciproques quasi-quotidiens, et le Liban, où les sunnites sont humiliés par l’arrogance d’un Hezbollah chiite appuyant efficacement le régime alaouite de Damas, c’est tout le Proche-Orient qui est en train de sombrer dans les divisions intra-islamiques.

 

Annie Laurent

Article paru dans Famille chrétienne, n° 1854 du 27 juillet au 2 août 2013.