Radio-Espérance, 29 mai 2013

 

Lors de sa fondation, au XIXème siècle, l’Œuvre d’Orient, créée par des universitaires de la Sorbonne, s’est donné pour principal objectif d’aider les écoles chrétiennes orientales, alors le plus souvent tenues par des congrégations religieuses françaises.

Pour ces généreux intellectuels, l’enseignement constituait un élément essentiel d’élévation du niveau de vie, d’émancipation sociale et d’ouverture au reste du monde. Avec le temps, l’Œuvre d’Orient a étendu son soutien financier à d’autres secteurs d’activités des Eglises et communautés chrétiennes concernées, mais la culture continue d’occuper une place importante dans ses préoccupations.

Depuis quelques décennies, l’Université et les instituts de recherche chrétiens connaissent là-bas un grand essor. Ils permettent aux chrétiens d’Orient d’être très présents au sein de leurs sociétés, d’autant plus qu’ils accueillent un nombre élevé d’étudiants musulmans. Ces derniers ont tout à gagner à fréquenter des établissements chrétiens qui les ouvrent à un humanisme et à des libertés souvent ignorés ou bafoués dans leur propre milieu. Il y a là un enjeu décisif dans les débats d’idées qui agitent aujourd’hui les pays d’Islam.

Pour Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient, il convient donc de sensibiliser les chrétiens de France à cette réalité que beaucoup d’entre eux ne perçoivent peut-être pas assez. Fort de cette conviction, il a pris récemment deux initiatives très intéressantes : d’une part, la création d’une revue annuelle d’études académiques appelée Perspectives et Réflexions ; d’autre part, l’attribution de prix littéraires.

Perspectives et Réflexions est consacrée aux problématiques relatives aux chrétiens d’Orient sous différents angles, notamment historique, théologique et géopolitique. Dans le premier numéro, qui vient de paraître, l’aspect géopolitique est privilégié en raison des bouleversements en cours dans l’espace arabe. Les articles, qui sont tous signés par des spécialistes reconnus, abordent la situation des chrétiens en Irak, au Liban et en Egypte, mais aussi des chrétiens en Turquie et dans le monde slave.

Pour ce qui est du contexte arabe, on y découvre qu’au-delà des défis communs, surtout la montée de l’islamisme, les chrétiens ont des approches très variées de leur place dans la société et de leur avenir. Par exemple, alors que les coptes s’identifient complètement à la nation égyptienne, les chrétiens d’Irak ont du mal à s’émanciper de leur appartenance ethnique et à assumer leur arabité.

Le tiraillement de la plupart des chrétiens du Proche-Orient entre deux pôles d’identité, d’un côté leur tradition religieuse propre, avec sa langue et ses rites, de l’autre leur insertion culturelle arabe, est exposé avec un réalisme remarquable dans un article de fond de Mouchir Aoun. Professeur d’université à Beyrouth, cet auteur décrit la conception théologico-politique de l’Islam qui, en écartant l’autonomie de l’homme, plonge le monde arabe dans le marasme. D’où la conclusion lucide à laquelle il parvient. Je le cite : « Tant que l’humain arabe ne s’est pas émancipé de ces défaillances, les chrétiens arabes continueront de subir les blessures de l’histoire et les incertitudes du destin. Car, en définitive, la survie de ces chrétiens d’Orient est tributaire du statut de l’humain qui prévaudra dans les sociétés du monde arabe ».

La revue Perspectives et Réflexions peut être commandée à l’Œuvre d’Orient, 20 rue du Regard, Paris VIème.

Quant aux prix littéraires, ils sont attribués à des livres portant un regard positif sur les chrétiens d’Orient. Le 26 mai, le jury a sélectionné deux lauréats : d’une part, Laure Guirguis, auteur de l’ouvrage Les Coptes d’Egypte, paru aux éditions Karthala ; d’autre part, Bernard Heyberger, qui vient de publier chez Payot Les chrétiens au Proche-Orient, de la compassion à la compréhension.

Ceux qui désirent entretenir un rapport de communion intellectuelle et spirituelle avec nos frères orientaux ont tout intérêt à lire ces travaux de qualité.

 

Annie Laurent