Article paru dans L’Homme nouveau, n° 1678 – 5 janvier 2019
Boualem Sansal, Le train d’Erlingen ou la métamorphose de Dieu, Gallimard, 2018, 248 p., 20 €.
Le 26 septembre dernier, Jean-Marie Schmitz, président du Secours de France, remettait le prix Clara Lanzi 2018 au romancier algérien Boualem Sansal, occasion pour lui de rendre hommage aux mérites de cet écrivain « qui a pris le risque de résister chez lui par l’écriture aux mensonges conjugués du pouvoir algérien, des propagandes islamistes et des puissances qui fabriquent chez nous l’opinion sur le passé et l’avenir de nos deux pays, et a mis son talent au service de ce combat ».
Dans son nouveau roman, construit de manière déroutante comme inspirée du style de Kafka, B. Sansal revient sur un constat qui marque son œuvre, surtout depuis l’essai Gouverner au nom d’Allah (2013), suivi de 2084. La Fin du monde (2015), roman couronné par le Grand Prix de l’Académie française. Ce constat, réitéré telle une obsession qu’il veut salutaire car il s’agit d’alerter l’Europe du danger de soumission à l’islam qui la guette, se retrouve donc dans Le train d’Erlingen sur fond des vagues migratoires actuelles, que l’auteur distingue d’ailleurs avec raison, quant à leurs intentions, de celles qui, du XVIIIème au XXème siècles, ont conduit des millions d’Européens sur le continent américain.
Sansal met ici en scène, sous forme de correspondances, deux histoires de femmes, l’une allemande, l’autre française, confrontées au péril islamiste en même temps qu’à la lâcheté des élites dirigeantes, cette « maladie du siècle ». Voici ce que la première, Ute von Ebert, clairvoyante quant à l’issue malheureuse du drame, écrit à sa fille résidant en Angleterre, tandis qu’à Erlinden, elle attend un train qui ne viendra pas délivrer sa ville menacée par l’avancée des « Serviteurs universels », nom qui semble désigner les Frères musulmans : « J’espère de tout cœur que le monde encore indemne va réagir et d’abord commencer par réfléchir. Si on ne croit pas à la vie et à la liberté, on ne peut pas les défendre, pardi, et si on ne le fait pas, il n’y a simplement pas de raison de continuer à vivre ».
Annie Laurent