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Radio-Espérance, 15 mai 2013

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Le 10 mai dernier, le Vatican a accueilli la rencontre de deux papes en exercice : François, chef de l’Eglise catholique, recevait ce jour-là la visite du patriarche de l’Eglise copte-orthodoxe, Théodore II, qui porte aussi le titre de pape et dont le siège se trouve au Caire, capitale de l’Egypte.

Pour le chef de cette Eglise encore formellement séparée de Rome, c’était le premier voyage à l’étranger depuis son élection, le 4 novembre 2012. Cela est significatif de son esprit d’ouverture œcuménique. La date de cette visite est également à souligner, comme l’a d’ailleurs fait Théodore II lui-même dans le discours qu’il a prononcé devant le pape François. Je le cite : « Guidé par l’Esprit Saint, je voulais délibérément que cette visite d’hommage à Votre Sainteté coïncide avec le quarantième anniversaire de celle rendue à Paul VI, du 4 au 10 mai 1973, par feu le pape Chenouda III ».

Décédé au printemps de l’année dernière, Chenouda était le prédécesseur de Théodore. Sa venue au Vatican fut en effet un événement réellement historique, d’une portée considérable.

C’était la première rencontre officielle entre les chefs des deux Eglises, qui se sont séparées après le concile de Chalcédoine, en 451, cette assemblée ayant condamné la thèse monophysite adoptée par le patriarche et les évêques coptes. Le monophysisme consiste à nier dans l’unique Personne du Christ sa double nature, humaine et divine. Le contentieux entre coptes et catholiques latins a pris une nouvelle dimension à partir du XVIIIème siècle, lorsqu’une partie des coptes, influencés par les missionnaires européens envoyés en Egypte, demanda à se rattacher à Rome, ce qui entraîna la création d’une Eglise copte-catholique, avec son propre patriarcat et ses évêchés.

Les coptes-orthodoxes reprochent à la papauté romaine d’avoir détourné une partie de leurs fidèles de l’Eglise-mère. Car, de leur point de vue, seule leur Eglise est légitime, elle fait en quelque sorte corps avec la nation égyptienne. Cette divergence ecclésiologique s’est traduite chez les coptes-orthodoxes par une attitude condescendante, faite d’humiliations et de méfiance, envers leurs homologues catholiques. C’est ainsi que tout catholique désirant épouser un ou une orthodoxe est obligatoirement rebaptisé dans le rite de son futur conjoint, sous peine d’invalidité du mariage selon le droit canonique copte-orthodoxe.

Mais, grâce aux progrès accomplis au XXème siècle en matière œcuménique, le principal différend doctrinal a été résorbé le 10 mai 1973. Ce jour-là, Paul VI et Chenouda III ont signé une déclaration christologique commune, par laquelle les deux Eglises reconnaissent professer en termes identiques la foi en Jésus-Christ, le Verbe incarné, parfait quant à sa divinité, parfait quant à son humanité.

Toutefois, la pleine communion n’est pas encore acquise. C’est pourquoi, dans son discours à Théodore, le souverain pontife a déclaré : « Nous sommes bien sûr conscients que le chemin qui nous attend est peut-être encore long, mais nous ne voulons pas oublier la grande route déjà parcourue ». Pour sa part, le patriarche copte a souhaité que cette rencontre « d’amour et de fraternité » soit la première d’une longue série. Il a aussi proposé que le 10 mai de chaque année soit considéré comme la journée de la célébration de l’amour fraternel qui unit l’Eglise catholique et l’Eglise copte-orthodoxe. Et il a invité le pape François à se rendre en Egypte.

Sur place, en Egypte donc, depuis son intronisation, Théodore II a accompli des gestes qui manifestent son engagement personnel dans la recherche d’une plus grande compréhension entre les fidèles des deux Eglises coptes. Ainsi, le 12 mars dernier, il a participé à la liturgie d’installation du nouveau patriarche copte-catholique, Ibrahim Sidrak, ce qui ne s’était jamais produit auparavant. Son souci d’unité le portant aussi vers les fidèles des autres communautés chrétiennes présentes au pays du Nil, il a suscité la création d’un Conseil des Eglises en Egypte. L’un de ses buts est d’affronter ensemble les graves défis dus à l’arrivée des islamistes au pouvoir après la révolution de 2011.

En le félicitant pour cette initiative, le pape François a évoqué « l’œcuménisme de la souffrance ».

Réjouissons-nous de cette nouvelle page heureuse qui vient de se tourner dans l’histoire complexe des relations entre l’Orient et l’Occident chrétiens.

 

Annie Laurent