Article paru dans La Nef, n° 276 – Décembre 2015

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Les attentats qui ont endeuillé Paris le 13 novembre émeuvent les chrétiens du Proche-Orient sans pour autant les étonner. Depuis longtemps, ceux du Liban, confrontés à la violence islamiste dès 1975, nous prévenaient que la France avait tort de se croire à l’abri des malheurs dont ils faisaient eux-mêmes la douloureuse expérience. Ces dernières années, c’était au tour de ceux d’Irak, d’Egypte et de Syrie de nous alerter. En août 2014, après avoir été contraint de quitter son diocèse de Mossoul, comme tous les fidèles de divers rites habitant dans cette ville héritière d’une très ancienne histoire chrétienne, l’archevêque chaldéen, Mgr Emile Nona, s’adressait aux chrétiens du monde entier en ces termes prémonitoires :

 Nos souffrances d’aujourd’hui sont un prélude aux vôtres, chrétiens européens et occidentaux qui souffrirez aussi dans un proche avenir ».

Et il invitait les Etats occidentaux à prendre des mesures « fortes et courageuses ». Comme en écho, une Syrienne réfugiée en France, confiait au lendemain des attentats :

 La France a pris en son sein des gens prêts à la mettre à genoux. J’ai vu en France des barbus que je n’avais jamais vu dans ma vie en Syrie, avant la guerre ».

Les chrétiens orientaux nous demandent d’ouvrir les yeux sur des réalités propres à l’islam, réalités que nous n’avons pas voulu voir. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire italien Famiglia cristiana du 5 novembre, le cardinal Béchara Raï, patriarche des maronites, évoque sans détour le regard que beaucoup de musulmans portent sur l’Occident.

 Les musulmans considèrent les chrétiens comme faibles et ils croient que, parce qu’ils n’ont pas d’enfants et pratiquent à peine leur foi, l’islam les vaincra facilement. Malheureusement, les musulmans prennent leur foi plus au sérieux que la plupart des chrétiens, et ils gagnent du terrain à cause de cela ».

Le constat du vide spirituel est aussi regretté par le Père Pierre Madros, prêtre du patriarcat latin de Jérusalem. Dans une lettre adressée à ses amis, il pointe les défaillances au sein de l’Eglise concernant l’enseignement religieux et l’approche de l’islam. Il cite le constat d’un Français :

 On nous y a appris et prêché à aimer le musulman mais sans rien savoir de sa religion, de son livre sacré, de son histoire, sans rien savoir de sa psychologie, de ses conflits internes et externes. Amour aveugle et unilatéral, cette charité qui se dispense de la vérité a ouvert la porte à l’apostasie qu’on appelle conversion à l’islam. Ne nous souciant aucunement de défendre notre foi chrétienne contre les objections et les allégations islamiques (…), nous avons laissé souffrir nos chrétiens d’un sida spirituel ».

Autrement dit, si l’Occident est aveuglé quant à la dimension conquérante de l’islam, c’est parce qu’il est assoupi dans le culte de la consommation, dans l’indifférence religieuse, le laïcisme et le pacifisme. C’est tout cela que nous rappellent aussi les chrétiens d’Orient dans les divers messages de consolation qu’ils nous envoient ces temps-ci.

Dans un communiqué du 14 novembre, le patriarche grec-catholique, Grégoire III Laham, résidant à Damas, indique le remède.

Une fois de plus, nous voilà dans la spirale de cette violence aveugle qui semble aspirer notre monde, où s’opère le mystère d’iniquité, dans ce monde éloigné de Dieu alors que résonnent les paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ : “Si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous de même” ».

Répondre au mal par la conversion. Tel est le conseil de Mgr Jean-Abdo Arbach, évêque melkite de Homs, en Syrie, présent en France à la mi-novembre, dans le cadre du jumelage de son diocèse avec celui de Toulon.

 Il faut détruire la menace terroriste, bien entendu, et en protéger la France. Mais il faut également que la France retrouve la foi, l’espérance et la charité. Il faut vivre du Dieu d’amour, et nourrir les âmes errantes ! Soyez ce que vous êtes, des chrétiens, pour résister à la sauvagerie de ces fanatiques ».

 

Annie Laurent