Hors série N°2
Articles parus dans Famille chrétienne, n° 1944 du 18 au 24 avril 2015.
LA VIOLENCE EST-ELLE INTRINSÈQUE À L’ISLAM ?
D’emblée, une réponse positive s’impose sans qu’il faille pour autant considérer tout musulman comme porté à faire usage de la violence.
Tout d’abord, dans le Coran, Dieu Lui-même s’autorise à user de la violence en des termes qui évoquent certains épisodes de l’Ancien Testament : « Sachez que Dieu est redoutable dans son châtiment » (2, 196 ; 3, 11).
La polémique ponctue le Livre saint des musulmans, lequel multiplie les imprécations envers les autres, celles-ci étant même associées à la prière. Ainsi, chaque jour, en récitant la Fatiha (sourate d’ouverture), les mahométans pieux fustigent les non-musulmans : « Conduis-nous dans la voie droite : la voie de ceux que tu as comblés de bienfaits ; non pas la voie de ceux qui encourent ta colère ni celle des égarés » (1, 6-7). Ils peuvent également implorer de Dieu des succès terrestres : « Tu es notre Maître ! Rends-nous victorieux contre le peuple des infidèles » (2, 286). Enfin, le Livre saint des musulmans abonde en menaces eschatologiques qui visent le refus du Dieu unique et de la prédication de Mahomet, considérés comme une seule et même cause.
Mais, sans attendre la punition éternelle réservée à ceux qui persistent dans leur erreur, il convient de les combattre. Le Coran contient de nombreuses prescriptions qui justifient voire imposent le recours à la force – même si on a la violence en aversion -, et pas seulement dans le contexte d’une légitime défense. Les verbes « tuer » et « combattre » s’y trouvent respectivement soixante-deux et cinquante-et-une fois, dont dix et douze à l’impératif.
L’ordre divin est formel : « Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez les polythéistes partout où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades » (9, 5). Ce verset, dit « du sabre », est le fondement du djihad qui signifie « faire effort sur la voie de Dieu ». Mahomet lui-même a donné l’exemple en pratiquant la guerre offensive et ses victoires attestaient l’authenticité de sa mission. Or, en tant que « beau modèle » (33, 21), son comportement est normatif, d’autant plus que lui obéir équivaut à obéir à Dieu (4, 80).
Le Coran engage les musulmans à défendre les droits de Dieu, fût-ce en sacrifiant leur propre vie, avec l’assurance du paradis. Ainsi, la violence est sacralisée.
LE CHRISTIANISME JUSTIFIE-T-IL LA VIOLENCE ?
Le Décalogue transmis par Dieu à Moïse édicte : « Tu ne commettras pas de meurtre » (5ème commandement). Certes, il existe des formes légales de violence dans l’Ancien Testament (par exemple, le talion, la lapidation) et certaines conquêtes militaires sont attribuées à l’intervention de Dieu, mais pour l’Eglise ces textes doivent être lus à la lumière de l’enseignement de Jésus-Christ car c’est Lui qui accomplit les Ecritures.
Le fait que la Bible ne soit pas « incréée » laisse toute la place à la contextualisation historique des événements passés, exercice qui appartient au magistère de l’Eglise à qui le Christ a confié le pouvoir d’interpréter l’Ecriture sainte.
La violence contre le prochain, sous quelque forme que ce soit, ne peut donc avoir de valeur définitive. D’ailleurs, parallèlement aux pratiques admises, dans tout le déroulement biblique, Dieu, s’adaptant à la maturité des peuples concernés, fait œuvre de pédagogue pour montrer aux hommes le chemin à prendre en vue de la justice et du bonheur. Cette pédagogie divine est parvenue à son point culminant avec le Christ qui a interdit, entre autres, la répudiation et la vengeance (Mt 5, 31 et 38).
De même, la violence ne peut être imputable à Dieu car Il n’a pas besoin des hommes pour défendre ses droits. Jésus Lui-même, « Prince de la paix », l’a montré. Au moment de son arrestation, lorsque saint Pierre frappa le serviteur du Grand Prêtre et lui coupa l’oreille, Il lui dit : « Rengaine ton glaive ; car quiconque prend le glaive périra par le glaive. Penses-tu donc que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges ? » (Mt 26, 52-53).
A sa suite, de nombreux papes ont rappelé l’impossibilité de commettre une agression en prétendant agir sur ordre de Dieu. Il faut ajouter que, pour le christianisme, le triomphe de la Vérité et l’avènement du Royaume correspondent à des perceptions spirituelles et non temporelles.
Depuis sa naissance, l’Eglise n’a cessé d’approfondir sa réflexion sur la violence. Prenant acte qu’elle est intrinsèque à l’humanité pécheresse, elle a essayé d’en limiter l’usage et les conséquences. C’est ainsi qu’a été forgé le concept de « guerre juste ». Pour être légitime, la guerre doit répondre à des critères précis tels que le souci de la justice, la recherche d’un plus grand bien, le respect de la dignité humaine, etc. (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n° 2302-2317).
Annie Laurent