Que répondre à:
- Le christianisme et l’islam font partie des religions du Livre.
Cette classification, très répandue aujourd’hui dans certains milieux scientifiques (le CNRS désigne ainsi un de ses laboratoires de recherche) et même chez des auteurs catholiques, est source de graves ambiguïtés.
L’article « du » implique que les deux religions auraient en partage un même Livre, ce qui est faux.
En effet, les chrétiens ne peuvent pas se reconnaître dans le regard que le Coran porte sur le christianisme puisqu’il réfute ce qui constitue l’essentiel de leur foi (la Sainte Trinité, la divinité de Jésus, unique Sauveur des hommes).
Quant à la présence dans le Coran de personnages aux noms bibliques, il ne s’agit que d’apparentes, et donc trompeuses, similitudes. Leur rôle à tous consiste à rappeler aux « égarés » la religion de la « soumission » (sens du mot « islam ») prescrite par Dieu à Adam qui l’aurait acceptée au nom de toute l’humanité.
Le Père Jacques Jomier (o.p.), grand islamologue, notait à cet égard :
C’est une véritable relecture des événements [bibliques] qu’offre le Coran, relecture que les musulmans présentent comme le rétablissement d’une vérité qui aurait été défigurée
(« Un chrétien lit le Coran », Cahiers Evangile, n° 48).
Mais dans le christianisme comme dans l’islam, Dieu parle aux hommes par des Livres.
Les deux religions se réfèrent à des Livres sacrés, mais elles ne leur donnent pas le même statut.
- Pour les musulmans, le Coran est un Livre incréé, dicté par Dieu en arabe à Mahomet par l’intermédiaire de l’ange Gabriel, si bien que l’homme n’a eu aucune part active à sa conception et à sa rédaction. Le caractère « divin » du Coran rend blasphématoire toute critique littéraire et historique du texte qui est réputé immuable et intangible.
- Pour les chrétiens, Dieu parle aux hommes, non au moyen d’un écrit intemporel descendu du Ciel mais en inspirant des auteurs (c’est le rôle du Saint-Esprit) qui sont libres d’écrire avec leur style propre. En outre, la variété des textes s’enracine dans des milieux historiques donnés.
Il y a comme un partenariat entre Dieu et l’homme, ce qui autorise l’exégèse et donne vie à la tradition de l’Eglise, alors que dans l’islam la tradition se comprend comme un attachement à un passé fixé pour toujours.
On peut dire que le christianisme est une religion à livres tandis que l’islam est une religion du Livre.
Le Catéchisme de l’Eglise catholique montre bien cette différence :
La foi chrétienne n’est pas une religion du Livre. Le christianisme est la religion de la Parole de Dieu, non d’un verbe écrit et muet mais du Verbe incarné et vivant . (n° 108).
Annie Laurent
Article paru dans L’Homme nouveau n° 1545 du 22 juin 2013, dans la rubrique « Que répondre à… »
