QUE RÉPONDRE À…
- Nous sommes tous fils d’Abraham.
- Fils d’Abraham, les chrétiens et les musulmans peuvent se retrouver autour de leur père commun dans la foi.
L’islam affirme certes une filiation avec Abraham, personnage que l’on retrouve aussi bien dans la Bible que dans le Coran. Mais, malgré l’homonymie du nom, les deux religions ne montrent pas le même Abraham.
Le Coran n’a retenu des récits bibliques que ce qui pouvait convenir à son propre projet, lequel n’a pas la Rédemption pour perspective.
Comme tous les autres personnages présents dans le Coran, qu’ils soient empruntés à l’Ancien et au Nouveau Testament (Noé, Moïse, Isaac, Salomon, Jésus, etc.) ou à d’autres traditions, Abraham y est qualifié de « prophète ». La mission de ces « prophètes » consiste à ramener vers le monothéisme islamique (l’unicité divine) les peuples qui se sont égarés dans diverses formes d’idolâtrie.
Car l’islam prétend être la religion donnée par Dieu aux hommes dès la création d’Adam. Le Coran islamise donc Abraham. C’est lui qui est censé avoir construit la Kaaba, ce sanctuaire de La Mecque où tous les musulmans sont invités à se rendre en pèlerinage.
Or, la Bible n’enseigne rien de tel. En se réclamant d’Abraham, Mahomet a voulu donner une légitimité biblique à sa mission. De son point de vue, seuls les musulmans peuvent prétendre à l’héritage d’Abraham. « Abraham n’était ni juif ni chrétien, il était monothéiste, soumis à Dieu, et n’était pas un païen » (Coran 3, 67).
Cette affirmation contredit le Christ lui-même lorsqu’il dit aux Juifs : « Abraham, votre père, exulta à la pensée qu’il verrait mon jour. Il l’a vu et fut dans la joie » (Jn 8, 56).
Mais, dans le Coran comme dans la Bible Abraham a obéi à Dieu qui lui demandait le sacrifice de son fils unique…
Oui, et sa soumission inconditionnelle aux ordres de Dieu fait d’Abraham le prototype du parfait musulman et donc un modèle pour tous.
Mais le fils en question n’est pas nommé (la tradition dira ensuite qu’il s’agissait d’Ismaël) car, pour l’islam, étranger à l’idée d’une révélation progressive, la généalogie, tout comme les temps et les lieux, n’ont pas d’importance. Contrairement à la Bible, le Livre saint des musulmans est anhistorique. Les épisodes de la vie d’Abraham retenus par le Coran ne s’inscrivent pas dans l’histoire du salut et dans l’Alliance de Dieu avec les hommes. Qualifier l’islam de « religion abrahamique » est donc ambigu et il n’est pas correct d’inscrire l’islam dans la révélation biblique.
Le concile Vatican II évoque pourtant le lien des musulmans avec Abraham.
« Les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham », dit la constitution Lumen Gentium (n° 16). L’Eglise est prudente : elle prend acte de la croyance des musulmans qui, en tant qu’hommes aimés de Dieu, ont vocation au salut, mais elle n’en tire aucune conclusion théologique.
Annie Laurent
Article paru dans L’Homme nouveau n° 1544 du 8 juin 2013