Article paru dans La Nef, n° 339 – Septembre 2021

Tom Holland, A l’ombre de l’épée, Perrin, coll. Tempus, 2021, 442 p., 10 €.

            Poussant plus loin sa profonde connaissance de l’Antiquité grecque, perse et romaine, l’historien britannique Tom Holland a entrepris dans cet ouvrage d’étudier les circonstances qui ont entouré l’émergence et l’implantation de l’islam dans le Proche-Orient du VIIème siècle. Il ne s’agit pas d’une reprise pure et simple de tout ce que la tradition musulmane transmet au monde depuis lors à ce sujet tout en déniant aux non-musulmans la légitimité de toute vérification, démarche souvent associée à un complot. L’auteur se livre donc à un examen critique qui n’hésite pas à interroger l’authenticité et la fiabilité des sources prétendues historiques, y compris sur l’existence et l’identité de Mahomet, l’origine et la nature « divines » du Coran ainsi que la compilation des récits « prophétiques » qui constituent la Sunna (Tradition). Une certitude, « l’islam n’est pas issu d’un vide total », relève-t-il. Il est né sur des terres où foisonnaient quantité de croyances dont il a inévitablement subi l’influence.

            C’est pourquoi Tom Holland consacre une partie substantielle de son travail aux empires qui ont précédé l’instauration du Dar el-Islam (la « Demeure de l’islam »), à savoir la Perse et la Nouvelle Rome, l’ensemble constituant la Jâhilîya (« Ignorance » en arabe) dans l’imaginaire islamique. Il s’attarde sur leurs rivalités politiques et les croyances religieuses des peuples concernés : paganisme dans ses diverses doctrines ; judaïsme et christianisme aux frontières mal définies malgré une matrice identique ; diversité des Eglises minées par les hérésies. De tout cela, on retrouve des traces confuses dans le Coran, « brouillard impénétrable » selon l’auteur. Il reste qu’aux yeux des musulmans l’effondrement des empires vaincus par les Arabes, surtout lorsque ceux-ci s’emparèrent de la Palestine, porte ouverte sur la conquête du monde, résulte d’une volonté divine. Vint alors l’heure de « la construction de l’islam », dernier chapitre dans lequel Tom Holland met en évidence le rôle du calife Abd el-Malik (685-705), trop méconnu malgré son importance décisive puisqu’il lui revint de « définir sa religion comme le cœur battant et éternel du monde ».

            Par son érudition, impressionnante sans être lassante, sa pédagogie soignée et son style alerte, cet ouvrage apporte une contribution remarquable à la compréhension d’un phénomène de civilisation qui marque profondément l’histoire du monde, et sans doute pour longtemps.

                                                                                   Annie Laurent