Article paru dans La Nef n° 294, Juillet-août 2017

 

Pierre-André Taguieff, L’islamisme et nous. Penser l’ennemi imprévu, CNRS Editions, 2017, 20 €.

« On a souvent relevé le paradoxe tragi-comique : plus le terrorisme islamiste tue en Occident, et plus l’on dénonce l’islamophobie des Occidentaux ». C’est pour en finir avec l’injonction du « pas d’amalgame », cette approche utopiste et délétère, que Pierre-André Taguieff, philosophe et politologue, a écrit cet essai d’une rigueur impeccable. Il y dénonce entre autres l’islamo-gauchisme, qui consiste à remplacer le prolétariat par la cause de l’islam, désormais considéré comme « la » victime ; cette perversion intellectuelle voit donc dans le djihadisme une révolte contre l’injustice. L’auteur déplore aussi le pacifisme actuel de l’Occident, bercé par le cosmopolitisme et la mondialisation heureuse, au point d’avoir oublié que l’histoire est tragique. Même des spécialistes patentés, niant le projet conquérant de l’islam, dénoncent le « mythe de l’islamisation » de ceux qui veulent y résister.

Pour remédier à cette « autocensure consensuelle », Taguieff rappelle, en s’appuyant notamment sur des juristes et des classiques musulmans, le lien entre islam et islamisme, les sources scripturaires et historiques du djihad et de la violence, la collusion entre le temporel et le religieux, ce qui conduit au rejet de la laïcité. En même temps, il rend justice au christianisme, réfutant l’idée selon laquelle tout monothéisme serait par nature intolérant. Enfin, on lui saura gré de bien distinguer entre islamophobie réelle (incitation à la haine contre les musulmans) et islamophobie imaginaire, attitude abusive et arme dissuasive qui entend interdite toute critique des textes et des faits.

Cet ouvrage mérite réellement la plus grande attention.

 

Annie Laurent