Pascal Boniface, La France malade du conflit israélo-palestinien, Salvator, 223 p., 19, 50 €.

 

Fondateur et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Pascal Boniface décrit ici l’approche malsaine de la question israélo-palestinienne par une France empêtrée dans l’idée qu’en approuvant les choix politiques d’Israël – même si ces derniers sont contraires au droit international et contredisent l’image de seule démocratie du Proche-Orient à laquelle prétend l’Etat hébreu – elle lutte contre l’antisémitisme.

Alors que, depuis la victoire de Tsahal (l’armée israélienne) sur les Arabes, suivie de l’occupation de Jérusalem et de territoires palestiniens (1967), les Français (et les Européens) ont une opinion moins compréhensive qu’auparavant envers l’Etat hébreu et donc plus favorable aux Palestiniens, les actes antisémites quant à eux ont beaucoup diminué dans l’Hexagone.

Ce ne sont pas les juifs qui sont rejetés par l’opinion publique mais le comportement injuste des Israéliens qui est de moins en moins approuvé. Les responsables du judaïsme français en sont bien conscients mais ils veulent continuer à culpabiliser le gouvernement pour l’amener à soutenir les revendications israéliennes telles que la reconnaissance officielle de Jérusalem comme capitale. Alors, aujourd’hui, ils dénoncent l’antisionisme comme masque de l’antisémitisme.

P. Boniface cible particulièrement le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) qui, dans son obsession de l’antisémitisme, se comporte en ambassade bis d’Israël, allant jusqu’à contraindre les pouvoirs publics à censurer des colloques, expositions et émissions télévisées jugés par lui trop favorables aux thèses palestiniennes. Mais pour l’auteur ce jeu est dangereux : le lien entre la lutte contre l’antisémitisme et la défense à tout prix d’Israël ainsi que la sélectivité des émotions publiques qui privilégie les actes anti-juifs sur tous les autres peuvent susciter une réaction communautariste des musulmans de France, de plus en plus solidaires des Palestiniens.

L’attachement de P. Boniface à la liberté de ton sur un sujet aussi sensible lui a valu bien des avanies de la part de certains éditeurs – il les relate dans son livre – mais il entend persister dans cette voie courageuse. Mises à part quelques formules contestables (par exemple qualifier de « racisme » la critique de l’islam), cet essai roboratif constitue une pertinente mise en garde contre les effets pervers de la culpabilisation chronique de la France qui paralyse son action au Proche-Orient.

Annie Laurent

Article paru dans La Nef n° 261 – Juillet-août 2014