Article paru dans La Nef n° 277 – Janvier 2016

Malika Sorel-Sutter, Décomposition française. Comment en est-on arrivé là ?, Fayard, 311 p., 18 €.

Fille d’immigrés algériens, Malika Sorel aime la France de tout son cœur et de tout son esprit. N’est-ce pas ce que l’on devrait attendre de ses semblables, surtout de ceux qui sont d’origine extra-européenne et notamment des musulmans ? Hélas, depuis des décennies, l’Etat, que l’auteur ne veut pas confondre avec la République, s’emploie avec acharnement à susciter le ressentiment de ces nouveaux Français envers leur pays adoptif, tout en organisant méthodiquement leur repli communautariste, et même en contribuant à leur réislamisation tout en leur imposant une laïcité au contenu de plus en plus brouillé.

L’auteur sait de quoi elle parle puisque, diplômée de plusieurs grandes écoles, elle a été nommée en 2009 membre du Haut Conseil à l’intégration. Ses fonctions l’ont amenée à voyager au sein des institutions publiques et à côtoyer de nombreux responsables politiques. Elle décrit ici en détail et dans un style vigoureux, marqué du sceau de l’étonnement et de la souffrance, les aberrations des gouvernements successifs en matière d’immigration ; elle déplore la contamination de la droite par l’hégémonie culturelle de la gauche, qui a imposé les idéologies de l’antiracisme et du multiculturalisme, produit l’esprit de repentance, la victimisation et la discrimination positive, conduit au rejet de l’assimilation, à la suppression des épreuves de culture générale aux concours des grandes écoles, à la promotion des langues d’origine, etc. Malika Sorel raconte son combat, gagné celui-là, contre le projet du président Sarkozy d’inscrire la « diversité » dans le Préambule de la Constitution, ce qui n’a pas empêché le chef de l’Etat de créer par dépit un Commissariat à la diversité. L’auteur déplore aussi la responsabilité de l’Eglise dans son soutien à une immigration incontrôlée. Il est cependant dommage qu’elle n’ait pas pris en compte l’équilibre prôné par la doctrine sociale de l’Eglise et le Catéchisme de l’Eglise catholique, textes qui reconnaissent aux Etats le droit de limiter l’immigration et rappellent les devoirs des immigrés.

C’est donc ainsi, constate M. Sorel, que l’on est arrivé à cette situation inimaginable où parler de l’identité nationale est un sujet tabou, et où les Français de souche sont de plus en plus marginalisés. Son jugement, fondé sur des preuves irréfutables, est implacable. Pour elle, « l’esprit munichois est de retour » et « l’unité nationale s’enfuit, sacrifiée sur l’autel d’un vivre-ensemble qui a été dissocié des fondamentaux culturels du peuple français ». Et cette passionnée pleure sur ces Français qui « se sont laissés dépouiller de l’essentiel, de la plus fondamentale des libertés, celle d’être et d’exister ».

 

Annie Laurent