Article paru dans La Nef n° 295, Septembre 2017
Hamed Abdel-Samad, Le fascisme islamique. Une analyse, Grasset, 300 p., 20,00 €.
La barbarie djihadiste qui se répand dans le monde entier suscite chez certains intellectuels musulmans un sursaut de lucidité, comme en témoigne le travail courageux d’Hamed Abdel-Samad, qui mérite vraiment d’être connu. Né en Egypte et élevé dans l’islam, ce dernier réside en Allemagne, pays dont il a obtenu la nationalité et où il peut s’exprimer librement, non sans risques toutefois à cause de la haine dont il est l’objet depuis la conférence qu’il a donnée au Caire en 2013 sur l’idéologie fascisante contenue dans la doctrine islamique elle-même.
C’est aussi ce qu’il démontre dans cet essai très documenté où il n’hésite pas à écrire que Mahomet « sema dans le cœur de l’islam la graine de l’intolérance, graine qui a germé et poussé depuis, et qui porte encore ses fruits ». Une partie importante de l’ouvrage concerne l’aversion de l’islam pour les juifs, ce dont témoigne la cruauté de Mahomet envers eux, comportement qui a inspiré l’idéologie des Frères musulmans, matrice de l’islamisme, et leur collusion avec le nazisme. On se demande cependant pourquoi l’auteur associe fascisme et monothéisme, thèse qu’il justifie d’ailleurs très médiocrement, mais c’est le seul point regrettable de son livre. Il est d’autant plus surprenant qu’Abdel-Samad reconnaît que la créativité du fameux « âge d’or » médiéval (Bagdad, Damas, Le Caire et Cordoue) reposait sur la présence agissante des chrétiens et des juifs – monothéistes donc -, alors encore nombreux dans ces contrées. C’est pourtant à l’Occident (et aux humiliations subies par Israël) que les musulmans attribuent leur déclin en matière de progrès, refusant de regarder en face la schizophrénie et la paranoïa dont ils souffrent. A cet égard, le diagnostic posé par l’auteur est d’une grande pertinence et d’autant plus crédible qu’il s’accompagne d’une réelle compassion envers ce monde malade.
Mais, se félicite-t-il, le refus de l’auto-critique commence à être battu en brèche grâce aux instruments modernes de communication. Désormais, la réflexion pénètre le monde islamique, dès lors tenté par l’athéisme. Hélas, elle est combattue par le « virus du djihad » qui s’inspire de l’exemple de Mahomet et qui attire aussi une partie de la jeunesse européenne touchée par le nihilisme. Hamed-Samad se veut néanmoins confiant : « Plus les réactions seront virulentes, plus le vernis du supposé islam modéré, prétendument compatible avec la démocratie, s’écaillera ».
Annie Laurent