Gilles Kepel, avec Antoine Jardin, Terreur dans l’Hexagone. Genèse du djihad français, Gallimard, 2015, 330 p., 21 €.

Dans ce livre clairvoyant, où les enquêtes de terrain occupent une large place, l’islamologue Gilles Kepel aidé par le sociologue Antoine Jardin, retrace les étapes qui ont préparé l’irruption du djihadisme sur le territoire français. 2005 est l’année charnière : elle inaugure de profonds changements dans les générations de musulmans issues de l’émigration. Pour les auteurs, c’est moins la mort de deux jeunes dans un transformateur de Clichy-sous-Bois où ils s’étaient cachés pour échapper à la police que l’irruption de cette dernière dans une mosquée de la ville qui a entraîné des émeutes dans tout le pays. Cet acte « sacrilège » confère une coloration religieuse aux revendications qui étaient jusque-là surtout sociales. Il prépare les musulmans à accueillir favorablement l’Appel à la résistance islamique mondiale diffusé sur Internet, ainsi que les prédicateurs salafistes et autres islamistes, et donc à rompre avec l’environnement non islamique, tout en constituant un électorat communautaire.

Kepel et Jardin analysent ces évolutions en rapport avec les mandats de Nicolas Sarkozy et François Hollande, tous deux ayant été incapables d’anticiper les conséquences de leurs choix, tant en ce qui concerne la politique intérieure que la politique proche-orientale. Comment ne pas partager leur conclusion lorsqu’ils reconnaissent que « l’incantation des principes laïques de la République par des politiciens sans souffle ni vision demeure en deçà du défi posé par un djihad français » et que « la terreur dans l’Hexagone est aussi le symptôme d’un malaise dans notre civilisation »

Annie Laurent

Article paru dans La Nef n° 286 – Novembre 2016