Le sacrifice des chrétiens d’Orient

En Égypte comme en Syrie, des musulmans montrent, à titre individuel, de réelles ouvertures et une compassion sincère envers leurs compatriotes chrétiens dont ils protègent parfois les personnes, les églises et autres biens. Mais dans les deux pays, et ailleurs aussi, la radicalisation religieuse s’accroît de plus en plus. Partout, les chrétiens, victimes innocentes, quels que soient leurs choix politiques, quel que soit leur dévouement, sont les boucs émissaires de ceux qui ne voient de solution que dans la violence et veulent profiter de la situation actuelle pour vider le Proche-Orient de toute présence d’Église, comme si celle-ci représentait une gêne insupportable.

Un verset du Coran fait dire à Dieu : « O croyants ! Ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens ; ils sont amis entre eux. Celui qui les prend pour amis finit par être des leurs » (5, 51). Faut-il y voir le fondement d’une sorte d’atavisme insurmontable ?

Aujourd’hui, victimes de l’injustice et de la haine, les chrétiens d’Orient vivent une étonnante actualisation de la Croix. Dans la souffrance, leur attitude profondément évangélique est édifiante. Leur disposition à la confiance en Dieu, au pardon et la paix qui les habite jusque dans l’épreuve, devraient suffire à montrer les bienfaits de leur présence au sein de sociétés musulmanes qui se déchirent avec une rare férocité.

« Dans les événements tragiques que traversent actuellement la Syrie, l’Égypte ou l’Irak, les communautés chrétiennes endurent en quelque sorte une triple peine. Elles partagent le sort de tous face à la violence des combats et des attentats. Mais, en outre, elles se voient dénier la qualité de citoyens par les extrémistes pour qui être syrien ou égyptien signifie être musulman. Enfin, elles sont critiquées, y compris en Europe, pour leur refus de s’engager contre le régime Assad en Syrie ou le pouvoir militaire en Égypte » (Guillaume Goubert, La Croix, 30 août 2013).

La protection des chrétiens d’Orient

Les dirigeants européens rappellent régulièrement le devoir de protéger les minorités chrétiennes au Proche-Orient, protection que, d’après eux, seule la démocratie pourrait assurer. Mais il s’agit là d’alibis trompeurs.

Voici quelques pistes de réflexion et d’action pour une défense efficace les droits des personnes et communautés concernées.

–       Porter un regard lucide sur l’histoire et le système politique islamique : pourquoi les chrétiens sont-ils devenus minoritaires (contrairement à d’autres groupes religieux, il ne s’agit pas pour eux d’un état de nature) alors qu’ils constituaient la majeure partie des populations du Levant lors de la conquête arabe, à partir du VIIème siècle ?

–       Prendre en considération la vocation spécifique et l’apport positif des chrétiens à l’épanouissement de leurs sociétés : créativité, progrès, liberté, y compris en matière de religion, enseignement, usage de la raison, formation de la conscience, respect de la personne, culture de la gratuité et du pardon plutôt que la vengeance, etc.

–       Opposer un ferme refus à tout projet d’entités politiques fondées sur un confessionnalisme chrétien : enfermer les chrétiens dans des sortes de réserves séparées, même sous prétexte de leur sécurité, les priverait de leur mission. Celle-ci est au service de tous et non au bénéfice des seuls membres de leurs communautés. Le vocable « communauté » est d’ailleurs préférable à celui de « minorité », qui est trop dévalorisant et décourage les chrétiens de demeurer chez eux.

–       Afin de contribuer au développement de leurs pays, les chrétiens doivent y bénéficier de l’égalité avec les musulmans en matière de citoyenneté, de droits et de devoirs. C’est pourquoi, dans leurs relations bilatérales avec les États islamiques, les Occidentaux doivent exiger la justice et le respect de la liberté de conscience pour tous les nationaux de ces pays, même si cela doit conduire à renoncer à des partenariats financiers et militaires, si avantageux soient-ils. Il en va de la crédibilité de l’Occident. La morale a aussi sa place dans le cadre des relations internationales.

–       Examiner honnêtement la responsabilité de l’Occident dans le refus d’une grande partie du monde musulman d’accueillir les valeurs de la démocratie laïque. Ne serait-ce pas à cause d’une conception dévoyée de la laïcité, transformée en idéologie qui sépare radicalement le politique du religieux et promeut le relativisme moral (le laïcisme ou le sécularisme) ? Sur ce point, le pape émérite Benoît XVI a rappelé les fondements et conditions d’une saine laïcité : « La saine laïcité signifie libérer la croyance du poids de la politique et enrichir la politique par les apports de la croyance, en maintenant la nécessaire distance, la claire distinction et l’indispensable collaboration entre les deux (…) Aucune société ne peut se développer sainement sans affirmer le respect réciproque entre politique et religion en évitant la tentation constante du mélange ou de l’opposition. La prise de conscience de ce rapport approprié permet de comprendre qu’il existe une sorte d’unité-distinction qui doit caractériser le rapport entre le spirituel (religieux) et le temporel (politique), puisque tous deux sont appelés, même dans la nécessaire distinction, à coopérer harmonieusement pour le bien commun » (exhortation apostolique Ecclesia in Medio Oriente, 14 septembre 2012, n° 29).

–       Enfin, il y a urgence à trouver une solution équitable au problème israélo-palestinien. La perpétuation de ce conflit exacerbe le ressentiment du monde islamique envers l’Occident, ce qui produit un effet pervers : les chrétiens orientaux sont considérés sans raison comme les complices de l’Occident « chrétien » et donc d’Israël.

 

Annie Laurent

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