Article d’Annie LAURENT, La Nef, n° 287, décembre 2016
Christian Chesnot et Georges Malbrunot, Nos très chers émirs, Ed. Michel Lafon, 2016, 299 p., 17, 95 €.
Familiers du Proche-Orient
où ils effectuent régulièrement des reportages, Christian Chesnot et Georges Malbrunot livrent ici les résultats d’une enquête sur les relations entre la France et les monarchies de la péninsule Arabique : Arabie-Séoudite, Qatar, Koweït et Emirats Arabes Unis (EAU). Etayées sur des rapports officiels ou confidentiels et de nombreuses confidences, leurs révélations mettent en évidence les « pratiques indignes et mafieuses » des dirigeants politiques français. Certains d’entre eux, dont les noms sont cités, sont prêts à toutes les compromissions pour obtenir faveurs et largesses diverses, fermant les yeux sur les graves entraves aux libertés en vigueur chez leurs alliés sunnites qui soumettent ainsi la France et orientent la diplomatie du Quai d’Orsay. Par exemple, la « diplomatie économique » de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a conduit la France dans une grave impasse dans la crise syrienne. Pour obtenir des contrats juteux et d’autres avantages, Paris ferme aussi les yeux sur le financement du djihadisme, notamment en Syrie, et de l’islamisme dans les pays francophones du Sahel et même en France. Les auteurs ont découvert l’existence en plein cœur de Paris d’une école relevant du wahhabisme, l’idéologie officielle du régime séoudien !
L’hypocrisie est la règle
dans la politique de ces Etats et les mœurs de leurs dirigeants, lesquels se livrent à des trafics illicites aux yeux de la charia. Bien que membres de la coalition anti-Etat islamique, ils en sont complices, agissant souvent par des moyens camouflés, ce qui n’empêche pas des officiels arabes d’être compromis dans ces procédés. Ainsi, Qatar paie les énormes rançons réclamées par les preneurs d’otages. Pour Chesnot et Malbrunot, la France doit impérativement réviser sa position envers ces pays si elle veut retrouver une respectabilité aux yeux d’un monde musulman qui ne méprise rien tant que la lâcheté et la faiblesse.
Annie Laurent