Radio-Espérance, 24 avril 2013
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Depuis quelques semaines, il est frappant de voir les responsables des Eglises du Proche-Orient redoubler de fermeté envers les dirigeants politiques musulmans de leurs pays. Il est vrai que les épreuves infligées à tous les chrétiens de cette région ont atteint un niveau difficilement supportable.
Après le meurtre de deux coptes, agressés il y a deux semaines au Caire dans la cathédrale Saint-Marc où ils assistaient aux funérailles de quatre de leurs coreligionnaires tués l’avant-veille par des musulmans dans la banlieue de la capitale égyptienne, on apprenait hier l’enlèvement de deux évêques dans le nord de la Syrie. L’un est Mgr Paul Yazigi, évêque d’Alep, dont le frère Jean X, résidant à Damas, est le patriarche grec-orthodoxe d’Antioche.
L’autre est Mgr Grégoire Ibrahim, également évêque d’Alep mais pour la communauté syriaque-orthodoxe. Ces prélats, qui étaient en train de négocier la libération de deux prêtres, un grec-orthodoxe et un arménien-catholique, pris en otage au début du mois de février dernier, circulaient dans la même voiture. Leur chauffeur et un accompagnateur ont été abattus au cours de ce double enlèvement dont les auteurs seraient des militants du groupe terroriste Forsat el-Nosra, affilié à El-Qaïda.
Confrontés à tant de violences, de mépris et d’humiliations, les chrétiens d’Orient abandonnent l’attitude résignée qui a parfois été la leur au cours des dernières décennies. Par la voix de leurs hiérarchies respectives, ils veulent obtenir justice. Ainsi, au Caire, le nouveau pape copte, Théodore II, élu à l’automne dernier, vient-il de dénoncer avec énergie la négligence coupable du chef de l’Etat. « Nous voulons des actes, pas seulement des paroles ou des commissions, a-t-il déclaré. Le président Morsi a promis de tout faire pour protéger la cathédrale, mais en réalité il n’a rien fait ». Pour sa part, le patriarche des syriaques-catholiques, Ignace III Younan, adepte de la franchise dans le dialogue avec les musulmans, n’hésite pas à interpeller ces derniers publiquement. Il vient de le montrer à Paris. Présent à la table ronde sur la liberté religieuse qui s’est déroulée à l’Assemblée nationale le 12 avril à l’initiative de l’Aide à l’Eglise en Détresse, Mgr Younan a réagi de manière argumentée aux propos du conférencier musulman, Tareq Oubrou, imam à Bordeaux, lorsque celui-ci tenta de prouver la magnanimité du Coran envers les chrétiens.
Cette combattivité inhabituelle accompagne le rajeunissement des hiérarchies ecclésiastiques orientales. Depuis moins de cinq ans, de nouveaux patriarches ont été choisis, aussi bien à la tête de plusieurs Eglises catholiques (maronite, chaldéenne, syriaque et copte) qu’à la tête d’Eglises orthodoxes (grecque d’Antioche et copte). Conscients des attentes de leurs fidèles qui ne veulent plus de discours convenus, inquiets face à la menace existentielle qui pèse sur l’avenir du christianisme sur sa terre d’origine, ces patriarches se libèrent psychologiquement de l’héritage de la dhimmitude, ce statut d’infériorité traditionnel imposé par les pouvoirs musulmans en application d’une prescription coranique. Beaucoup de chrétiens avaient fini par intérioriser leur condition, au risque de vivre dans un déni de réalité. Aujourd’hui, ils sont confrontés à un enjeu tellement grave qu’ils ne veulent plus subir les événements sans réagir. Par ailleurs, l’urgence est telle que l’on assiste de plus en plus à des initiatives tendant à rapprocher les Eglises entre elles. Ainsi, il est question d’un sommet qui réunirait prochainement les patriarches de toutes obédiences.
On peut penser que le Synode spécial des évêques pour l’Eglise catholique au Proche-Orient réuni par le pape Benoît XVI en 2010 sur le thème « Communion et témoignage » a constitué une étape importante dans ces prises de conscience et la nouvelle fraternité qui en découle. Manifestement, face à l’adversité, les chrétiens veulent resserrer les rangs. L’empressement des chefs des Eglises orientales auprès du nouveau pape François exprime cette volonté. En cinq semaines de pontificat, le souverain pontife a déjà reçu au Vatican trois d’entre eux : le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée 1er, le patriarche grec-catholique, Grégoire III Laham, et le patriarche latin de Jérusalem, Fouad Twal. Tous l’ont supplié d’intervenir en faveur de leurs peuples auprès des institutions politiques internationales.
Annie Laurent