Georges BENSOUSSAN,

Juifs en pays arabes, le grand déracinement (1850-1975), Tallandier, 966 p., 34, 90 €.

La chronique des événements qui ont jalonné l’histoire tourmentée du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord au XXème siècle ne traite en général que de manière allusive la situation des Juifs établis dans ces régions avant et après la création de l’Etat d’Israël (1948).

Il y avait donc une lacune à combler, ce à quoi s’est attelé l’historien Georges Bensoussan dans cet énorme travail qui puise à plusieurs fonds d’archives.

Ce livre très soigné montre que, contrairement à ce qu’affirme le politiquement correct, la situation des Juifs du monde arabo-musulman n’était pas si enviable que cela. En fait, victimes d’affreux préjugés et d’un mépris justifié par le Coran, ils étaient, comme les chrétiens, soumis à un statut humiliant marquant leur infériorité.

L’émancipation de ces Juifs,

y compris par rapport à l’archaïsme de leurs sociétés que Bensoussan décrit minutieusement, doit beaucoup à l’Alliance israélite universelle, fondée à Paris en 1860.

Profitant d’une conjoncture favorable, cette organisation d’inspiration laïque ouvrit tout un réseau d’écoles en pays arabes. Puis le sionisme s’y implanta malgré l’opposition des puissances tutélaires (par exemple, au Maroc, Lyautey prit des mesures pour empêcher l’enrôlement des israélites dans la Légion juive ainsi que leur émigration en Palestine).

Le « virus ancestral » de la haine des Juifs dans la conscience musulmane resurgit avec l’arrivée du nazisme et sa collusion avec certains dirigeants et idéologues arabes.

A partir de 1948, afin de venger l’humiliation infligée par Israël, les autorités musulmanes prirent mille et unes mesures hostiles à leurs ressortissants juifs, le Liban demeurant toutefois une « exception heureuse ».

L’auteur décrit longuement la « stratégie d’étranglement » qui aboutit à la quasi-extinction des judaïcités arabes. Un ouvrage qui devrait attirer l’attention de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire récente du Proche-Orient.

 

Annie Laurent

Article paru dans L’Homme nouveau n° 1542 du 11 mai 2013.