Article paru dans L’Homme nouveau, n° 1647, 30 septembre 2017.
Sébastien de Courtois, Lettres du Bosphore, éd. Le Passeur, 2017, 252 p., 19, 50 €.
Etabli à Istanbul, cette « ville-monde » qu’il aime « de toute son âme », l’essayiste Sébastien de Courtois possède une rare et fine connaissance de l’ancienne Constantinople mais aussi de toute la Turquie qu’il ne cesse de sillonner dans toutes les directions pour en pénétrer les subtilités et en goûter les charmes. A travers ce recueil de chroniques, écrites entre novembre 2015 et janvier 2017, le lecteur est invité à porter un regard ajusté sur ce pays désormais fracturé par les antagonismes consécutifs aux ambitions démesurées du président Erdogan dont « l’autoritarisme sans concession » se mêle à « un mélange de ploutocratie, d’islamisme politique et de paranoïa aigue, le tout formant une idéologie mal ficelée, pragmatique pour les uns, dangereuse et suicidaire pour les autres ».
La répression outrancière qui sévit en Turquie depuis le coup d’Etat manqué de juillet 2016 et les graves atteintes aux principes démocratiques parcourent l’ouvrage. A travers d’édifiantes rencontres, l’auteur met en valeur la résistance intellectuelle d’universitaires et d’écrivains patriotes qui n’entendent pas céder au chantage et croient en une Turquie moderne. Le cas de Februniye Akyol est emblématique. En 2014, cette syriaque est devenue maire de Mardine, grande cité du sud-est. Pour la première fois, une femme, chrétienne qui plus est, accédait à une telle fonction, n’hésitant pas à afficher publiquement son identité religieuse. Mais elle avait été élue sur une liste kurde, faute impardonnable qui lui a valu d’être destituée par décret. « Triste épilogue, en ce 17 novembre 2016, pour une expérience démocratique novatrice, et fin d’une illusion pour la petite communauté syriaque qui avait cru à la reconnaissance de ses droits en Turquie », note S. de Courtois pour qui, globalement, la survie des chrétiens dans cette région est un mythe.
Annie Laurent