Article paru dans La Nef n° 294, Juillet-août 2017
Didier Leschi, Misère(s) de l’islam de France, Cerf, 2017, 167 p., 14 €.
Voici un livre bienvenu pour nourrir la réflexion sur les problèmes posés par la présence de l’islam en France. Son auteur, ancien responsable du Bureau des cultes au ministère de l’Intérieur, établit un diagnostic lucide sur cette réalité qui, depuis la première affaire du voile (1989), ne cesse de heurter les principes inhérents à une laïcité qui n’est pas dépourvue d’ambiguïté.
Il fut un temps où la France apparaissait comme un pays propice à l’émancipation des musulmans, processus impliquant la modernisation de la pensée islamique. Or, aujourd’hui, la progression de « l’envoilement » et du salafisme exprime mieux que tout « la mise en berne » de l’islam moderniste. Des intellectuels musulmans militent certes à travers leurs écrits pour une vraie réforme mais ils manquent de crédibilité et d’efficacité à cause de la distance qui les sépare de la majorité des croyants. Didier Leschi déplore aussi la défaillance des imams « qui donnent le sentiment de vivre de l’islam plutôt que pour l’islam », fuyant la réflexion doctrinale, se dérobant face à la violence, incapables de promouvoir un « islam social » et se réfugiant derrière la victimisation ou le prétexte de « l’islamophobie », ou encore tributaires de leurs pays d’origine, ce qui entretient les divisions et paralyse les jeunes générations.
Pourtant, explique l’auteur, les musulmans de France bénéficient de la bienveillance des pouvoirs publics qui répondent généreusement à leurs besoins cultuels et s‘efforcent de doter l’islam français d’une représentation reconnue et légitime. Mais, là aussi, c’est l’échec. Leschi plaide pour l’organisation d’un « synode » rassemblant toutes les tendances musulmanes et prenant leur destin en mains, faute de quoi l’incertitude demeurera de savoir « quel est le missel de l’islam de France ? ». Pour irréaliste qu’elle soit, cette suggestion a au moins le mérite de mettre les responsables musulmans face à leurs responsabilités.
Annie Laurent