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Confrontés à de nombreux défis, les chrétiens du Proche-Orient s’interrogent de manière de plus en plus pressante quant à leur avenir sur la terre de leurs ancêtres. Leur angoisse s’exprime notamment à travers la conviction qu’ils sont victimes d’un plan visant à éradiquer le christianisme de son berceau d’origine.

 

Parmi les élites chrétiennes,

aussi bien chez les ecclésiastiques que chez les laïcs, deux hypothèses sont privilégiées pour étayer ce doute qui prend de plus en plus l’allure d’une certitude. Certains sont persuadés que les Etats musulmans veulent profiter de l’instabilité régionale actuelle pour se débarrasser de leurs ressortissants chrétiens, et ceci une bonne fois pour toutes car, c’est l’évidence, le processus d’éviction n’est pas nouveau. Les tenants de cette hypothèse fondent leur raisonnement sur le fait, aisément démontrable, que l’Islam n’aime ni le pluralisme ni la diversité. La férocité des haines qui opposent aujourd’hui les musulmans entre eux, chiites contre sunnites, sunnites contre chiites et alaouites, en est l’illustration éloquente. Coexister avec des chrétiens devient donc une anomalie, même si leur présence est facteur d’équilibre et de progrès. Mais comment compter sur la raison dans une ambiance dominée par l’idéologie ?

D’autres responsables chrétiens orientaux

pensent que les luttes fratricides entre musulmans ouvriront la voie à un éclatement de tout le Proche-Orient. Cela conduirait à une recomposition politique de la région selon une base confessionnelle, moyennant la création d’Etats monocolores sur le plan religieux. Ce scénario conviendrait à Israël pour deux raisons. D’une part, il justifierait sa propre conception de l’Etat, où la plénitude de la citoyenneté est fondée sur l’identité juive ; d’autre part, de telles entités, hostiles entre elles, ne représenteraient plus de danger pour l’Etat hébreu qui pourrait alors régler à sa guise le problème palestinien.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, les chrétiens orientaux comprennent qu’il y a urgence à réfléchir aux modalités de leur survie collective. On assiste ainsi à diverses initiatives dans ce sens, telle que l’organisation de congrès dont le but est de favoriser l’élaboration de réponses communes et unifiées pour relever ce défi existentiel. Durant les quinze derniers jours, deux rassemblements de ce type ont eu lieu au Liban sous des labels différents : il y a eu d’abord une « Assemblée des chrétiens d’Orient », qui, dans une perspective académique et religieuse, a réuni des responsables des quatorze Eglises locales ; puis, une « Rencontre chrétienne », plus politique et moins consensuelle, à laquelle ont participé des orateurs venus d’Irak, de Palestine, de Syrie, d’Egypte et de Jordanie, ainsi que des Libanais, bien sûr.

Plusieurs propositions

ont été émises au sein de ces deux cénacles. Ainsi, les chrétiens refusent de se voir traités comme des minorités protégées, soumises à un statut dévalorisant qui les prive d’un rôle actif dans leurs sociétés respectives. Or, l’absence ou la perte d’un tel rôle dans la vie publique entraîne inévitablement le déclin des chrétiens que rien ne peut alors empêcher d’émigrer. La solution à ce problème est l’adoption du concept de citoyenneté impliquant l’égalité avec les musulmans.

Mais, compte tenu de la radicalisation islamiste, comment espérer une telle évolution, qui est au demeurant réclamée depuis longtemps ? Il est évident que l’adoption d’une démocratie laïque n’est pas à l’ordre du jour, comme l’a rappelé Maria Saadé, député au Parlement de Damas, invitée à la « Rencontre chrétienne ». L’élue syrienne a mis les Occidentaux face à leurs contradictions en les priant de cesser leurs ingérences dans son pays. Je la cite : « On tue les chrétiens au nom de la démocratie et des libertés ».

Pour sa part, le Libanais Fouad Abounader, président du parti « Front de la liberté » et initiateur de « l’Assemblée des chrétiens d’Orient », a estimé que l’Europe doit se sentir concernée par la situation des chrétiens dans les pays de l’est méditerranéen. Car, s’est-il interrogé, « comment réussir pacifiquement l’intégration de l’islam en Occident si en Orient le christianisme venait à disparaître par la force ? » Pour lui, c’est l’avenir du monde qui est en jeu à travers la question des chrétiens d’Orient.

 

Annie Laurent