Radio-Espérance, 30 octobre 2013.
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Aujourd’hui, c’est d’une bonne nouvelle concernant les coptes en Egypte que je vais vous parler. En effet, le ministre de l’Environnement, Leïla Iskandar, vient d’annoncer l’ouverture d’une procédure de reconnaissance des « zabbalines ». Ce mot familier aux Egyptiens signifie « ramasseurs ».
Il s’applique à toute une population chrétienne qui s’adonne à la collecte et au recyclage des ordures ménagères au Caire.
Tout a commencé il y a plus de soixante ans. Délaissant la Haute-Egypte où elles vivaient dans une misère insoutenable, des familles coptes s’installèrent alors sur la colline désertique du Moqattam, à la périphérie du Caire.
Aujourd’hui très peuplé, ce vaste quartier est très marqué par son identité chrétienne. Chaque façade est ornée de fresques représentant le Sacré-Cœur ou la Vierge Marie. De grandes églises ont été construites, des religieuses y ont ouvert des écoles et des garderies. L’œuvre que Sœur Emmanuelle y a fondée dans les années 1970 se perpétue grâce à son héritière, Sœur Sarah, une copte-orthodoxe qui vit sur place. Mais les pouvoirs publics se sont toujours désintéressés de cette vaste cité dont la plupart des rues ne sont pas asphaltées. Cependant, le délabrement des lieux et la pauvreté des habitants s’effacent derrière l’hospitalité des adultes et la gaieté des enfants.
Pour assurer leur subsistance,
dès leur arrivée, les hommes se mirent à ramasser les déchets dans les rues de la capitale, suppléant ainsi la défaillance de l’Etat dans ce domaine. Peu à peu, leur activité s’est organisée. Aujourd’hui encore, chaque matin, les zabbalines se répandent dans cette ville immense pour collecter le contenu des poubelles à l’aide de carrioles tirées par des ânes ou d’automobiles bringuebalantes, et parfois même à dos d’homme. Il revient ensuite aux femmes et aux enfants d’opérer le tri des matières ramenées au Maqattam. Plastique, carton, papier et métal sont transformés sur place, puis revendus. Car, grâce à des organisations non gouvernementales, les zabbalines ont appris l’art du recyclage qu’ils pratiquent avec des machines adaptées.
Quant aux déchets organiques,
ils ont pendant longtemps nourri les cochons que chaque famille élevait dans l’arrière-cour de sa maison. Les parties comestibles étaient ensuite préparées et commercialisées, notamment dans les zones touristiques et les grands hôtels. Les musulmans considérant le porc comme impur et n’ayant pas le droit d’en consommer, selon une prescription formelle du Coran, les coptes avaient le monopole de cette activité. J’en parle à l’imparfait car, depuis quatre ans et demi, les chrétiens de Moqattam, et de partout en Egypte, sont privés de cette source de revenus. En effet, au printemps 2009, sous prétexte d’hygiène et malgré l’avis contraire de l’Organisation mondiale de la santé, le gouvernement du président Moubarak ordonna la destruction de tout le cheptel porcin du pays. En quinze jours, 300 000 animaux furent abattus. Pour les coptes, il s’agissait d’une mesure discriminatoire qui visait directement leur communauté. Elle leur a d’ailleurs causé un extrême préjudice sans résoudre par ailleurs le problème du recyclage des déchets organiques.
Cependant, faute d’autres débouchés professionnels, les zabbalines continuent d’assurer le ramassage des ordures.
Actuellement,
ils en récupèrent environ 9 000 tonnes par jour, soit près des deux tiers des déchets rejetés quotidiennement par les 18 millions d’habitants du Caire. Mais jusqu’à présent leur activité demeurait non reconnue par les autorités officielles. Or, selon Leïla Iskandar, qui, en tant que membre de l’Institut international pour l’environnement et le développement, s’est beaucoup occupée du Moqattam avant d’entrer au gouvernement, les zabbalines « ont créé un écosystème performant, viable et rentable, avec une capacité de recyclage des déchets de près de 100 % ». D’ores et déjà, 44 entreprises de collecte locale, impliquant la main-d’œuvre de mille familles, ont été enregistrées auprès du ministère de l’Environnement. Cela devrait améliorer leurs conditions de travail.
Le gouvernement ira-t-il jusqu’à autoriser à nouveau l’élevage de porcs ? Une telle décision constituerait un véritable tournant dans le traitement réservé aux coptes par l’Etat égyptien.
Annie Laurent