Radio-Espérance, 3 avril 2013

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Il y a au Liban une belle et ancienne tradition qui perdure jusqu’à nos jours : chaque année, le lundi de Pâques, l’Eglise maronite prie aux intentions de la France et de son peuple.

Le 1er avril, le cardinal Béchara Raï, chef de cette Eglise orientale, a donc célébré la messe selon cet usage dans la chapelle de son patriarcat, situé à Bkerké, non loin du célèbre sanctuaire Notre-Dame du Liban. Devant l’ambassadeur Patrice Paoli, représentant de la France au pays du Cèdre, le patriarche a eu des paroles très fortes. Tant dans son homélie que dans l’allocution qu’il a prononcée au cours du déjeuner qui a suivi la célébration, il a mis l’accent sur la situation calamiteuse que connaissent les pays du Proche-Orient, situation qui engendre d’innombrables injustices pour les chrétiens de la région et les conduit à l’exode.

Dans sa prédication, Mgr Raï a évoqué des forces obscures qui oeuvrent à désarticuler les Etats et les institutions du monde arabe, et tentent d’allumer la discorde entre les différentes confessions.

Et, a-t-il relevé, je le cite, « quelle ironie, cela se fait au nom de la démocratie et du printemps arabe ».

Il a ensuite exhorté les fidèles à relever ce défi en s’attachant à la promesse de Pâques qui porte en elle la certitude du triomphe définitif de la vie sur la mort. Mais les chrétiens orientaux ne peuvent affronter seuls tant de souffrances. Or, a poursuivi le patriarche, ils se sentent abandonnés alors qu’ils doivent être aidés à demeurer sur leurs terres ancestrales afin de continuer à y promouvoir les valeurs de l’Evangile et à y œuvrer en faveur d’une saine modernité.

Ce constat malheureux devait introduire le discours plus politique prononcé à table. Le cardinal Raï a d’abord insisté sur les liens ancestraux qui unissent la France et les maronites.

En effet, en 1250, le roi Saint-Louis

signait une charte qui reconnaissait la nation maronite comme faisant partie de la nation française. Au début du XXème siècle, précisément en 1919, le président du Conseil, Georges Clemenceau, renouvelait en quelque sorte cet engagement par une lettre adressée au patriarche de l’époque en l’élargissant au Liban tout entier, pays dont la naissance devait beaucoup à la communauté maronite.

Commentant ce double engagement, Mgr Raï a déclaré : « Le dénominateur commun en est le patriarcat maronite. Cela veut dire que les maronites et le Liban sont devenus deux synonymes. Qui dit maronites, dit Liban. C’est pourquoi on dit que les maronites sont pour le Liban et non le Liban pour les maronites ». De cette manière, le patriarche a rappelé que les maronites n’ont pas voulu tout le Liban pour eux tout seuls mais qu’ils ont tenu à le partager avec d’autres communautés confessionnelles. Puis, revenant au lien avec la France, il a ajouté : « L’amitié franco-maronite est par le fait même franco-libanaise. Toute collaboration entre la France et les maronites est toujours en faveur du Liban. Elle nous incite à promouvoir les causes communes ».

Mgr Raï voulait ainsi mettre la France devant ses responsabilités face aux drames du Proche-Orient. Il a d’abord insisté sur le rôle irremplaçable des chrétiens comme serviteurs du pluralisme et de la convivialité avec les musulmans.

Je le cite : « La montée du fondamentalisme islamique menace les musulmans, modérés dans leur majorité, de céder à cette idéologie, si les chrétiens perdent leur présence effective et leur influence bénéfique dans les sociétés arabes ». Puis, il a demandé à la France d’appuyer la vocation spécifique du pays du Cèdre en obtenant des instances internationales la reconnaissance de sa neutralité juridique, positive et effective, statut qui lui permettrait d’être un lieu de rencontre et de dialogue des cultures et des religions, et d’être promoteur de paix, de justice et d’entente entre les peuples du Proche-Orient.

Enfin, le cardinal Raï a souhaité que le gouvernement français s’attelle d’une manière résolue à mettre fin à la guerre qui se déroule en Syrie, en invitant les parties en conflit à la table des négociations, en vue d’une solution juste et durable. Le patriarche entendait par là mettre Paris en garde contre les conséquences désastreuses d’une politique unilatérale qui tient compte seulement des exigences de la rébellion au régime du président Assad.

La France qui milite pour l’armement de ladite rébellion entendra-t-elle cette voix de sagesse autorisée venue d’un pays dont elle est en principe si proche ?

 

Annie Laurent