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Article paru dans Famille chrétienne, n° 2056 – 10-16 juin 2017.

Malek CHEBEL, J’avais tant de choses à dire encore Entretiens avec Fawzia Zouari, Desclée de Brouwer, 2017, 126 p., 12, 90 €.

Les confidences écrites de Malek Chebel, recueillies par Fawzia Zouari, essayiste tunisienne, pendant les mois de 2016 qui ont précédé la mort de cet anthropologue d’origine algérienne, ont suscité en moi une impression bienveillante alors que je garde le souvenir d’un intellectuel apte à pratiquer l’esquive face aux sujets délicats relatifs à son héritage musulman. Ce qui, à mes yeux, relativisait sa réputation de militant pour un « islam des Lumières », véhiculée à travers une œuvre abondante.

C’est donc une personnalité inattendue et touchante que j’ai découverte en lisant ses ultimes propos où, il convient de le préciser, l’auteur ne fait qu’effleurer les problèmes posés par l’islam comme doctrine. En revanche, il porte un regard lucide et même sévère sur la crise que connaît le monde arabo-musulman qui, d’après lui, « se laisse traverser par des valeurs creuses, des anaphores stériles et des postures mentales intenables ou contradictoires », ce qui le tient absent « de tous les débats fondamentaux qui concernent la planète ». Chebel ne voit qu’un seul remède à ce mal : « Pour que l’Arabe nouveau advienne, il faut d’abord qu’il se débarrasse de la haine qui l’étreint jusqu’au profond de son âme », estime-t-il.

Ce livre posthume révèle aussi la curiosité d’un voyageur épris de découvertes et de culture, aimant le passé chrétien du Maghreb et la beauté de Paris, touché par la nature (ses considérations sur le vent sont étonnantes), dont l’écriture pleine de charme révèle une profonde sensibilité. On le referme sur une méditation relative à l’exil, qui se clôt par ces mots testamentaires : « Je viens de Dieu et je reviens à Dieu. Je vais de Dieu à Dieu ».

 

Annie LAURENT