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Radio-Espérance, 29 avril 2015

 

Le cardinal Béchara Raï, patriarche de l’Eglise maronite, vient d’effectuer une visite importante à Paris. Le but principal de ce voyage était l’inauguration du siège de l’éparchie maronite. Celle-ci, qui est l’équivalent d’un diocèse, a été créée par le pape Benoît XVI en juillet 2012. Le Saint-Père répondait ainsi à une demande des fidèles de cette Eglise catholique orientale enracinée au Liban mais dont la diaspora ne cesse de s’étendre dans le monde entier. Le titulaire de l’éparchie, Mgr Nasser Gemayel, a la responsabilité pastorale des maronites de France mais aussi de ceux qui résident dans les autres pays d’Europe occidentale.

Les débuts n’ont pas été faciles pour Mgr Gemayel car il lui fallait trouver un lieu où établir son siège épiscopal. Il s’est finalement installé à Meudon, près de la capitale, dans un ancien couvent de religieuses augustines agrémenté d’un joli parc planté de cèdres. Un bâtiment prédestiné donc ! Quant à sa cathédrale, elle se trouve au cœur du Paris historique, à quelques mètres du Panthéon. Il s’agit de Notre-Dame du Liban, une ancienne et vaste église latine affectée au culte maronite depuis exactement cent ans. C’est là que le cardinal Raï a célébré, dimanche, une messe d’action de grâces.

Mais, compte tenu des crises que traverse le Proche-Orient, cette visite ne pouvait se limiter à son aspect pastoral. La politique était donc aussi au programme. Le patriarche a d’ailleurs achevé son séjour parisien par une rencontre avec le président François Hollande qui l’a reçu hier à l’Elysée. Dès son arrivée, samedi dernier, il avait prononcé à l’UNESCO une conférence sur le thème : « La présence chrétienne au Proche-Orient et son rôle dans la promotion de la culture de la paix ». C’est sur cet événement que je voudrais m’attarder aujourd’hui. L’orateur a d’abord rappelé l’ancienneté du christianisme dans les territoires de l’Orient méditerranéen, sans oublier l’Arabie qui était largement évangélisée au moment de la prédication de l’islam, au VIIème siècle. Voilà pourquoi, a souligné le patriarche Raï, « les chrétiens du Proche-Orient ne sont pas des individus épars, ni des groupes de minorités ethniques ou religieuses. Ils sont membres de l’Eglise universelle ».

Ces précisions sont importantes alors que les chrétiens de la région sont généralement présentés en Occident comme des minorités. Certes, ils le sont car leur nombre a considérablement baissé depuis quatorze siècles. Mais leur situation minoritaire actuelle ne correspond pas à un état de nature. En effet, contrairement à d’autres communautés religieuses proche-orientales, comme les druzes, les alaouites ou les yézidis, qui ne vivent que pour elles-mêmes, donc sans projet missionnaire, les chrétiens se savent investis d’une vocation : annoncer l’Evangile à toutes les nations, selon le commandement de Jésus-Christ. Cela passe par la diffusion de la culture chrétienne qui, selon le patriarche, repose sur quatre piliers : la vérité, la justice, l’amour et la liberté.

Ces réalités rendent indispensable la permanence de l’Eglise au Proche-Orient. Le cardinal Raï a mis l’accent sur le rôle spécifique – mais trop méconnu – que les chrétiens ont à jouer auprès des musulmans. Il s’agit de soutenir les modérés, afin d’empêcher qu’ils ne s’affaiblissent et que les intégristes emportent tout sur leur passage. A cet égard, il a jugé urgent de déployer des efforts pour que l’Islam, aujourd’hui en éruption violente, ne se sente pas marginalisé et pour qu’il n’entre pas en confrontation avec d’autres civilisations.

En conclusion, le patriarche a eu ce cri du cœur, je le cite : « Je viens porter ici la voix de ceux à qui on a ravi la voix. Je viens témoigner ici de l’immense et indicible douleur de ceux qu’on a persécutés pour leur foi, de ceux dont on a insulté l’identité au nom du Dieu de Miséricorde qu’osent invoquer d’impitoyables meurtriers. Engageons-nous ensemble pour rendre sa vocation originelle à la terre du Proche-Orient, d’où l’Evangile de la paix a été annoncé au monde ».

Au cours d’une réception à l’ambassade du Liban, le ministre des Affaires étrangères du pays du Cèdre, Gebrane Bassil, qui accompagnait le patriarche, a évoqué le calvaire vécu il y a un siècle par l’Arménie. Je le cite : « Nous ne sommes pas disposés à vivre ce qu’ont vécu les Arméniens car nous sommes actuellement menacés par le même danger d’éradication que le peuple arménien ».

Des paroles si éloquentes qu’elles se passent de commentaires ! Mais qui les entendra ?

 

Annie Laurent