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Tag Archive for: sunna

PFV n°50 : Etre imam en France

14 Mai 2017 / 0 Commentaires / dans Petite Feuille Verte/par Clarifier

 

Voir aussi PFV n°49 : L’identité de l’imam ICI

En France, le Conseil Français du Culte musulman (CFCM) est considéré comme l’instance officielle par l’Etat, même si sa représentativité est contestée par une partie non négligeable des musulmans, si bien que, dans la pratique, elle ne peut ni parler en leur nom à tous ni les engager tous.

Le chiisme est extrêmement minoritaire en France. Il existe une Association des Musulmans chiites de France, mais elle n’est pas intégrée au Conseil Français du Culte musulman (CFCM), institution qui ne concerne donc que l’islam sunnite.

1 – L’impossible unité

Les imams qui officient en France ne relèvent pas d’un statut unifié. Certains exercent cette fonction dans le cadre d’une responsabilité plus large. Tel est le cas des recteurs de mosquées dans les grandes villes ainsi que des aumôniers dans les prisons, l’armée et les hôpitaux, cette dernière fonction n’étant cependant pas coutumière en islam. D’autres conduisent la prière en plus de leur travail habituel ou parce qu’ils sont sans emploi, et enfin de manière occasionnelle.

Par ailleurs, l’absence de hiérarchie favorise l’éparpillement idéologique. Ainsi, l’Union des Organisations islamiques de France (UOIF, devenue Musulmans de France en avril 2017), s’inspire des Frères musulmans ; Foi et Pratique représente le Tablighi Jamaat (Association pour la prédication), mouvement prosélyte et littéraliste qui a beaucoup œuvré à la réislamisation des immigrés ; le salafisme se fonde sur le wahabisme, l’idéologie officielle de l’Arabie-Séoudite. Ces instances recrutent leurs propres imams et gèrent des dizaines de mosquées.

En outre, certaines mosquées et leurs imams dépendent de structures liées à leurs pays d’origine qui en assurent le financement : la Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris est « algérienne » ; le Rassemblement des Musulmans de France est « marocain » ; la Turquie dispose de deux Confédérations, Milli Görüs et le Comité de Coordination des Musulmans turcs de France.

Cette absence d’autonomie financière entretient la persistance d’une « gestion consulaire de l’islam » héritée de l’époque coloniale, constate Didier Leschi, ancien responsable du Bureau des cultes au ministère de l’Intérieur, auteur d’un livre récent et très lucide, Misère (s) de l’islam de France (éd. du Cerf, 2017, p. 141).

Il faut enfin compter avec les imams étrangers détachés par l’Algérie, le Maroc et la Turquie, qui séjournent en France pour une durée limitée, notamment durant le Ramadan. Ils seraient environ 300. La plupart d’entre eux ne parlant pas français prêchent dans leur propre langue, ce qui est aussi le cas d’imams résidents permanents. « Une grande partie des 2 500 imams de France ne sont pas francophones, ou pas suffisamment pour prêcher en français », reconnaît Tarik Abou Nour, imam en Ile-de-France (cité par La Croix, 21 avril 2017). En fait, moins d’un tiers seulement des imams ont la nationalité française.

  1. Leschi déplore également la défaillance des imams « qui donnent le sentiment de vivre de l’islam plutôt que pour l’islam», fuyant la réflexion doctrinale, se dérobant face à la violence, incapables de promouvoir un « islam social » et se réfugiant dans la victimisation ou le prétexte de « l’islamophobie » (op. cit., p. 73).

2 – Quelle formation ?

  1. Leschi écrit :  Nous le savons, à de rares exceptions près, les imams ont une formation qui globalement laisse à désirer » (op. cit., p. 127).

Il existe pourtant en France des établissements de formation privés. Le plus connu, l’Institut Européen des Sciences humaines, a été fondé en 1992 par l’UOIF. Installé à Saint-Léger de Fougeret, près de Château-Chinon (Nièvre), il est doté d’un internat, accueille toutes sortes d’étudiants, y compris des filles, et donc pas seulement de futurs imams. Il ne délivre d’ailleurs pas de diplômes d’habilitation pour cette fonction. Et tout se déroule dans un cadre strictement islamique (prières, port du voile pour les étudiantes). Les cours comprennent l’étude des textes fondateurs de l’islam, les écrits d’auteurs ayant inspiré les théories de l’islamisme mais pas ceux des auteurs militant pour la modernisation de la pensée. En 2005, l’Institut a ouvert à Saint-Denis, près de Paris, un second établissement portant le même nom.

En 1992, s’ouvrait aussi une Université islamique de France (en 1993, elle prit le nom d’Institut d’Etudes islamiques de Paris) fondée par Didier Ali Bourg, un Français devenu musulman. Mais celle-ci est fréquentée de manière irrégulière par des étudiants désirant seulement acquérir des connaissances de base sur leur religion.

Ces trois instituts se sont fixé pour objectif l’arabisation et la réislamisation de la jeunesse musulmane de France. Leur financement provient essentiellement des pétro-monarchies du golfe Persique. Auteur d’une étude approfondie sur le sujet, le chercheur Franck Frégosi note que ces deux instituts, « dans l’ensemble, ne font pas une place suffisante à des enseignements, à des disciplines non islamiques ou à des données relatives à la société environnantes » (« Les filières nationales de formation des imams en France », in F. Frégosi, La formation des cadres religieux musulmans en France, L’Harmattan, 1998, p. 101-139).

Il faut également tenir compte des formations non déclarées dispensées par des mosquées salafistes, lesquelles seraient au nombre de 148 (Le Figaro, 3 février 2016).

Enfin, une partie des imams officiant en France sont formés à l’étranger, par exemple à l’Université d’El-Azhar, au Caire, où, malgré l’ouverture affichée par son chef, A. El-Tayyeb, l’enseignement ne favorise pas l’innovation ; dans des instituts d’Arabie-Séoudite, où l’enseignement repose sur le wahabisme ; à l’Institut Mohammed VI de Rabat (Maroc).

3 – Vers des imams à la française ?

Didier Leschi souhaite « qu’apparaisse enfin en France une formation théologique de qualité plutôt que l’on continue à passer des accords diplomatiques pour s’en remettre à des institutions de l’étranger et omettre du même coup que, en la matière, le lieu est presque aussi important que le contenu. Comment ne pas saisir que le questionnement théologique est aussi tributaire de son inscription territoriale ? Qu’on ne se pose pas les mêmes questions quand on est formé à Rabat, Ankara ou Alger qu’à Paris ? […] Il s’agit tout autant que les imams soient instruits du culte qu’ils vont professer qu’imprégnés de la culture au sein de laquelle ils vont officier […]. Il y a urgence à mettre en place un centre de savoir musulman en France qui puisse être en relation aux savoirs universitaires et bénéficier d’eux et qui aurait vocation à délivrer à la fois des formations en sciences islamiques mais aussi en sciences humaines et sociales » (op. cit., p. 129-130). Sans cela, l’incertitude demeurera de savoir « quel est le missel de l’islam de France » (p. 147).

La Charte de l’imam

            Selon le CFCM, la Charte de l’imam, promulguée en mars 2017 (cf. supra), « traduit la volonté des imams de France de proclamer avec solennité les principes et les valeurs qui les animent ». Parmi les douze principes composant le texte, outre l’aptitude au dialogue interreligieux (art. 6) et l’amour de la patrie (art. 8), on trouve « l’attachement profond aux valeurs universelles qui fondent notre république ainsi que l’attachement au principe de laïcité garant de la liberté de conscience et du respect de la diversité des convictions et des pratiques religieuses » (art. 4), et l’impossibilité d’invoquer Dieu « pour justifier la haine et semer la terreur » (art. 7).

Il reste que plusieurs de ces principes sont contredits par l’enseignement du Coran et de la Sunna, lesquels ne peuvent être supprimés à cause de leur caution « divine » et « prophétique ».

L’islam du juste milieu

L’article 2 mérite une mise au point. Il stipule : « L’imam veille à porter et à prêcher un islam ouvert et tolérant, un islam du juste milieu ». L’expression « islam du juste milieu » revient souvent dans le discours des responsables musulmans. Au Maroc, elle fait même partie du vocabulaire officiel. Cette formule est empruntée au Coran où Allah dit aux musulmans : « Aussi avons-nous fait de vous une Communauté de juste milieu » (2, 143, traduction du cheikh Hamza Boubakeur, ancien recteur de la Mosquée de Paris). D’autres traducteurs écrivent : « une Communauté éloignée des extrêmes » (Denise Masson et Régis Blachère) ou : « une Communauté de justes » (éd. El-Bouraq, Beyrouth).

A première vue, il s’agit là d’une invitation à la modération. Mais il convient de noter que ce verset se situe dans le contexte d’une polémique religieuse avec les juifs et les chrétiens, accusés d’exagérations dans leurs croyances. Ce qui justifie la position de Haoues Seniguer, professeur à Sciences-Po Lyon, critiquant son emploi dans la Charte de l’imam : « C’est une expression un peu fourre-tout, dont on ne sait quelles réalités elle recouvre, et dont tout le monde se réclame, même les milieux radicaux ». Pour lui, ce document « est avant tout un signal envoyé à l’Etat et aux non-musulmans » (La Croix, 31 mars 2017).

Quoi qu’il en soit, plusieurs fédérations ont refusé d’adhérer à cette Charte : la Grande Mosquée de Paris, l’UOIF, Milli Görüs, le Comité de Coordination des Musulmans turcs de France, ainsi que l’association Foi et Pratique.

Le Conseil théologique

Réagissant à ces oppositions, Anouar Kbibech, président du CFCM, a reconnu les insuffisances de la situation actuelle concernant l’aptitude des imams à exercer leurs fonctions en France :

 Nous souhaitons être en mesure de vérifier leur formation théologique, mais aussi leur formation civile et civique, et ceci fait encore débat entre nous » (La Croix, 31 mars 2017).

Tel était l’un des objectifs du « Conseil théologique » dont il avait suscité la création sous le parrainage du CFCM, en mai 2016.

 Il est souhaitable d’élaborer une position collégiale et commune sur le plan théologique entre les différentes composantes de l’islam en France », indiquait le communiqué annonçant cette création (Le Figaro, 13 mai 2016).

Sa mission est « d’engager la réflexion et l’effort intellectuel sur la contextualisation de la pratique religieuse en France » et de préparer « un contre-discours basé sur un argumentaire théologique solide, en réponse aux discours véhiculés par certains et qui circulent sur les réseaux sociaux, notamment auprès des jeunes ». Ce « Conseil théologique », tout en disant vouloir respecter la diversité de l’islam de France, envisageait aussi l’instauration d’une « certification des imams » afin de remédier au fléau des imams auto-proclamés et de rassurer les pouvoirs publics.

Mais cette initiative a été rejetée par l’un des présidents d’honneur du CFCM, Mohammed Moussaoui, fondateur de l’Union des Mosquées de France, d’obédience marocaine. Cette dernière gèrera l’antenne de l’Institut Mohamed VI (Rabat) dont l’ouverture est annoncée pour 2018.

QUELLE SOLUTION ?

   Voici les conseils d’un juriste libanais sunnite, Mohamed Nokkari, qui enseigne à Beyrouth et à Strasbourg :

 Il est urgent de fermer tous les instituts salafistes présents en France ainsi que les mosquées abritant leurs partisans. Nous devons faire pression sur les pays qui abritent ces universités et interdire aux Européens de s’y rendre. D’un côté nous combattons le terrorisme mais de l’autre les jeunes sont influencés par leurs enseignements. Que seuls les imams diplômés de certaines universités soient autorisés à prêcher dans les mosquées de France ! L’Etat français doit dissoudre les organismes musulmans de France et les rassembler en un seul et unique organe religieux et nommer à sa tête quelqu’un de reconnu. Le Concordat qui a cours encore en Alsace et en Lorraine doit être étendu à l’ensemble du territoire. L’Etat doit intervenir et imposer ses structures car l’islam de France est trop divisé et ne peut plus s’organiser. Les musulmans de France peuvent accepter cela car c’est dans la mentalité musulmane que l’Etat puisse intervenir dans la sphère religieuse. Cela sera possible si l’Etat nomme quelqu’un de très ouvert et ayant fait de solides études religieuses. Cela a déjà été le cas au Liban à l’époque du mandat français » (Site Aleteia, 20 novembre 2015).

Un consistoire islamique pourrait répondre à ces exigences. Il devrait être dirigé par une personnalité musulmane de confiance, capable d’imposer l’adhésion de tous les cadres religieux aux principes communs fondateurs de la civilisation européenne ainsi que l’obligation de prêcher en français. Ce faisant, l’Etat s’autoriserait certes à contrôler le contenu d’enseignements doctrinaux, ce qui n’est pas conforme à la laïcité. Mais, à défaut, le problème des imams demeurera insoluble.

Seule une réelle volonté politique pourrait entreprendre ce chantier.

 

Annie Laurent

alaurent@associationclarifier.fr

PFV n°45 : De la charia au droit islamique

08 Nov 2016 / 0 Commentaires / dans Petite Feuille Verte/par Clarifier

 

 

I – LES SOURCES CANONIQUES

L’islam reconnaît deux sources considérées comme d’origine divine.

1°/ Le Coran

Contrairement à une idée répandue, le Coran n’édicte pas la totalité de la Loi à suivre. Les versets normatifs sont même minoritaires dans l’ensemble du texte. On n’en dénombre qu’environ 500 sur un total de 6 236.

Ces versets concernent surtout le culte, le mariage, le droit familial et successoral, certaines prescriptions pénales, le statut juridique à appliquer aux ressortissants non-musulmans (la dhimmitude) ainsi que les comportements à observer en cas de guerre ou dans le cadre du talion. Il y en a de très explicites, notamment en matière matrimoniale, mais d’autres, trop allusifs, ont besoin d’être complétés ou précisés, tandis que certaines situations ne sont pas prévues.

Exemples de prescriptions explicites.

En matière pénale

  • Adultère : « Frappez la débauchée et le débauché de cent coups de fouet chacun.» (24, 2) ;
  • Fausse dénonciation d’adultère : « Frappez de quatre-vingt coups de fouet ceux qui accusent les femmes honnêtes, sans pouvoir désigner quatre témoins.» (24, 4) ;
  • Vol : « Tranchez les mains du voleur et de la voleuse : ce sera une rétribution pour ce qu’ils auront commis et un châtiment de Dieu. » (5, 38).

En matière matrimoniale et de droits des femmes

  • Permission polygamique : « Epousez les femmes qui vous plaisent, deux, trois ou quatre, mais si vous craignez de n’être pas équitables envers celles-ci, alors une seule, ou les esclaves que vous possédez. » (4, 3). La polyandrie (mariage d’une femme avec deux ou plusieurs hommes) est évidemment absente de la loi islamique.
  • Répudiation : « Les femmes répudiées ont droit à une pension convenable : la leur assurer est un devoir pour ceux qui craignent Dieu » (2, 241) ; « Si un homme répudie sa femme, elle n’est plus licite pour lui tant qu’elle n’aura pas été mariée à un autre époux. » (2, 230). Ici aussi, le Coran favorise l’homme, la séparation étant toujours à son initiative.
  • Empêchement matrimonial : « Ne mariez pas vos filles à des polythéistes [les païens]-associateurs [les chrétiens] avant qu’ils croient.» (2, 221). Cette prescription oblige les maris non musulmans à se déclarer musulmans. Cf. PFV n° 23-24-25 – Les mariages islamo-chrétiens.
  • Héritage : « Dieu vous ordonne d’attribuer au garçon une part égale à celle de deux filles.» (4, 11) ;
  • Témoignage en justice : « Demandez le témoignage de deux témoins parmi vos hommes. Si vous ne trouvez pas deux hommes, choisissez un homme et deux femmes parmi ceux que vous agréez comme témoins. Si l’une des deux femmes se trompe, l’autre lui rappellera ce qu’elle aura oublié. » (2, 282).

Autres matières

  • Interdits alimentaires : « Dieu vous a seulement interdit la bête morte, le sang, la viande de porc et tout animal sur lequel on aura invoqué un autre nom que celui de Dieu. » (2, 173).
  • Autres interdits : « Le vin, les jeux de hasard et le sort par les flèches ne sont qu’une abomination et l’œuvre de Satan. Tenez-vous en à l’écart. » (5, 90).
  • Accès aux lieux saints : « Ô vous qui croyez ! Les polythéistes ne sont qu’impureté ; ils ne s’approcheront donc plus de la Mosquée sacrée [La Mecque]. » (9, 28). Cela vaut aussi pour les juifs et les chrétiens.
  • Talion : « Ô vous qui croyez ! La loi du talion vous est prescrite en cas de meurtre : l’homme libre pour l’homme libre ; l’esclave pour l’esclave ; la femme pour la femme » (2, 178). L’Islam autorise la vengeance privée, ce qui peut se traduire par les « crimes d’honneur ».
  • Usure : « Ceux qui se nourrissent de l’usure ne se dresseront, au Jour du Jugement, que comme se dresse celui que le Démon a violemment frappé. Il en sera ainsi parce qu’ils disent : “La vente est semblable à l’usure”. Mais Dieu a permis la vente et il a interdit l’usure. » (2, 275). Cette prescription est certes plus proche de la mentalité occidentale.

Sur l’ensemble des prescriptions, cf. Anne-Marie Delcambre, L’Islam des interdits, Desclée de Brouwer, 2003 ; Jean-Paul Roux, Les Ordres d’Allah, Desclée de Brouwer, 2006.

2°/ La Sunna

Le Dieu du Coran n’ayant pas tout prévu dans l’ordre législatif, Il délègue une partie de son pouvoir à Mahomet, « le beau modèle » (33, 21).

« Ceux qui obéissent au Prophète obéissent à Dieu » (4, 80). De cet enseignement découlent la valeur et l’autorité de Mahomet, dont le comportement et les avis en toutes circonstances sont dignes d’inspirer des lois. Lui-même a fait de sa conduite une norme obligatoire, selon des propos rapportés par ses compagnons : « Celui qui délaisse ma sunna, celui-là ne fait plus partie de ma communauté » (Dictionnaire du Coran, op. cit., p. 850 ; cf. supra PFV n° 44) ; « Heureux l’homme qui entend mes paroles, les retient, les garde et les transmet » (cité par Roger Arnaldez, L’Islam, Desclée/Novalis, 1988, p. 36).

Le mot Sunna signifie Tradition ou Coutume (prophétique). Très tôt, confrontés aux lacunes du Coran en matière législative, les juristes musulmans ont puisé dans la Sunna, laquelle est donc devenue la deuxième source de la charia. En ce domaine, la Sunna a un rang équivalent à celui du Coran.

Formation de la Sunna

La Sunna est formalisée à partir des hadîth-s. Ce mot renvoie aux actes et aux paroles, voire aux silences, attribués à Mahomet ; ils ont été consignés sous forme de récits relatant les circonstances dans lesquelles le prophète de l’Islam s’est comporté de telle ou telle manière. Les hadîth-s ont été recueillis par ses compagnons qui les ont communiqués à d’autres musulmans, lesquels ont à leur tour fait de même. Ainsi s’est constituée une « chaîne de transmetteurs » (isnâd) et la collecte s’est étendue sur plusieurs générations.

Mais, un rapporteur indiquant : « J’ai entendu le Prophète dire que… » est plus crédible que celui qui affirme : « Le Prophète a dit… ». Aussi, à cause des incertitudes quant à l’origine de certains récits (s’agissait-il de prescriptions coraniques, donc réputées dictées par Dieu mais non répertoriées comme telles, ou de propos réellement tenus par Mahomet ?), ou à cause des doutes concernant l’authenticité de certains autres, doutes accrus par la présence de contradictions dans les récits ou la découverte de faussaires, les juristes musulmans ont dû faire un tri et opérer un classement hiérarchique. Il y a les hadîth-s saints, bons, faibles et malades. Ainsi est née la « science du Hadîth ».

Les hadîth-s, qui sont des milliers, ont été rassemblés dans de volumineux recueils. Six d’entre eux sont canoniques et, parmi ceux-ci, deux jouissent d’un degré supérieur de fiabilité : Bukhâri (810-870) et Muslim (817-875).

Le chiisme, en particulier le duodécimain en vigueur en Iran, intègre dans sa Sunna la tradition des douze imams « infaillibles » qui se sont succédés dans la filiation du quatrième calife, Ali, cousin et gendre de Mahomet (cf. PFV n° 13 – Dissidences au sein de l’Islam).

Ainsi, la Sunna complète ce qui manque au Coran dans l’ordre législatif.

L’apostasie

Un cas important concerne l’apostasie. A un musulman accusé de ce crime (ridda) pour avoir renoncé publiquement à l’Islam et choisi l’athéisme ou une autre religion, ou pour avoir proféré des propos ou commis des actes considérés comme blasphématoires ou impies, le Coran annonce le châtiment éternel. « Ceux qui, parmi vous, s’écartent de leur religion et qui meurent incrédules ; voilà ceux dont les actions seront vaines en ce monde et dans la vie future ; voilà ceux qui seront les hôtes du Feu ; ils y demeureront immortels » (2, 217). Cf. aussi 16, 106.

Aucune peine temporelle n’est donc prévue. Mais celle-ci existe ; elle se fonde sur une prescription émise par Mahomet – « Celui qui quitte la religion [l’Islam], tuez-le » – que l’on trouve donc dans la Sunna. Même si la loi d’un Etat musulman ne prescrit aucune sanction pour ce crime, n’importe quel juge, et jusqu’à la famille du « coupable », a le droit de se référer à la charia (Coran et Sunna), qui est toujours réputée supérieure aux autres lois.

Un exemple célèbre est celui de Joseph Fadelle, chiite irakien converti au christianisme sous le régime de Saddam Hussein. La loi alors en vigueur en Irak ne prévoyait pas la peine de mort pour apostasie mais sa famille s’est elle-même chargée de « rendre la justice » en cherchant à l’assassiner (cf. J. Fadelle, Le prix à payer, Pocket, 2012).

L’héritage de Mahomet

Dans son dernier discours, un hadîth rapporte cette phrase de Mahomet à ses compagnons : « Je laisse parmi vous le Livre de Dieu et la Sunna de son Prophète : grâce à quoi, si vous y êtes fidèles, vous éviterez à jamais de vous égarer » (cité par Ali Merad, La tradition musulmane, Que sais-je ?, PUF, 2001, p. 98).

La Sunna revêt donc une importance considérable et toujours actuelle. « A côté du Coran, la Sunna n’est pas un ensemble de références poussiéreuses que l’on trouverait seulement dans les anciens ouvrages. Au contraire, les prédicateurs modernes les plus en vue en usent et en abusent dans leurs prêches influents dans les mosquées, à la télévision ou sur Internet. » (Viviane Liati, De l’usage du Coran, Mille et une nuits, 2004, p. 17).

II – LA MISE EN PLACE DU DROIT

Le Coran et la Sunna constituent les socles sur lesquels reposent le droit et la jurisprudence islamiques (fiqh). Toutefois, leur examen ne suffisant pas à répondre à tous les problèmes posés par la fixation du droit, en particulier à cause de certaines contradictions contenues dans ces deux sources canoniques, des savants musulmans ont conçu plusieurs techniques d’interprétation. Les principales sont le consensus (ijmâ), l’interprétation personnelle (ra’y), le raisonnement par analogie (qiyâs), l’intérêt commun (istislâh) et l’interprétation littéraliste (zahir). Celles-ci n’ont cependant pas de portée générale car leur application varie selon les lieux, les époques et les régimes.

 

Cette élaboration s’est produite dans un climat de vives tensions et controverses, aggravées par la fermeture de « la porte de l’ijtihâd » (effort d’interprétation reposant sur le libre-arbitre et l’innovation) décidée au XIème siècle par le calife Qadir (997-1031). Cf. PFV n° 37-38 – A propos du Coran et de Mahomet.

Les écoles juridiques

De ces débats sont nées, au sein du sunnisme, quatre écoles juridiques dont les noms s’inspirent de leurs fondateurs, tous originaires de pays arabes. Constituées entre le VIIIème et le IXème siècles, ces écoles privilégient un ou plusieurs des principes énumérés plus haut ; elles se répartissent l’aire islamique mondiale.

L’école hanéfite (de l’imam Abou Hanifa, mort en 767), la plus libérale dans l’interprétation de la charia, est présente en Turquie, en Asie centrale, en Inde et en Chine ; l’école malékite (de l’imam Malik, mort en 795), qui insiste sur l’utilité générale, domine au Maghreb et dans une partie de l’Afrique ; l’école chaféite (de l’imam Chaféi, mort en 855), s’applique en Syrie, en Egypte, en Malaisie et en Indonésie, recourt au raisonnement analogique ; l’école hanbalite (de l’imam Ibn Hanbal, mort en 855), localisée en Arabie, est la plus littéraliste, elle se confond avec l’idéologie du wahabisme et inspire les djihadistes d’El-Qaïda et les mouvements qui lui sont affiliés.

Pour sa part, l’Etat islamique (Daech) se réfère au zahirisme (interprétation littéraliste), doctrine élaborée au IXème siècle en Mésopotamie par Daoud El-Ifsahani (sunnite) qui refusait le recours à toute autre source que le Coran et la Sunna. Au XIème siècle, Ibn Hazm (994-1063), né à Cordoue alors sous domination musulmane, publia un traité de fiqh dans lequel il rejetait les apports proposés par les écoles reconnues : « Il est absolument impossible qu’il y ait des cas pour lesquels il n’existerait aucune référence normative correspondante à travers les données scripturaires (Coran et Sunna) » (cité par Ali Merad, op. cit., p. 100).

Les pays dont le chiisme est religion d’Etat, notamment l’Iran, ont leurs propres écoles : le jafarisme, de l’imam Jaafar El-Sadiq (700-765), et le zaydisme, du juriste Zayd ibn Ali (mort en 740).

Absence de codification

Les écoles juridiques se sont imposées, mais la charia n’a jamais été unifiée et codifiée.

« Chaque école produit des manuels juridiques, sur lesquels s’appuieront les cadis (juges) pour rendre leurs jugements. Ces manuels consistent en compilations et en commentaires de cas, parmi lesquels les juges vont rechercher celui ou ceux qui sont les plus proches du litige qui leur est soumis (…). Ce dispositif dispense en principe de s’engager dans la voie jugée périlleuse d’un ijtihâd libre (…). Les manuels ne légifèrent ni ne codifient. D’où ce trait premier de la démarche juridique islamique, la casuistique, qui est antinomique avec la codification et la constitution de la charia comme droit, au sens d’un corpus de normes fixes et bien identifiées » (Nathalie Bernard-Maugiron et Jean-Philippe Bras, La charia, Dalloz, 2015, p. 26).

POUR CONCLURE

Ce processus complexe a produit un immense pluralisme juridique. Le terme « charia » est donc un concept générique et complexe, comprenant de nombreuses divergences, situation que l’usage simplificateur actuel du mot ne saurait restituer et bien déroutante pour l’esprit rationnel.

L’ijtihâd (cf. supra), interdit à partir du XIème siècle, a eu pour effet de figer le droit défini par chacune de ces écoles dans un cadre historique et culturel donné. Le monde chiite a échappé à cette fermeture, ce qui peut expliquer sa plus grande capacité d’adaptation que le monde sunnite.

La fossilisation du droit musulman depuis cette période est largement responsable du retard des sociétés sunnites, surtout arabes, qui n’ont pas su ou pu anticiper les évolutions techniques et sociales des temps modernes. Les fausses promesses suscitées par les « printemps arabes » en sont l’illustration.

Annie Laurent

PFV n°37-38 : Statut du Coran et Mahomet le « beau modèle »

23 Fév 2016 / 0 Commentaires / dans Petite Feuille Verte/par Clarifier

 

 

Voir aussi ICI PFV n°47 : Mahomet ou Mohamed?

Depuis quelques mois, les médias se font l’écho de prises de position de musulmans exaspérés par le déni de réalité de leurs représentants face aux violences qui se commettent au nom de l’islam. Les auteurs de ces textes mettent en cause l’islam lui-même dans lequel ils voient la cause de tous les autres maux (absence de créativité, mépris de la femme, entraves aux libertés fondamentales, etc.) qui affectent le monde musulman, surtout arabe. Pour comprendre les blocages qui empêchent toute évolution de la pensée et de la pratique en islam, il faut prendre en considération le statut spécifique des Ecritures sacrées musulmanes. Tel est le but de ces deux Petites Feuilles vertes (n° 37 et 38) qui reprennent un article d’Annie Laurent publié dans le cadre d’un dossier comparatif sur la force et la violence dans le christianisme et dans l’islam, paru dans la revue Sedes Sapientiae n° 134 (décembre 2015) *.

* Cette revue trimestrielle a été créée par le Père Louis-Marie de Blignières, fondateur de la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier. Elle est éditée par la Société Saint-Thomas d’Aquin – 53340 Chémeré-le-Roi. Courriel : sedes@chemere.org

 


 

PFV n° 37 : LE STATUT DU CORAN

La référence principale sur laquelle les musulmans s’appuient pour ce qui concerne leurs croyances religieuses, leurs lois et l’élaboration de leur droit (charia et fiqh), l’organisation de leur société et leurs agissements dans le monde, est le Coran.

1 – QU’EST-CE QUE LE CORAN ?

Pour les musulmans, le Coran (« Récitation ») est la Parole de Dieu (« Kalâm Allah ») matérialisée en un Livre (« Kitâb Allah ») que le Créateur a fait descendre vers les hommes au moyen d’une double médiation, l’ange Gabriel et Mahomet. Ce dernier s’est d’abord fait connaître comme le « Transmetteur » avant d’être proclamé « Sceau des prophètes » (33, 40). Il s’est contenté de réciter à ses compagnons une dictée venue d’en-Haut pendant une période de vingt-deux ans, d’abord à La Mecque (de 610 à 622) puis à Médine (de 622 à 632).

Dans sa forme matérielle, le Coran est la copie conforme d’un original, la « Mère du Livre » (Oum el-Kitâb), conservée auprès de Dieu de toute éternité (13, 39). Il s’agit d’un texte coéternel et consubstantiel à Dieu, donc préexistant à l’histoire. Contrairement à la Bible, qui se présente comme un recueil d’œuvres écrites par des hommes sous la motion de l’Esprit Saint (doctrine de l’inspiration), la créature humaine n’a joué aucun rôle dans l’élaboration et la rédaction du Coran. C’est sans doute pour accréditer cette croyance que Mahomet est réputé analphabète chez les musulmans. Les recherches récentes montrent cependant qu’il savait écrire (Cf. Alfred-Louis de Prémare, Aux origines du Coran, éd. Téraèdre, 2004, p. 65).

Quant à la langue arabe, dans laquelle le Livre est écrit, elle provient d’un choix délibéré de Dieu Lui-même, qui annonce un « Coran arabe » (41, 2-3 ; 43, 3). Si bien que, « pour la tradition musulmane, la lettre et le contenu sont indissociables et tous deux font partie intégrante de la Révélation », raison pour laquelle la prière rituelle, composée surtout de versets coraniques, n’est valide que si elle est dite en arabe, sous peine d’altération de la Parole de Dieu (Michel Cuypers et Geneviève Gobillot, Idées reçues sur le Coran, entre tradition islamique et lecture moderne, éd. Le Cavalier bleu, 2014, p. 40-41).

On voit ici la différence avec le latin, le syriaque, le copte, l’arménien ou le grec liturgiques chez les chrétiens. Ces langues expriment le sacré mais elles ne sont pas « langues de Dieu ». L’arabité du Coran pose par ailleurs le problème de la licéité des traductions. Longtemps interdit, cet exercice est aujourd’hui autorisé afin de répondre aux besoins de la propagation de l’islam auprès des non-arabisants, mais on recourt alors à des euphémismes : c’est le « sens des versets » que l’on traduit et non les mots eux-mêmes.

Sur le fond, la « Révélation » coranique se présente comme le « Rappel » d’un « pacte primordial » (mîthâq) qui remonte aux origines lorsqu’Adam et ses descendants attestèrent de la suzeraineté de Dieu sur les hommes (7, 172-173). L’islam est donc la religion que le Créateur a conçue pour l’homme parce qu’elle est la mieux adaptée à sa nature et à sa condition. L’existence d’autres religions est dès lors aberrante et constitue autant de détournements du projet divin. Le Coran vise surtout les Écritures saintes des juifs et des chrétiens ; il prétend abroger et corriger les erreurs qui auraient été introduites dans la Torah et l’Évangile (5, 15) sous l’influence de Satan (22, 52). Mais, grâce à une protection spéciale dont les prophètes antérieurs n’ont pas bénéficié, Mahomet a échappé aux tentations démoniaques, transmettant ainsi un Coran intègre, Livre qui jouit de l’inimitabilité miraculeuse et ne peut être ni altéré ni falsifié (5, 48 ; 10, 38 ; 11, 13 ; 17, 88).

2 – LE CORAN INCRÉÉ

Tous ces traits confèrent au Livre saint de l’islam une autorité souveraine, englobante et contraignante. Ils sont récapitulés dans le dogme du Coran « incréé », qui s’est imposé au terme de discussions doctrinales et de violences ayant agité l’Oumma (la Communauté des musulmans) à partir du IXème siècle, dans les débuts de la dynastie abbasside établie à Bagdad. Un courant de pensée rationalisant, appelé motazilite (du mot arabe motazil = « qui s’isole »), considérait le Coran comme le vecteur créé de la Révélation de Dieu, ce qui laissait la place au libre-arbitre, à la raison et à la responsabilité du croyant. Le calife Mamoun (813-833), personnalité éclairée, chercha à imposer par la contrainte cette doctrine qu’il soutenait lui-même, mais il se heurta à de vives résistances dont tinrent compte ses successeurs. Et l’un d’eux, Moutawakkil (847-861), décréta le motazilisme hors-la-loi, initiative qui préluda à la « fermeture de la porte de l’ijtihad » (interprétation innovatrice) décidée par le calife Qadir (997-1031).

Depuis lors, en dépit des nombreux commentaires dont il a fait l’objet – cet exercice est largement admis -, le Coran échappe à toute analyse critique, et ceci malgré les efforts de penseurs contemporains qui militent pour un aggiornamento, certains d’entre eux considérant que la « divinité » même du Livre ne devrait plus être un obstacle ; autrement dit, qu’il ne devrait plus échapper aux traitements exégétiques et au recours à toutes les sciences disponibles, à l’instar de ce qui est pratiqué sur la Bible dans l’Église catholique (Cf. Abdelwahab Meddeb, Face à l’islam, éd. Textuel, 2004 ; Pari de civilisation, Seuil, 2009).

La position traditionnelle a été réaffirmée récemment par Ahmed El-Tayyeb, l’actuel grand imam d’El-Azhar, institution égyptienne qui jouit d’une large audience dans le monde sunnite. « La lecture historique ne peut s’accorder à l’esprit du Coran qui est un texte divin, absolu, valable pour tous les temps et tous les lieux » (Entretien au journal Le Temps, Genève, 22 janvier 2011).


 

PFV n° 38:

MAHOMET, LE « BEAU MODÈLE »

Malgré la « perfection divine » qui est reconnue au Coran, les musulmans n’y trouvent pas toujours des réponses précises à toutes les questions qui se présentent dans leur vie personnelle et communautaire. Ils disposent alors du complément fourni par la Sunna (Tradition « prophétique »), laquelle, dans l’ordre du sacré, est inséparable du Coran en raison de la prééminence de Mahomet dans l’islam. Les musulmans ont aussi à leur disposition la Sîra (« manières d’agir »), qui tient lieu de biographie officielle de Mahomet.

1- LA SUNNA

Ce terme s’applique aux paroles et aux actes, voire aux silences et aux regards, attribués à Mahomet en telle ou telle circonstance. Ils ont été rapportés par ses compagnons et sa famille, notamment ses épouses. Les milliers de récits qui en résultent sont les hadîth-s. Ils ont commencé à être collectés un siècle après la mort de Mahomet (632), avec mention du nom des témoins directs ou de ceux à qui ils ont été transmis oralement (les « chaînes de transmetteurs »), selon un processus qui s’est étalé durant plusieurs générations. Sur les six recueils canoniques de hadîth-s ainsi composés, deux jouissent d’une crédibilité supérieure aux autres : ce sont les hadîth-s sahîh (« authentiques ») de Boukhâri (810-870) et de Mouslim (817-875). Et parmi eux, il faut encore distinguer les hadîth-s qudsî (« saints »), équivalant à des dictées divines.

Inséparable du Coran, la Sunna lui apporte les compléments nécessaires à sa correcte compréhension, à la pratique cultuelle et à la mise en œuvre de la charia. Il arrive même qu’elle l’emporte sur l’autorité du texte coranique ou qu’elle pallie une lacune de ce dernier. Ainsi, la codification des cinq prières quotidiennes se trouve dans la Sunna et non dans le Coran. Il en va de même de la sanction pénale réservée à l’apostat, qui se fonde sur une sentence attribuée à Mahomet : « Celui qui quitte la religion, tuez-le ».

Le statut privilégié de la Sunna résulte de préceptes coraniques : « Obéir au Prophète, c’est obéir à Dieu » (4, 80), car Mahomet est « le beau modèle » (33, 21). Le prophète de l’islam lui-même a fait de sa conduite une norme obligatoire, selon un propos rapporté par ses compagnons : « Celui qui délaisse ma sunna, celui-là ne fait plus partie de ma communauté » (Cité par Asma Hilali, Dictionnaire du Coran, éd. Robert Laffont, 2007, p. 850).

2 – LA SÎRA

Sous le titre générique de Sîra sont rassemblées des « Chroniques du Prophète » issues de récits édifiants racontés par ses contemporains. La plus ancienne Sîra a été composée par Ibn Ishâq (m. 767). Remaniée ensuite par Ibn Hichâm (m. 834), elle est aujourd’hui encore réputée comme véridique dans l’islam. On notera que les expéditions militaires de Mahomet y tiennent une place importante. La Sîra est comme un guide : elle offre aux musulmans un réservoir de gestes à méditer et d’exemples à suivre.

CONCLUSION

Nonobstant les thèmes inoffensifs qu’ils contiennent, ces textes sacrés (Coran, Sunna, Sîra) justifient au nom de Dieu toutes formes de violence et de comportements considérés comme immoraux au regard de l’enseignement du christianisme. Appliqués à la lettre, ces passages sont susceptibles de mettre en péril la paix du monde, de briser l’harmonie des sociétés et de porter gravement atteinte à la dignité des personnes.

C’est ce que dénonçait de son vivant l’intellectuel français d’origine tunisienne, Abdelwahab Meddeb (m. 2014), lorsqu’il écrivait : « Je le répète encore une fois : le Coran porte dans sa lettre la violence, l’appel à la guerre. La recommandation de tuer les ennemis et les récalcitrants n’est pas une invention malveillante, elle est dans le texte même du Coran » (Face à l’islam, éd. Textuel, 2004, p. 145-146).

Devant ces évidences, un certain nombre de musulmans, y compris parmi les plus savants ou parmi ceux qui exercent des responsabilités importantes dans les domaines de la religion ou du droit, nient la légitimité de la violence ou sa conformité avec les textes sacrés dont ils connaissent évidemment le contenu. A chaque excès commis en référence au Coran ou à la Sunna, ils s’empressent de répéter que l’islam est une religion « de paix, de tolérance et d’amour ». Comment comprendre de telles attitudes si opposées à la réalité ? Certains de ces musulmans recourent sans doute à une forme de taqiya (dissimulation), attitude reconnue conforme à la religion, d’autant plus qu’elle a un fondement coranique (cf. Petite Feuille verte n° 33 – novembre 2015).

Dans l’appréhension de ce phénomène, il faut cependant tenir compte de ceux qui, dans l’islam, optent pour une pratique paisible de leur religion. On pense d’abord aux adeptes du soufisme, mouvement marginal et souvent combattu pour s’être éloigné de l’islam orthodoxe. Orientés vers une conception et une pratique mystiques de l’islam, les soufis répugnent en principe à la violence de type djihad belliqueux mais le caractère initiatique ou ésotérique de leurs confréries, où l’exaltation est promue, ne les met pas forcément à l’abri d’un certain fanatisme religieux.

Restent enfin les musulmans sincères qui, en conscience, déniant toute légitimité sacrée à la violence, fabriquent « leur » islam sans trop se poser de questions sur leurs Écritures sacrées. Il est difficile de mettre leur bonne foi en doute. Mais force est de constater que leurs bonnes dispositions sont jusqu’à présent demeurées impuissantes à s’imposer à l’Oumma.

Hormis quelques épisodes historiques éphémères ou des exemples individuels, rien ne pourra changer dans le rapport du monde musulman avec le reste de l’humanité tant que persisteront les dogmes du Coran incréé et de l’exemplarité de Mahomet, qui empêchent par là même la possibilité d’un magistère humain authentique, fondé sur l’autonomie de la raison et soucieux de libérer les musulmans de leur enfermement.

Annie Laurent

Déléguée générale de CLARIFIER

alaurent@associationclarifier.fr

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