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Tag Archive for: chiisme

Henri de Saint-Bon : L’islam éclaté

19 Nov 2016 / 0 Commentaires / dans Bibliothèque/par Clarifier

 

Interview ICI

Cet ouvrage vous permettra de mieux saisir :

– ce qui différencie fondamentalement le chiisme du sunnisme et pourquoi cette haine ancestrale entre les sunnites et les chiites ;

– en quoi les stratégies d’Al-Qaïda et de l’Etat Islamique sont opposées ;

– le pourquoi des interrogations sur l’appartenance ou non à l’islam des alaouites et des druzes, et quels sont les croyances et rites de ces communautés ;

– qui sont vraiment les salafs dont se réclament les salafistes ;

– que représente pour les chiites la fête de l’Achoura au cours de laquelle ils s’auto-flagellent cruellement ;

– quelle est la position de la Turquie dans le contexte moyen-oriental actuel ;

– quels sont les théoriciens de toutes ces branches et ramifications de l’islam ;

Ce livre est pédagogique et clair. C’est un livre de base dans toute bonne bibliothèque.

 

PFV n°45 : De la charia au droit islamique

08 Nov 2016 / 0 Commentaires / dans Petite Feuille Verte/par Clarifier

 

 

I – LES SOURCES CANONIQUES

L’islam reconnaît deux sources considérées comme d’origine divine.

1°/ Le Coran

Contrairement à une idée répandue, le Coran n’édicte pas la totalité de la Loi à suivre. Les versets normatifs sont même minoritaires dans l’ensemble du texte. On n’en dénombre qu’environ 500 sur un total de 6 236.

Ces versets concernent surtout le culte, le mariage, le droit familial et successoral, certaines prescriptions pénales, le statut juridique à appliquer aux ressortissants non-musulmans (la dhimmitude) ainsi que les comportements à observer en cas de guerre ou dans le cadre du talion. Il y en a de très explicites, notamment en matière matrimoniale, mais d’autres, trop allusifs, ont besoin d’être complétés ou précisés, tandis que certaines situations ne sont pas prévues.

Exemples de prescriptions explicites.

En matière pénale

  • Adultère : « Frappez la débauchée et le débauché de cent coups de fouet chacun.» (24, 2) ;
  • Fausse dénonciation d’adultère : « Frappez de quatre-vingt coups de fouet ceux qui accusent les femmes honnêtes, sans pouvoir désigner quatre témoins.» (24, 4) ;
  • Vol : « Tranchez les mains du voleur et de la voleuse : ce sera une rétribution pour ce qu’ils auront commis et un châtiment de Dieu. » (5, 38).

En matière matrimoniale et de droits des femmes

  • Permission polygamique : « Epousez les femmes qui vous plaisent, deux, trois ou quatre, mais si vous craignez de n’être pas équitables envers celles-ci, alors une seule, ou les esclaves que vous possédez. » (4, 3). La polyandrie (mariage d’une femme avec deux ou plusieurs hommes) est évidemment absente de la loi islamique.
  • Répudiation : « Les femmes répudiées ont droit à une pension convenable : la leur assurer est un devoir pour ceux qui craignent Dieu » (2, 241) ; « Si un homme répudie sa femme, elle n’est plus licite pour lui tant qu’elle n’aura pas été mariée à un autre époux. » (2, 230). Ici aussi, le Coran favorise l’homme, la séparation étant toujours à son initiative.
  • Empêchement matrimonial : « Ne mariez pas vos filles à des polythéistes [les païens]-associateurs [les chrétiens] avant qu’ils croient.» (2, 221). Cette prescription oblige les maris non musulmans à se déclarer musulmans. Cf. PFV n° 23-24-25 – Les mariages islamo-chrétiens.
  • Héritage : « Dieu vous ordonne d’attribuer au garçon une part égale à celle de deux filles.» (4, 11) ;
  • Témoignage en justice : « Demandez le témoignage de deux témoins parmi vos hommes. Si vous ne trouvez pas deux hommes, choisissez un homme et deux femmes parmi ceux que vous agréez comme témoins. Si l’une des deux femmes se trompe, l’autre lui rappellera ce qu’elle aura oublié. » (2, 282).

Autres matières

  • Interdits alimentaires : « Dieu vous a seulement interdit la bête morte, le sang, la viande de porc et tout animal sur lequel on aura invoqué un autre nom que celui de Dieu. » (2, 173).
  • Autres interdits : « Le vin, les jeux de hasard et le sort par les flèches ne sont qu’une abomination et l’œuvre de Satan. Tenez-vous en à l’écart. » (5, 90).
  • Accès aux lieux saints : « Ô vous qui croyez ! Les polythéistes ne sont qu’impureté ; ils ne s’approcheront donc plus de la Mosquée sacrée [La Mecque]. » (9, 28). Cela vaut aussi pour les juifs et les chrétiens.
  • Talion : « Ô vous qui croyez ! La loi du talion vous est prescrite en cas de meurtre : l’homme libre pour l’homme libre ; l’esclave pour l’esclave ; la femme pour la femme » (2, 178). L’Islam autorise la vengeance privée, ce qui peut se traduire par les « crimes d’honneur ».
  • Usure : « Ceux qui se nourrissent de l’usure ne se dresseront, au Jour du Jugement, que comme se dresse celui que le Démon a violemment frappé. Il en sera ainsi parce qu’ils disent : “La vente est semblable à l’usure”. Mais Dieu a permis la vente et il a interdit l’usure. » (2, 275). Cette prescription est certes plus proche de la mentalité occidentale.

Sur l’ensemble des prescriptions, cf. Anne-Marie Delcambre, L’Islam des interdits, Desclée de Brouwer, 2003 ; Jean-Paul Roux, Les Ordres d’Allah, Desclée de Brouwer, 2006.

2°/ La Sunna

Le Dieu du Coran n’ayant pas tout prévu dans l’ordre législatif, Il délègue une partie de son pouvoir à Mahomet, « le beau modèle » (33, 21).

« Ceux qui obéissent au Prophète obéissent à Dieu » (4, 80). De cet enseignement découlent la valeur et l’autorité de Mahomet, dont le comportement et les avis en toutes circonstances sont dignes d’inspirer des lois. Lui-même a fait de sa conduite une norme obligatoire, selon des propos rapportés par ses compagnons : « Celui qui délaisse ma sunna, celui-là ne fait plus partie de ma communauté » (Dictionnaire du Coran, op. cit., p. 850 ; cf. supra PFV n° 44) ; « Heureux l’homme qui entend mes paroles, les retient, les garde et les transmet » (cité par Roger Arnaldez, L’Islam, Desclée/Novalis, 1988, p. 36).

Le mot Sunna signifie Tradition ou Coutume (prophétique). Très tôt, confrontés aux lacunes du Coran en matière législative, les juristes musulmans ont puisé dans la Sunna, laquelle est donc devenue la deuxième source de la charia. En ce domaine, la Sunna a un rang équivalent à celui du Coran.

Formation de la Sunna

La Sunna est formalisée à partir des hadîth-s. Ce mot renvoie aux actes et aux paroles, voire aux silences, attribués à Mahomet ; ils ont été consignés sous forme de récits relatant les circonstances dans lesquelles le prophète de l’Islam s’est comporté de telle ou telle manière. Les hadîth-s ont été recueillis par ses compagnons qui les ont communiqués à d’autres musulmans, lesquels ont à leur tour fait de même. Ainsi s’est constituée une « chaîne de transmetteurs » (isnâd) et la collecte s’est étendue sur plusieurs générations.

Mais, un rapporteur indiquant : « J’ai entendu le Prophète dire que… » est plus crédible que celui qui affirme : « Le Prophète a dit… ». Aussi, à cause des incertitudes quant à l’origine de certains récits (s’agissait-il de prescriptions coraniques, donc réputées dictées par Dieu mais non répertoriées comme telles, ou de propos réellement tenus par Mahomet ?), ou à cause des doutes concernant l’authenticité de certains autres, doutes accrus par la présence de contradictions dans les récits ou la découverte de faussaires, les juristes musulmans ont dû faire un tri et opérer un classement hiérarchique. Il y a les hadîth-s saints, bons, faibles et malades. Ainsi est née la « science du Hadîth ».

Les hadîth-s, qui sont des milliers, ont été rassemblés dans de volumineux recueils. Six d’entre eux sont canoniques et, parmi ceux-ci, deux jouissent d’un degré supérieur de fiabilité : Bukhâri (810-870) et Muslim (817-875).

Le chiisme, en particulier le duodécimain en vigueur en Iran, intègre dans sa Sunna la tradition des douze imams « infaillibles » qui se sont succédés dans la filiation du quatrième calife, Ali, cousin et gendre de Mahomet (cf. PFV n° 13 – Dissidences au sein de l’Islam).

Ainsi, la Sunna complète ce qui manque au Coran dans l’ordre législatif.

L’apostasie

Un cas important concerne l’apostasie. A un musulman accusé de ce crime (ridda) pour avoir renoncé publiquement à l’Islam et choisi l’athéisme ou une autre religion, ou pour avoir proféré des propos ou commis des actes considérés comme blasphématoires ou impies, le Coran annonce le châtiment éternel. « Ceux qui, parmi vous, s’écartent de leur religion et qui meurent incrédules ; voilà ceux dont les actions seront vaines en ce monde et dans la vie future ; voilà ceux qui seront les hôtes du Feu ; ils y demeureront immortels » (2, 217). Cf. aussi 16, 106.

Aucune peine temporelle n’est donc prévue. Mais celle-ci existe ; elle se fonde sur une prescription émise par Mahomet – « Celui qui quitte la religion [l’Islam], tuez-le » – que l’on trouve donc dans la Sunna. Même si la loi d’un Etat musulman ne prescrit aucune sanction pour ce crime, n’importe quel juge, et jusqu’à la famille du « coupable », a le droit de se référer à la charia (Coran et Sunna), qui est toujours réputée supérieure aux autres lois.

Un exemple célèbre est celui de Joseph Fadelle, chiite irakien converti au christianisme sous le régime de Saddam Hussein. La loi alors en vigueur en Irak ne prévoyait pas la peine de mort pour apostasie mais sa famille s’est elle-même chargée de « rendre la justice » en cherchant à l’assassiner (cf. J. Fadelle, Le prix à payer, Pocket, 2012).

L’héritage de Mahomet

Dans son dernier discours, un hadîth rapporte cette phrase de Mahomet à ses compagnons : « Je laisse parmi vous le Livre de Dieu et la Sunna de son Prophète : grâce à quoi, si vous y êtes fidèles, vous éviterez à jamais de vous égarer » (cité par Ali Merad, La tradition musulmane, Que sais-je ?, PUF, 2001, p. 98).

La Sunna revêt donc une importance considérable et toujours actuelle. « A côté du Coran, la Sunna n’est pas un ensemble de références poussiéreuses que l’on trouverait seulement dans les anciens ouvrages. Au contraire, les prédicateurs modernes les plus en vue en usent et en abusent dans leurs prêches influents dans les mosquées, à la télévision ou sur Internet. » (Viviane Liati, De l’usage du Coran, Mille et une nuits, 2004, p. 17).

II – LA MISE EN PLACE DU DROIT

Le Coran et la Sunna constituent les socles sur lesquels reposent le droit et la jurisprudence islamiques (fiqh). Toutefois, leur examen ne suffisant pas à répondre à tous les problèmes posés par la fixation du droit, en particulier à cause de certaines contradictions contenues dans ces deux sources canoniques, des savants musulmans ont conçu plusieurs techniques d’interprétation. Les principales sont le consensus (ijmâ), l’interprétation personnelle (ra’y), le raisonnement par analogie (qiyâs), l’intérêt commun (istislâh) et l’interprétation littéraliste (zahir). Celles-ci n’ont cependant pas de portée générale car leur application varie selon les lieux, les époques et les régimes.

 

Cette élaboration s’est produite dans un climat de vives tensions et controverses, aggravées par la fermeture de « la porte de l’ijtihâd » (effort d’interprétation reposant sur le libre-arbitre et l’innovation) décidée au XIème siècle par le calife Qadir (997-1031). Cf. PFV n° 37-38 – A propos du Coran et de Mahomet.

Les écoles juridiques

De ces débats sont nées, au sein du sunnisme, quatre écoles juridiques dont les noms s’inspirent de leurs fondateurs, tous originaires de pays arabes. Constituées entre le VIIIème et le IXème siècles, ces écoles privilégient un ou plusieurs des principes énumérés plus haut ; elles se répartissent l’aire islamique mondiale.

L’école hanéfite (de l’imam Abou Hanifa, mort en 767), la plus libérale dans l’interprétation de la charia, est présente en Turquie, en Asie centrale, en Inde et en Chine ; l’école malékite (de l’imam Malik, mort en 795), qui insiste sur l’utilité générale, domine au Maghreb et dans une partie de l’Afrique ; l’école chaféite (de l’imam Chaféi, mort en 855), s’applique en Syrie, en Egypte, en Malaisie et en Indonésie, recourt au raisonnement analogique ; l’école hanbalite (de l’imam Ibn Hanbal, mort en 855), localisée en Arabie, est la plus littéraliste, elle se confond avec l’idéologie du wahabisme et inspire les djihadistes d’El-Qaïda et les mouvements qui lui sont affiliés.

Pour sa part, l’Etat islamique (Daech) se réfère au zahirisme (interprétation littéraliste), doctrine élaborée au IXème siècle en Mésopotamie par Daoud El-Ifsahani (sunnite) qui refusait le recours à toute autre source que le Coran et la Sunna. Au XIème siècle, Ibn Hazm (994-1063), né à Cordoue alors sous domination musulmane, publia un traité de fiqh dans lequel il rejetait les apports proposés par les écoles reconnues : « Il est absolument impossible qu’il y ait des cas pour lesquels il n’existerait aucune référence normative correspondante à travers les données scripturaires (Coran et Sunna) » (cité par Ali Merad, op. cit., p. 100).

Les pays dont le chiisme est religion d’Etat, notamment l’Iran, ont leurs propres écoles : le jafarisme, de l’imam Jaafar El-Sadiq (700-765), et le zaydisme, du juriste Zayd ibn Ali (mort en 740).

Absence de codification

Les écoles juridiques se sont imposées, mais la charia n’a jamais été unifiée et codifiée.

« Chaque école produit des manuels juridiques, sur lesquels s’appuieront les cadis (juges) pour rendre leurs jugements. Ces manuels consistent en compilations et en commentaires de cas, parmi lesquels les juges vont rechercher celui ou ceux qui sont les plus proches du litige qui leur est soumis (…). Ce dispositif dispense en principe de s’engager dans la voie jugée périlleuse d’un ijtihâd libre (…). Les manuels ne légifèrent ni ne codifient. D’où ce trait premier de la démarche juridique islamique, la casuistique, qui est antinomique avec la codification et la constitution de la charia comme droit, au sens d’un corpus de normes fixes et bien identifiées » (Nathalie Bernard-Maugiron et Jean-Philippe Bras, La charia, Dalloz, 2015, p. 26).

POUR CONCLURE

Ce processus complexe a produit un immense pluralisme juridique. Le terme « charia » est donc un concept générique et complexe, comprenant de nombreuses divergences, situation que l’usage simplificateur actuel du mot ne saurait restituer et bien déroutante pour l’esprit rationnel.

L’ijtihâd (cf. supra), interdit à partir du XIème siècle, a eu pour effet de figer le droit défini par chacune de ces écoles dans un cadre historique et culturel donné. Le monde chiite a échappé à cette fermeture, ce qui peut expliquer sa plus grande capacité d’adaptation que le monde sunnite.

La fossilisation du droit musulman depuis cette période est largement responsable du retard des sociétés sunnites, surtout arabes, qui n’ont pas su ou pu anticiper les évolutions techniques et sociales des temps modernes. Les fausses promesses suscitées par les « printemps arabes » en sont l’illustration.

Annie Laurent

PFV n°33 : La taqiya ou dissimulation

06 Nov 2015 / 0 Commentaires / dans Petite Feuille Verte/par Clarifier

le 6 novembre 2015

Un terme revient de plus en plus souvent lorsqu’on évoque les spécificités de l’islam. Il s’agit du mot taqiya, qui est généralement traduit par « dissimulation ». Celle-ci autoriserait les musulmans en position d’infériorité à taire leurs convictions religieuses ou à s’adapter provisoirement à des sociétés régies par des systèmes de droit non islamiques. Certains se demandant si un tel comportement repose sur des prescriptions émises dans les textes sacrés de l’islam, nous avons jugé utile de faire le point sur cette question délicate.

Tel est le sujet de la Petite Feuille Verte n° 33 que nous vous adressons.



La Taqiya ou Dissimulation

L’islam interdit formellement aux musulmans de renoncer à leur religion, sous peine de châtiments divins et de malédictions éternelles (cf. Coran 2, 217 ; 3, 87 ; 4, 115 et 16, 106). Les musulmans ne peuvent donc en principe dissimuler leur identité religieuse et travestir leurs croyances.

Cependant, le Coran et la Tradition prophétique (Sunna) ouvrent la voie à des dérogations quant au caractère absolu de la croyance dans le Dieu de l’islam et surtout quant à l’obligation de son attestation publique, ainsi qu’à l’observance du culte ou de la loi islamique (charia). De tout temps et selon des formes variées, des oulémas (docteurs de la Loi) ont légitimé la pratique de la taqiya (dissimulation) que l’on appelle aussi ketman (secret ou restriction mentale). Ces agissements se sont manifestés en diverses circonstances historiques et retrouvent une certaine actualité de nos jours.

I – LES SOURCES CORANIQUES

Le Coran contient deux passages sur lesquels s’appuient les théoriciens de la taqiya. Ils correspondent à deux types de situations particulières.

1°/ « Celui qui renie Dieu après avoir eu foi en Lui – excepté celui qui a subi la contrainte et dont le cœur reste paisible en sa foi -, ceux dont la poitrine s’est ouverte à l’impiété, sur ceux-là tomberont le courroux de Dieu et un tourment terrible » (16, 106).
Dans ce verset, pour notre sujet, c’est l’incise qui compte (souligné). La taqiya est donc autorisée en cas de contrainte extérieure, quelle qu’en soit la forme : persécution, menace sur la vie, absence de liberté religieuse (de conscience et de culte), etc.
2°/ « Que les croyants ne prennent pas pour alliés des infidèles au lieu de croyants. Quiconque le fait contredit la religion d’Allah, à moins que vous ne cherchiez à vous protéger d’eux. Allah vous met en garde à l’égard de Lui-même. Et c’est à Allah le retour. Dis : Que vous cachiez ce qui est dans vos poitrines ou bien que vous le divulguiez, Allah le sait. Il connaît tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Allah est omnipotent » (3, 28-29).

Deux membres de phrases sont importantes (soulignés). Comme ailleurs dans le Coran, Dieu recommande ici aux musulmans (eux seuls sont qualifiés de « croyants ») de ne pas entretenir de relations d’amitié ou de sujétion avec les non-musulmans (cf. 3, 118 ; 5, 51 ; 9, 23 ; 60, 13), mais il autorise des dérogations au principe lorsque le fait de s’opposer à ces derniers les met en danger. La sécurité ou le besoin de se faire accepter priment alors sur l’affirmation de la religion. En fait, dans ces situations, ce qui compte c’est l’intention du musulman ou la réalité intime de sa croyance. Peu importe alors la profession de foi publique puisque Dieu connaît les dispositions des cœurs et les pensées.
Telles sont les sources qui fondent la doctrine de la dissimulation, en matière de religion et de tout ce qui peut lui être connexe. La validité du recours à la taqiya a été confirmée et précisée par les oulémas (docteurs de la Loi) dès les débuts de l’islam, notamment par Tabarî (m. 923).

Il en résulte qu’un musulman peut abjurer extérieurement ses croyances, professer publiquement une autre religion, accepter d’être réputé non-musulman ou renoncer aux exigences cultuelles et législatives conformes à l’islam, tout cela s’il se trouve dans des conditions qu’il estime être de contrainte justifiant une telle attitude. Si l’on veut comparer avec la position chrétienne sur ce sujet, il convient de se référer à une parole de Jésus-Christ dans l’Evangile : « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera » (Mc 8, 35).

II – APPLICATIONS HISTORIQUES ET CONTEMPORAINES

La taqiya a donc toujours existé dans l’Oumma (la Communauté des musulmans), mais elle s’est d’abord surtout développée en milieu chiite, ceci pour des raisons de nécessité, suite à la « Grande discorde » (Fitna) qui a engendré au VIIè siècle le clivage avec l’islam sunnite (cf. PFV n° 13).

1°/ Dans le chiisme

Depuis cette rupture, les sunnites ont le plus souvent gouverné l’Oumma. Dans ces périodes, les chiites, minoritaires, ont recouru à la taqiya pour défendre leur identité, souvent niée par l’autorité qui les assimilait au sunnisme, ou pour échapper aux persécutions. Les imams chiites ont justifié, et même conceptualisé, cette pratique, qui a dès lors été comprise comme une obligation de conscience, donc comme faisant partie de la religion. Tous les traités chiites contiennent un chapitre spécial, intitulé « Livre de la taqiya ».
Selon Sami Aldeeb Abou-Sahlieh, professeur de droit islamique à l’Université de Lausanne, la tradition chiite rapporte trois cents récits dans ce sens. En voici un aperçu.
« La dissimulation fait partie de ma religion et de la religion de mes ancêtres » ;
« Si tu agis par dissimulation, ils ne pourront rien contre toi. La dissimulation sera une forteresse pour toi et servira de digue entre toi et les ennemis de Dieu qu’ils ne pourront jamais percer. Si tu dis que celui qui abandonne la dissimulation est comme celui qui abandonne la prière, alors tu dis la vérité » ;
« La dissimulation est le meilleur des actes du croyant parce qu’elle sert à le sauvegarder et à sauvegarder ses frères des impies » (Cf. Le secret entre droit et religion, 2004, diffusion Internet).

Henri Lammens (1862-1937), jésuite belge, orientaliste arabisant de renom établi au Liban, a écrit à ce sujet :

 Parmi les adversaires de ses croyances, il [le chiite] peut parler et se conduire comme s’il était un des leurs. En agissant de la sorte, en prêtant, s’il le faut, des faux témoignages et des faux serments, quand l’intérêt de la communauté l’exige, ou simplement un avantage personnel, il croit obéir à l’ordre de l’imam suprême ».

Et de commenter :

Inutile de relever les conséquences morales de cette théorie, de cette loi du secret, laquelle entretient et légitime une perpétuelle équivoque et rend les chiites impénétrables » (L’Islam, croyances et institutions, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1943, p. 190-191 ; livre réédité en France aux éditions du Trident).

A l’instar des chiites, les adeptes de confessions dissidentes du chiisme (alaouites, alévis, druzes, ismaéliens) ressortissants d’un califat ou d’un Etat sunnite, parce que minoritaires, ésotériques, considérés comme hérétiques et donc maltraités pour ces motifs, ont le devoir de pratiquer la taqiya pour se protéger, en tant qu’individus et communautés. On retrouve cette situation chez les bahaïs dans la République islamique d’Iran, chiite.
Ces minorités recourent par ailleurs à la taqiya lorsqu’elles ont besoin de légitimer une position dominante qu’elles ont pu acquérir. Ainsi, quand Hafez El-Assad (père de Bachar, l’actuel président syrien), membre de la communauté alaouite, s’est emparé du pouvoir à Damas, en 1970, il a multiplié les gestes destinés à se faire passer pour un musulman orthodoxe aux yeux du monde sunnite (prière rituelle à la Mosquée des Omeyyades à Damas, fatoua de l’imam libanais chiite Moussa Sadr reconnaissant l’appartenance des alaouites à l’islam, construction d’une mosquée à Qardaha, le village natal des Assad, alors que traditionnellement les alaouites ne prient pas dans des mosquées, etc.).
La taqiya existe donc en milieu islamique, et pas seulement en contexte non-musulman.

2°/ Dans le sunnisme

Les musulmans sunnites ne rejettent pas la taqiya, mais elle n’est pour eux qu’une permission. Ils s’appuient sur des enseignements dispensés par certains de leurs oulémas, tel que celui-ci : « El-Chawkani dit que celui qui devient mécréant sous la menace de mort ne commet point de péché si son cœur est tranquille dans la foi » (S.-A. Abou-Sahlieh, op. cit.).

La taqiya a été observée légitimement par les Morisques vivant sous un pouvoir chrétien en Andalousie. Ainsi, en 1504, le mufti Ahmed Ibn Jumaïra publia une fatoua (avis juridique) donnant des consignes précises à ce sujet. Si les chrétiens obligeaient les musulmans à injurier Mahomet, ils devaient le faire en pensant que cette parole était prononcée par Satan. S’ils étaient obligés de boire du vin ou de manger du porc, ils pouvaient le faire mais en sachant que c’était un acte impur et à condition de le condamner mentalement. S’ils étaient forcés de renier leur foi, ils devaient essayer d’être évasifs ; si on les pressait, ils devaient intérieurement nier ce qu’on les obligeait à dire.

De nos jours, les musulmans sont présents sur tous les continents. Vivant en dehors de leurs territoires traditionnels, ils sont donc sur des « terres de mécréance » (Dar el-Kufr) où il leur est permis, voire recommandé, de pratiquer la taqiya, mais sous une autre forme, à titre individuel ou collectif. Il s’agit de s’adapter extérieurement au contexte en respectant les lois, principes et habitudes des pays concernés tant que les circonstances ne sont pas favorables à l’instauration de l’islam comme religion dominante et à la pleine application de la charia.

3°/ L’esquive

L’esquive consiste à utiliser un vocabulaire qui plaît aux Occidentaux pour décrire l’islam comme une religion inoffensive, apportant « la paix, la tolérance et l’amour ». Certaines personnalités musulmanes profitent de l’ignorance de leurs interlocuteurs non musulmans pour faire passer des messages tronqués quant à l’enseignement véritable de l’islam, en particulier sur certains sujets sensibles (violence, liberté de conscience, droits de l’homme, statut de la femme, respect des non-musulmans, égalité entre les hommes, etc.).

Ces personnalités utilisent dans ce but les tribunes qui leur sont ouvertes dans la presse ou même les rencontres de dialogue interreligieux. Il s’agit en fait de rassurer les non-musulmans quant aux valeurs libérales et pacifiques de l’islam, en présentant des comportements moralement inacceptables comme des dérives, des déformations, voire des trahisons de la religion. On peut comparer cette attitude avec la parole du Christ : « Que votre langage soit : “Oui ? oui”, “Non ? non” » (Mt 5, 37).

III – DEUX CÉLÈBRES PRATICIENS DE LA TAQIYA

1°/ Tareq Oubrou

Imam de la grande mosquée de Bordeaux, ancien militant de l’Union des Organisations islamiques de France (UOIF, d’obédience Frères musulmans), Tareq Oubrou préconise pour les musulmans d’Europe l’acceptation d’une « charia de minorité ». Pour lui, « il s’agit de mettre en relation la norme avec la réalité concrète, tout en restant fidèle aux méthodes qui régissent l’application de la charia à la réalité […]. Cela permet l’élaboration d’un canonisme mobile » (Profession imâm, Albin Michel, 2009, p. 37-41).
D’après l’islamologue Dominique Urvoy, cette position est à comprendre comme une application de la taqiya :

Tareq Oubrou adopte constamment cette ligne d’action : il affirme qu’il est possible de tout résoudre ponctuellement par des fatouas ; si une règle démocratique va à l’encontre de la règle islamique, on peut abroger cette dernière momentanément mais on la rétablira le jour où… On met les choses en veilleuse, mais il s’agit bien de les réactiver tôt ou tard, et cela parce que le Coran est considéré comme étant la parole incréée de Dieu ; par exemple, le djihad, auquel les musulmans doivent renoncer quand ils vivent en Occident, ou auquel ils doivent donner une dimension exclusivement intérieure, mais qu’ils ont le devoir de rétablir dès que cela sera possible » (« La place du secret dans la pensée religieuse musulmane », in L’Islam en France, hors-série de la revue Cités, PUF, 2004, p. 646).

2°/ Tariq Ramadan

Un jugement identique peut être porté sur les positions de Tariq Ramadan, universitaire suisse d’ascendance égyptienne, petit-fils par sa mère de Hassan El-Banna, le fondateur des Frères musulmans. Ramadan joue habilement, dans ses livres et ses conférences, sur certains concepts et mots familiers aux Européens. En voici deux exemples.

  1. Le « réformisme », qui évoque en Occident la modernisation de la pensée, est le plus souvent compris dans l’Islam comme l’islamisation de la modernité ;
  2. Le « témoignage », vocable à connotation pacifique et respectable, sert à promouvoir l’instauration d’une société régie par les sources scripturaires de l’islam, Coran et Sunna, dans une Europe déchristianisée et sécularisée.

Pour T. Ramadan, Dieu a établi des musulmans sur le Vieux Continent afin de le régénérer dans tous les domaines. Il estime que l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne a un rôle à jouer dans cette mission. « L’islam est une religion européenne de fait, et la Turquie habite culturellement, politiquement et économiquement, son avenir » (Le Monde, 17 avril 2009).

Après l’avoir longtemps soutenu, le Père Christian Delorme, prêtre lyonnais, a écrit à son sujet :

 Je me demande si le discours de Tariq Ramadan, qui déprécie constamment la culture occidentale, va dans le sens d’une réelle intégration des jeunes musulmans » (Le Monde, 29 septembre 2000) ;

Je suis aujourd’hui convaincu, et j’ai mis du temps à le comprendre, que la pensée et l’action de T. Ramadan sont dangereuses […]. Il sait charmer son auditoire, mais en réalité il veut une séparation des musulmans d’avec les autres communautés » (Cité par Lina Murr-Nehmé, Fatwas et caricatures, Salvator, 2015, p. 139).

En 2003, l’universitaire Dominique Avon, qui a analysé l’œuvre de Ramadan, a publié ses conclusions dans la revue Nunc dédiée à l’anthropologie, à la philosophie et à la théologie.

 Son projet consiste à faire émerger un corpus universel (valeurs, devoirs, droits) à partir de la source islamique vouée à se substituer aux notions historiquement formulées en Europe, en Amérique du Nord, à leurs références législatives et juridiques qui les inspirent » (n° 4, octobre 2003).

Pour évaluer l ’opportunité du recours à la taqiya et en doser l’usage, les musulmans sont donc en principe invités à tenir compte des rapports de forces dans les lieux où ils vivent. Selon Marie-Thérèse Urvoy, professeur d’islamologie à l’Institut catholique de Toulouse, la dissimulation 

est connaturelle à l’islam primitif, du vivant du Prophète, et […] les musulmans n’en sont dispensés que lorsqu’ils sont en situation de supériorité, lorsque “Dieu leur donne la puissance” » (Entretiens sur l’islam, avec Louis Garcia, éd. Docteur angélique, 2015, p. 54).

Il faut enfin souligner que, face aux horreurs commises par des djihadistes, dont souffrent également d’autres fidèles de l’islam, certains intellectuels, dirigeants politiques et responsables religieux musulmans dénoncent aujourd’hui l’utilisation de la taqiya, demandant un examen lucide des textes sacrés sur lesquels se fondent les adeptes de la violence (Cf. PFV n° 30-31-32).

Annie Laurent

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