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Patriarche Béchara Raï, Au cœur du chaos. La résistance d’un chrétien en Orient. Entretiens avec Isabelle Dillmann, Albin Michel, 2016, 264 p., 18 €.

L’Eglise maronite, de tradition antiochienne, occupe une place spéciale parmi les communautés chrétiennes orientales : elle est fière de sa fidélité au Siège apostolique depuis ses origines, ce qui n’empêche pas la persistance de certains malentendus avec les organes de la curie romaine chargés des affaires orientales. Cette Eglise a en outre joué un rôle clé dans l’émergence du Liban multiconfessionnel, indépendant depuis 1943, d’où l’influence déterminante qu’elle exerce au pays du Cèdre. Les maronites sont en quelque sorte responsables de la pérennité de cet Etat que saint Jean-Paul II aimait à qualifier de « pays-message ».

On ne s’étonnera donc pas, en lisant les entretiens que le cardinal Raï, actuel patriarche des maronites, a accordés à Isabelle Dillmann durant le séjour de plusieurs semaines que celle-ci a passé près de lui au Liban, de découvrir l’importance de la dimension politique de cette Eglise. On peut néanmoins regretter l’insuffisance accordée dans cet échange aux problèmes religieux et moraux (les vocations, le mariage, l’occidentalisation des mœurs, les initiatives en vue d’un renouveau spirituel, etc.) ainsi que le silence sur les orientations définies par Benoît XVI dans son exhortation apostolique Ecclesia in Medio Oriente qui a fait suite au Synode convoqué à Rome en 2010 par le pape émérite.

Le chef des maronite se veut solidaire de tous les autres chrétiens du Proche-Orient, revendiquant pour eux le droit de demeurer sur leurs terres car ils ont gardé dans leurs cœurs « l’acte de naissance du christianisme » et parce que leur présence est seule garante des libertés de tous. En outre, explique-t-il avec raison, la diversité ecclésiale est une vraie richesse, compatible avec l’unité à laquelle il travaille ardemment. Enfin, sur l’islam, le patriarche relève l’absence de pensée théologique dans le Coran, mais a-t-il bien revu ces entretiens quand on lit sous sa plume : « Au cours de leur longue histoire, les Arabes musulmans n’ont jamais contraint quiconque à adopter l’islam contre sa volonté » ?

 

Annie Laurent

Article paru dans La Nef n° 282 – Juin 2016.