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Article paru dans La Nef, n° 296, octobre 2017.

Olivier Hanne, Les seuils du Moyen-Orient. Histoire des frontières et des territoires, éd. du Rocher, 2017, 539 p., 26 €.

Alors que les pays riverains de l’Orient méditerranéen et leurs voisins plus en retrait sont au cœur d’une actualité souvent inquiétante aux rebondissements mondiaux, la lecture de cet ouvrage, illustré de schémas, cartes et focus, est d’un grand intérêt. En présentant les constantes et les variables d’une longue histoire qui remonte ici au IVème millénaire avant J.-C., son auteur, agrégé et docteur en histoire, armé d’une solide érudition, offre des repères précieux pour s’y retrouver dans la complexité d’une région pour le moins tourmentée. Celle-ci repose sur des facteurs ethniques, religieux, culturels (les tribus, les langues) et idéologiques, auxquels s’ajoutent les interventions extérieures (Alexandre le Grand, Rome, les Croisades, les occupations françaises et britanniques, la création d’Israël, les ingérences américaines, le jeu de la Russie) que l’auteur décrit avec minutie.

Retraçant les débats qui ont fait hésiter sur le concept général à appliquer à ces espaces, O. Hanne opte pour « Moyen-Orient », se distançant ainsi de la tradition française favorable à « Proche-Orient ». Il est vrai que cette dernière ne pouvait recouvrir que le Levant arabe jusqu’à l’Irak inclus, Israël et l’Egypte, ce dernier, situé en Afrique, ayant cependant une singularité qui s’est manifestée bien des fois dans l’histoire. Mais, compte tenu de leurs interactions permanentes avec la Turquie, les Kurdes, les Arméniens, l’Iran et les Etats de la péninsule Arabique, une définition plus globale se conçoit. Pourtant, « Moyen-Orient » pourrait très bien être réservé à ce qu’on appelle aussi « Asie centrale ». Cette remarque mise à part, l‘ouvrage, redisons-le, est de la plus grande utilité. Abordant de manière fouillée les évolutions contemporaines, O. Hanne explique les causes de l’émergence islamiste, ce projet mobilisateur après l’abolition du califat (1924), l’échec du nationalisme arabe et les défaites face à Israël.

Le délitement et les désintégrations actuels, avec la remise en cause des frontières dessinées au début du XXème siècle, justifient ce constat émis en conclusion : « C’est donc une tautologie de parler de « Moyen-Orient recomposé », car la région ne cesse de redéfinir ses territoires depuis l’Antiquité. Aucune frontière ne peut satisfaire toutes les communautés en présence, aussi sont-elles récusées dès qu’elles apparaissent ». Puissent les diplomates en tenir compte !

 

Annie Laurent