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L’islamisme

est souvent présenté comme n’ayant rien à voir avec l’islam authentique. Il en constituerait une dérive ou une perversion, trahissant ainsi sa tradition pacifique et tolérante. Ces thèses alimentent l’idée qu’entre l’islam et l’islamisme il y aurait une différence de nature et non pas de degré.

Les adeptes des courants islamistes

œuvrent pourtant en vue de l’application d’un programme socio-politico-religieux conforme à l’enseignement de sources (Coran et Sunna) qui ont une valeur sacrée pour tous les musulmans.

Si l’on peut ne voir dans l’islamisme que la dimension idéologique de l’islam, ceci afin de laisser aux musulmans la possibilité de préférer une lecture seulement spirituelle de leurs textes de référence (il y a cependant un lien entre ferveur religieuse et militantisme) et de ne pas les enfermer dans un cadre prédéterminé et immuable, il est incorrect d’opérer à tout prix une séparation entre les deux.

Selon le Père Henri Boulad, jésuite égyptien,

« l’islamisme est présent dans l’islam comme le poussin dans l’œuf, comme le fruit dans la fleur, comme l’arbre dans la graine ».

Dès ses débuts, l’islam s’est présenté comme une religion de controverse doctrinale et de combat guerrier, donc également sous les couleurs d’une idéologie.

La plupart des partis islamistes contemporains reposent sur les théories développées par Ibn Taymiyya au XIVème siècle.

Adepte du hanbalisme,

la plus fondamentaliste des quatre écoles juridiques qui se répartissent l’espace sunnite, ce docteur syrien à la pensée très anti-chrétienne prônait la théocratie islamique. Ses écrits ont inspiré le wahhabisme, fruit d’une entente conclue en 1744 entre Mohamed Abdelwahhab, auteur d’un Traité de l’unicité divine, et Mohamed Ibn Séoud, fondateur de la dynastie qui règne toujours en Arabie.

Son programme est l’application littérale du Coran, qui fait office de constitution, et de la Sunna.

Au XXème siècle, les idées d’Ibn Taymiyya ont été reprises par un Indien, Abou Ala Mawdoudi, qui s’établit au Pakistan (1947) pour y veiller à la réalisation des aspirations décrites dans un petit ouvrage, Pour comprendre l’islam, traduit en de nombreuses langues et encore largement diffusé.

Les Frères Musulmans

L’héritage le plus connu d’Ibn Taymiyya est la confrérie des Frères Musulmans (FM), fondée en 1928 par un instituteur égyptien, Hassan El-Banna, dont le maître à penser, son compatriote Sayyed Qotb, suivait la ligne de Mawdoudi.

Le programme des FM est énoncé comme suit : « L’islam est dogme et culte, patrie et nationalité, religion et Etat, spiritualité et action, Coran et sabre ».

Il s’agissait de contrer l’influence croissante de l’Europe au Proche-Orient. Les FM ont fait des émules, parfois sous d’autres noms, dans les pays voisins (Hamas palestinien, Ennahda tunisienne, Front islamique du salut algérien, etc.) et même au-delà de l’espace arabe (Union des Organisations islamiques de France). Souvent interdits par les régimes déchus (Tunisie, Egypte) ou contestés (Syrie), ils ont pu s’acquérir des clientèles électorales grâce à leurs œuvres de bienfaisance et à leurs réseaux scolaires financés par les monarchies de la péninsule Arabique.

Les chiites

ont aussi leurs mouvements islamistes, le plus connu étant le Hezbollah (Parti de Dieu) fondé au Liban en 1982 dans le sillage de la révolution iranienne (1979).

L’islamisme

s’exprime également dans le salafisme dont les adeptes se réfèrent aux « pieux ancêtres » (al-Salaf al-Salih). Cette idéologie émane d’un courant de pensée réformiste apparu en Egypte au début du XXème siècle dans la mouvance des travaux de Mohamed Abdou et Rachid Rida dont le but n’était pas la modernisation de la pensée islamique mais sa purification par l’imitation pointilleuse de Mahomet et de ses compagnons.

Outre le vêtement court et la barbe non taillée, cela passe par la lutte contre les « innovations » telles que le culte des saints, condamné parce qu’il porte atteinte au dogme de l’unicité divine. En Asie centrale, les Talibans (Etudiants), et en Afrique, les Ansar Eddine (Partisans de la Religion) se réfèrent à cette idéologie. Le sociologue Samir Amghar décrit les salafistes comme « des acteurs cardinaux de la réislamisation » au sein de l’immigration musulmane européenne. Ils auraient trente lieux de culte en France (1).

Les djihadistes

Parmi les islamistes de toutes tendances, il faut enfin distinguer les djihadistes, pour qui seul le terrorisme parviendra à soumettre le monde à l’islam. Tel est le cas d’El-Qaïda (La Base), fondée par le Séoudien Oussama Ben Laden.

 

Annie Laurent

(article paru dans La Nef, septembre 2012).

 

 

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(1) Le salafisme aujourd’hui, Michalon, 2011.