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Radio-Espérance, 25 juin 2014

 

Au moment où le Proche-Orient s’enfonce dans un chaos confessionnel qui risque de durer encore longtemps et qui menace plus que jamais la survie des chrétiens de cette région, ces derniers se tournent volontiers vers les saints issus de leurs communautés afin d’obtenir leur aide. Par solidarité avec nos frères dans la foi qui souffrent tant, nous pouvons, nous aussi, chrétiens d’Occident, intercéder en leur faveur auprès de ces élus. Parmi eux, il s’en trouve qui, de leur vivant, appartenaient à l’Eglise latine tandis que d’autres furent baptisés dans des rites catholiques orientaux, maronite, melkite, arménien, chaldéen, etc. Tous ces héros de la foi sont membres de l’Eglise universelle. Les connaître et les prier constitue donc une démarche apte à consolider la communion des saints.

Voilà pourquoi j’ai choisi de vous parler aujourd’hui de l’un d’eux, en l’occurrence saint Charbel, ermite maronite qui vécut au Liban de 1828 à 1898. Son rayonnement est mondial à cause des innombrables grâces reçues par son intercession, surtout depuis sa canonisation par Paul VI en 1977. Bien que très érudit, cet humble moine ne faisait jamais étalage de sa culture et il observait rigoureusement la règle de son ordre. Il aimait le silence, le travail et la pauvreté, mais il savait allier l’ascèse à une joie constante et à une ferme espérance. Habité par le souci d’aider les âmes à se sanctifier et à accueillir la miséricorde de Dieu, il excellait dans l’art d’enseigner, comme le montrent les sermons et pensées qui ont été conservés par l’Eglise maronite. Mais ceux-ci, écrits en arabe, sont peu connus en France. Pour combler cette lacune, le Père Hanna Skandar, lui aussi moine maronite, en a sélectionné quelques-uns ; il les a traduits et rassemblés dans un livre de 140 pages qui vient de paraître aux éditions Artège, sous le titre « Paroles de saint Charbel ».

L’ermite libanais s’y exprime dans un langage savoureux, poétique et imagé, qui n’est pas sans rappeler les paraboles de l’Evangile et les sentences des Pères du désert. Les thèmes du salut et de la persévérance reviennent souvent dans ces écrits. Le saint maronite voulait donner à la croix du Christ, l’unique clé du ciel, sa juste raison d’être en la plaçant dans la perspective joyeuse de la béatitude éternelle. Dans une homélie consacrée à ce sujet, il annonce les épreuves qui attendent les chrétiens du Proche-Orient. Je le cite : « Le chemin de votre calvaire dans ce coin du monde est long et la croix du Christ dans cet Orient, vous la portez sur vos épaules. Vos ennemis sont nombreux parce qu’ils sont ceux de la croix ; ne les prenez pas comme ennemis ; parlez-leur toujours avec le langage de la croix, même s’ils vous sont hostiles à cause d’elle. Les mois et les années à venir seront très difficiles, très durs, amers et aussi lourds que la croix. Supportez-les en priant. Que votre prière émane de votre foi, que de votre patience naisse l’espérance, que la croix fasse grandir votre amour ». Il est difficile de ne pas voir dans ces propos une allusion à l’islam et aux musulmans, même s’ils ne sont pas nommés.

Dans la même homélie, saint Charbel se fait par ailleurs prophète pour le reste des hommes. Je le cite encore : « La violence régira toute la terre. La planète sera poignardée par les couteaux de l’ignorance et de la haine. Tous les peuples qui vous entourent chancelleront sous le poids de la souffrance ; la peur s’abattra sur toute la terre comme la tempête ; la tristesse débordera du cœur de tous. Des hommes ignorants et hostiles présideront au destin de tous leurs peuples, les entraînant dans les voies de la misère et de la mort, à cause de la rancune aveugle qu’ils surnommeront « justice » et à cause de l’ignorance lugubre qu’ils appelleront « foi ». La rancune et l’ignorance prédomineront aux quatre coins du monde. Résistez et soyez fermes dans la foi et la charité. La face de la terre changera mais vous conserverez la face du Christ. Des frontières, des communautés et des régimes seront effacés et retracés, des peuples chancelleront sous le poids du feu et du fer, mais vous conserverez votre amour sans frontières. Sauvegardez votre communauté ecclésiale et que votre régime soit l’Evangile ».

Dans les temps troublés que connaît aussi l’Occident, il est bon de méditer ces écrits spirituels qui nous viennent d’un saint oriental. Aussi, je vous recommande l’acquisition de cet ouvrage dont je rappelle le titre : « Paroles de saint Charbel », aux éditions Artège.

 

Annie Laurent