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Radio-Espérance, 13 mai 2015- en écoute ICI

 

Dimanche prochain, 17 mai, le pape François canonisera à Rome deux religieuses orientales. L’une est Marie-Alphonsine Ghattas, fondatrice de la Congrégation du Saint-Rosaire ; l’autre est Mariam Baouardi, carmélite sous le nom de Marie de Jésus crucifié. Toutes deux sont nées en Terre Sainte au XIXème siècle. C’est dire la grâce que représente cette double canonisation pour l’Eglise qui est au pays de Jésus.

Je voudrais m’attarder aujourd’hui sur la seconde, car elle m’est particulièrement familière. Mariam Baouardi a vu le jour en 1846 à Ibillin, village de Galilée situé non loin de Nazareth, dans une famille catholique de rite melkite. Elle est morte en 1878, âgée de 32 ans, à la suite d’un accident sur le chantier du Carmel de Bethléem, dont l’Eglise lui avait confié la fondation. La vie de celle qu’on appelait « la petite Arabe », et qui se désignait elle-même comme « le petit rien de Jésus », fut ponctuée d’expériences mystiques exceptionnelles et nombreuses. Le surnaturel, en particulier la présence de la Vierge Marie à ses côtés, accompagna toute son existence, comme en a témoigné son premier biographe, le Père Estrate, dans un livre paru en 1916, qui vient d’être réédité chez Téqui.

L’un des événements les plus marquants du parcours terrestre de Mariam est celui qui suivit le martyre qu’elle subit à Alexandrie. Jeune orpheline, elle avait quitté  son pays pour s’installer en Egypte, chez son oncle devenu son tuteur. Alors qu’elle venait d’avoir 13 ans, ce dernier arrangea son mariage, mais l’adolescente avait fait le vœu secret de se consacrer à Dieu. Elle refusa donc ce projet, ce qui lui valut d’être mise à l’écart du reste de la famille, maltraitée et humiliée. Au bout de trois mois, elle décida d’implorer l’aide de son frère, Paul, qui était resté en Palestine. Elle confia cette mission à une famille musulmane de sa connaissance qui devait partir là-bas. Après avoir entendu le récit de sa souffrance, le mari fustigea la conduite de l’oncle de Mariam, tout en dénonçant le christianisme. Voici le dialogue qui s’engagea entre eux, selon le récit rapporté par le Père Estrate. Je cite :

 Mariam, lui dit le musulman avec feu, pourquoi rester fidèle à une religion qui inspire de pareils sentiments ? Embrasse plutôt la nôtre ».

Jamais, s’écrie Mariam avec une énergie surhumaine ; je suis fille de l’Eglise catholique, apostolique et romaine, et j’espère, avec la grâce de Dieu, persévérer jusqu’à la mort dans ma religion, qui est la seule vraie ».

Face à cette résistance, fou de colère, le musulman prit son cimeterre et trancha la gorge de Mariam. Puis, il jeta son corps sans vie dans une grotte au bout d’une impasse. C’était un 8 septembre, jour de la Nativité de la Sainte Vierge. Et la jeune martyre fut sauvée par une dame portant un habit religieux couleur d’azur, qui se présentera ensuite comme étant la Vierge Marie.

Ayant recousu sa gorge, elle la soigna pendant un mois, avant de lui prédire son avenir : elle entrerait d’abord chez les Sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition à Marseille, puis au Carmel de Pau. Ce qui se réalisa effectivement. La vocation de Mariam offre l’exemple d’une belle synthèse de l’unité catholique : élevée dans le rite byzantin propre à l’Eglise melkite, elle adopta le rite latin par ses deux engagements religieux. En cela, elle a participé à la rencontre entre l’Orient et l’Occident chrétiens.

Une basilique a été construite sur les lieux du miracle où j’ai eu la grâce de me rendre deux fois. Il y a quelques années, le patriarche Grégoire III Laham, chef de l’Eglise melkite, qui réside à Damas, vint y bénir la crypte récemment aménagée. Les murs sont entièrement tapissés d’une mosaïque retraçant la vie de Mariam. L’auteur de cette mosaïque est une Egyptienne du Caire, Nadia Khaïry, ancienne musulmane devenue catholique. Depuis sa conversion, elle confectionne des objets d’art pour l’Eglise : vitraux, chandeliers, icônes, etc. Comment ne pas voir un lien entre l’histoire de Nadia et l’héroïsme de Mariam qui sut rester ferme dans la foi ?

Un autre trait marquant de la spiritualité de cette sainte Palestinienne est son amour de prédilection pour la France, qu’elle désignait sous le nom poétique de « rosier ». Pour Mariam, la France tient une place privilégiée dans l’histoire religieuse du monde.

 La France a fait trop de bien dans les Missions pour que Dieu l’abandonne »,

disait-elle. Dimanche, avec le pape François, nous pourrons demander à Marie de Jésus crucifié d’intercéder pour le relèvement de notre pays.

 

Annie Laurent