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Radio-Espérance, 20 août 2014 en écoute ICI

 

Au Proche-Orient, le principe selon lequel l’adversité favorise l’unité est devenu une réalité tangible pour les chrétiens confrontés à tant de souffrances et d’incertitudes quant à leur avenir sur place. Ainsi, peu à peu, les barrières confessionnelles s’estompent pour envisager ensemble les moyens de survivre et de délivrer aux non-chrétiens un authentique témoignage évangélique.

Cette bonne santé œcuménique se vérifie dans tous les pays de la région, mais je voudrais m’attarder aujourd’hui sur l’Egypte. Je le ferai à partir d’un entretien que le pape des coptes-orthodoxes, Théodore II, chef de la plus importante communauté chrétienne au pays du Nil, a accordé récemment au journal Le Messager, hebdomadaire de l’Eglise catholique, édité au Caire. Son changement d’attitude par rapport à son prédécesseur, Chenouda III, pour qui seule l’Eglise copte séparée de Rome était légitime, annonce un rapprochement sincère et prometteur avec les chrétiens de toutes confessions. Dès son élection sur le siège de saint Marc, en 2012, Théodore a créé un Conseil des Eglises d’Egypte doté d’une présidence tournante, dont la vocation consiste à élaborer des réponses communes aux défis auxquels sont confrontés tous les baptisés, y compris sur le plan politique et national.

Ce Conseil est aussi doté d’une commission spécialisée dans les matières doctrinale et pastorale. L’un des premiers chantiers qu’elle a ouverts est une réflexion autour de l’unification de la date de Pâques, non seulement en Egypte mais dans le monde entier. Il s’agirait donc pour tous les chrétiens de célébrer la Résurrection le même jour. Une étude a été réalisée à cet effet sous l’autorité du patriarche Théodore qui va l’envoyer en premier au pape François. Pour lui, l’unification ne devrait pas poser de problème puisque la différence des dates repose sur une différence de calendrier astronomique et non pas de type théologique.

Un autre problème, que seule l’Eglise copte-orthodoxe peut résoudre, attend sa solution. En effet, en cas de mariage entre deux fiancés dont l’un est catholique, le précédent patriarche exigeait que ce dernier soit rebaptisé dans le rite copte-orthodoxe. Cette mesure est particulièrement injuste puisque tous les chrétiens du monde professent la validité d’un seul et même baptême. Théodore II est bien disposé à l’abolir. Dans son entretien au Messager, il déclare : « Nous considérons que l’Eglise catholique est une Eglise traditionnelle et apostolique, et qu’en elle se trouvent l’effusion de l’Esprit Saint et les sept sacrements ». Il lui faut évidemment obtenir l’accord de l’ensemble de ses évêques réunis en Synode pour promulguer une décision officielle à cet égard mais en attendant, ceux-ci sont libres d’opérer comme ils l’entendent et l’on observe plus de souplesse de leur part dans ce domaine.

Le pape Théodore mise par ailleurs sur l’éducation des nouvelles générations pour faire tomber les préjugés et promouvoir un nouvel esprit d’amour et d’unité, à l’encontre de l’atmosphère de tension et de peur qui a longtemps marqué les relations des coptes-orthodoxes avec les autres chrétiens. Pour lui, cette peur remonte à l’époque de la colonisation occidentale en Egypte qui a voulu imposer des manières de penser étrangères aux traditions orientales. Afin de remédier aux méfiances qui en ont résulté, il prépare une grande rencontre œcuménique pour les jeunes.

Dans le domaine de l’unité, la priorité du chef de l’Eglise copte-orthodoxe est de resserrer les liens de la charité avec son homologue catholique. La communauté copte-catholique, très minoritaire, a longtemps souffert de la condescendance de sa sœur orthodoxe. Je me souviens de ma première rencontre avec Mgr Ibrahim Sidrak. C’était en 1995. Il était alors supérieur du séminaire copte-catholique de Maadi, près du Caire. Durant notre entretien, il m’avait confié : « Nous souffrons davantage du mépris de la hiérarchie copte-orthodoxe que de celui des musulmans ». Les temps ont bien changé à cet égard : devenu lui-même patriarche de son Eglise, élu pour sa part en 2013, Sa Béatitude Ibrahim Sidrak fait l’objet de touchantes attentions de la part de Théodore II. Au journal Le Messager, ce dernier déclare sa joie de fréquenter les catholiques et de prier avec eux.

L’élection quasi-concommittante de ces deux patriarches est vraiment une bénédiction pour les chrétiens d’Egypte.

 

Annie Laurent