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Article paru dans L’Homme nouveau n° 1660, 31 mars 2018

 

Antoine Fleyfel, Les dieux criminels, Cerf, 2017, 262 p., 22 euros.

 

Allant à l’encontre d’une idée répandue selon laquelle l’implication d’une religion dans les conflits résulte de son instrumentalisation par la politique, Antoine Fleyfel nous donne ici à « comprendre comment les doctrines religieuses elles-mêmes, soumises à des exégèses très précises, servent de fondement surnaturel et eschatologique à des mouvements monstrueux ». On ne peut qu’approuver cette démarche qui contribue à éclairer l’intelligence de situations trop souvent difficiles à saisir par les esprits occidentaux façonnés par le rationalisme. L’origine libanaise de l’auteur, qui enseigne à l’Université catholique de Lille, l’a sans doute préparé à cet exercice bien utile.

Evangélisme sioniste, sionisme religieux et salafisme djihadiste : ces trois idéologies religieuses se retrouvent au Proche-Orient en position offensive. Emanation du protestantisme anglo-saxon, le premier mouvement (40 millions de fidèles) considère l’avènement d’Israël comme relevant directement des prophéties bibliques et donc lié à l’histoire du salut ; pour ses adeptes, Jérusalem doit être reconnue capitale indivisible de l’Etat hébreu. Dérivé du sionisme laïque originel, le second a été récupéré par des juifs orthodoxes fondateurs du Goush Emounim (Bloc de la Foi), fer de lance de la colonisation et opposé à tout compromis avec les Palestiniens. Enfin, le troisième s’enracine dans une conception radicale de l’islam dont El-Qaïda et Daech sont les expressions les plus récentes. Il va de soi qu’aucune paix n’est envisageable à partir de tels programmes. A. Fleyfel prend soin toutefois de mettre en évidence les opposants chrétiens, juifs et musulmans à ces idéologies mortifères. Celles-ci épargnent le catholicisme, réalité qui doit être prise en compte dans toute évaluation honnête des enjeux politico-religieux du monde actuel.

 

Annie Laurent