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Radio-Espérance 11 septembre 2013

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L’été qui va s’achever a été très dur pour les chrétiens du Proche-Orient, surtout en Egypte et en Syrie.

Il faut donc revenir sur les tragiques événements qu’ils ont vécus au cours des deux derniers mois, tout en soulignant l’incompréhension de l’Occident envers ces chrétiens dont les positions, vues de chez nous, paraissent contrevenir aux idéaux de la démocratie.

En Egypte d’abord.

La destitution du président Mohamed Morsi, annoncée le 3 juillet par le général El-Sissi, commandant en chef de l’armée, a été approuvée officiellement par les deux patriarches coptes, l’orthodoxe et le catholique. Cette caution a surpris les Occidentaux, qui se sont empressés de déplorer l’acte de déposition, au motif de la légitimité de son élection.

Pour comprendre la position des chrétiens, il faut rappeler deux choses. D’une part, que la gouvernance de Morsi, idéologue asservi aux directives de la confrérie islamiste des Frères musulmans dont il est issu, a été calamiteuse pour tout le peuple égyptien et surtout pour les coptes, cibles d’un discours sectaire tenu jusqu’au sommet de l’Etat. Aux yeux des chrétiens, cette destitution, demandée par 33 millions de manifestants, a donc relevé du miracle, comme me l’ont écrit plusieurs d’entre eux, irrités en outre par l’empressement des Occidentaux à vouloir imposer les principes d’une démocratie qui ne profite qu’à une idéologie anti-chrétienne.

Plutôt que d’accepter le dialogue national que leur proposait le nouveau gouvernement de transition, les Frères musulmans se sont retranchés dans une contestation irréductible, fermée à toute auto-critique. Et ils ont assouvi leur vengeance contre les plus faibles, c’est-à-dire les coptes, pris comme boucs émissaires de leur colère. Un ouragan de violence s’est alors déchaîné contre les chrétiens dans tout le pays. Outre des agressions contre les personnes, allant parfois jusqu’au meurtre, les partisans des Frères musulmans ont incendié une soixantaine d’églises, ainsi que des dizaines d’écoles, de magasins et d’habitations appartenant à des chrétiens. Soutenus par leur clergé, ces derniers ont fait preuve d’un comportement admirable, digne de leur baptême. A la haine, ils ont opposé la confiance en Dieu et le pardon.

En se solidarisant avec le mouvement anti-Morsi et en acceptant à l’avance les vengeances qu’ils savaient devoir encourir, les chrétiens ont renoncé à défendre des intérêts confessionnels pour privilégier l’intérêt national. Le pape copte-orthodoxe, Théodore II, a même donné une tonalité spirituelle à leur attitude. Je le cite : « Les Frères musulmans pensent se venger en brûlant les églises. Mais en réalité, cela est le prix du rachat de l’Egypte, et nous l’offrons avec grand amour ».

Venons-en à la Syrie.

Depuis le début de la crise, en mars 2011, les hiérarchies chrétiennes refusent de s’aligner sur ceux qui réclament le départ sans condition du président Bachar El-Assad et qui justifient le recours à la violence pour y parvenir. Leur attitude peut s’expliquer par le choix du moindre mal. Il est vrai que les chrétiens de Syrie préfèrent le régime actuel qui leur permet de participer aux affaires publiques et leur laisse toute liberté en matière religieuse, notamment pour la construction d’églises et la gestion d’écoles. La rébellion étant principalement aux mains de musulmans radicaux, ils redoutent l’instauration d’un régime férocement anti-chrétien. L’exemple égyptien ne peut que leur donner raison.

Cette explication est cependant insuffisante. Les chrétiens aspirent, eux aussi, à des réformes, mais ils considèrent que la démocratie ne peut s’imposer que par l’évolution des mentalités et non par la force. Or, dans ce domaine, leur rôle est essentiel.

Comme au pays du Nil, les chrétiens syriens ont fait le choix de l’intérêt national et de la fidélité à leur vocation baptismale, de préférence à l’intérêt communautaire. Ils ont multiplié les initiatives pour créer des espaces de réconciliation et venir en aide à toutes les victimes de la guerre, quelles que soient leur appartenance religieuse et leur position face à Assad. Mais leur refus de s’engager dans la rébellion les expose à la vengeance des islamistes. Le 4 septembre, des terroristes d’El-Qaïda ont attaqué une localité à valeur hautement symbolique pour les chrétiens. Il s’agit de Maaloula, bourgade située au nord de Damas, l’un des rares endroits où les habitants parlent l’araméen, c’est-à-dire la langue du Christ.

En préparant une intervention militaire contre le régime d’Assad, l’Occident fait preuve d’un aveuglement gravement coupable. Faut-il vraiment sacrifier les chrétiens sur l’autel de la démocratie et de la vertu ?

 

Annie Laurent