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Radio-Espérance, 10 avril 2013

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L’actualité nous oblige cette semaine à tourner nos regards vers les coptes d’Egypte qui viennent, une nouvelle fois, de subir des violences, et ceci dans la quasi indifférence de la presse française.

Tout a commencé vendredi dernier, à Khossous, une localité située au nord du Caire, lorsque des enfants ont dessiné un graffiti représentant une croix gammée sur le mur d’une mosquée.

Selon les musulmans du voisinage, ces enfants étaient des coptes mais, pour sa part, le chef de la sécurité locale affirme qu’il s’agissait d’enfants musulmans. Au passage, on peut noter qu’il est rarissime que la police défende une version favorable aux coptes.

S’il s’avérait que les auteurs du graffiti sont bien des musulmans cela devrait être compris comme un geste destiné à attirer la colère contre les chrétiens. Des insultes contre le christianisme ont alors été proférées par un musulman, puis plusieurs de ses coreligionnaires ont attaqué une église, incendié la maison d’une famille copte et pillé une pharmacie appartenant à un membre de cette communauté chrétienne. Des affrontements s’en sont suivis qui ont entraîné la mort de quatre coptes et d’un musulman.

L’affaire ne s’est pas arrêtée là. Dimanche, lors des funérailles des quatre chrétiens, célébrées au Caire dans la cathédrale Saint-Marc, principal sanctuaire de l’Eglise copte-orthodoxe, des fidèles en larmes ont crié des slogans contre les Frères musulmans, la confrérie islamiste qui détient le pouvoir, et ont réclamé le départ du président Mohamed Morsi, lui-même issu de ce mouvement.

Comme beaucoup d’autres Egyptiens, les chrétiens sont mécontents de l’incapacité du gouvernement à résoudre les graves problèmes que connaît leur pays depuis la révolution, notamment sur les plans économique et social. Mais c’est surtout l’islamisation accélérée de la société qui les angoisse et les irrite. Depuis que Morsi est devenu président de la République, en juin 2012, les mesures se multiplient pour accroître l’emprise de l’islam sur de nombreux secteurs, publics et privés. Cela réduit d’autant la place des coptes, une place qui était déjà très faible sous le régime de Moubarak. Aujourd’hui, ils se sentent soupçonnés de n’être pas pleinement égyptiens puisque la nation est confondue avec la religion islamique. C’est d’ailleurs pourquoi l’un des conseillers du chef de l’Etat, Samir Morcos, de confession chrétienne, a démissionné l’hiver dernier.

Revenons aux événements de dimanche. En quittant la cathédrale Saint-Marc, la foule présente s’est trouvée face à des musulmans armés qui attendaient la sortie du convoi funèbre pour l’attaquer. Les coptes se sont défendus, la police a lancé des grenades lacrymogènes dans l’enceinte du sanctuaire, tandis que des musulmans tiraient sur la foule. Deux chrétiens ont été tués. Le fait que ces agressions se soient produites en un lieu si symbolique pour les coptes amplifie leur résonnance alors que, le plus souvent, elles passent inaperçues. C’est sans doute pourquoi le président Morsi a déclaré qu’il était personnellement touché par ces actes. Mais sera-t-il capable de rendre réellement justice aux coptes ? Il y a tout lieu d’en douter.

On peut bien sûr s’étonner que des chrétiens lancent des slogans politiques lors d’une célébration liturgique. En Occident, cette attitude est inconcevable. Mais, au Proche-Orient, les sociétés sont organisées selon des critères confessionnels à cause de la conception de l’islam qui confond identité religieuse et identité politique. Ce principe imprègne en quelque sorte la vie de tous les citoyens.

Il faut surtout retenir l’exaspération des coptes qui n’en peuvent plus d’être cantonnés aux marges de la société alors que l’Egypte est leur pays depuis toujours. Voilà des décennies qu’ils supplient l’Etat de reconnaître publiquement l’existence d’un « problème copte ». En vain jusqu’à présent.

Mais l’attachement au christianisme de ces baptisés semble inébranlable comme en témoigne la déclaration du Père Raphaël, secrétaire général du patriarcat copte-orthodoxe, qui a dit après le drame : « Nous ne renoncerons pas aux valeurs de la Bible qui nous apprend à aimer tous les hommes, quel que soit le mal qu’ils nous font subir à nous, chrétiens. Ceux qui ont été tués ont reçu la couronne du martyre. Quant à nous, notre foi s’est intensifiée ».

 

Annie Laurent