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Henri de Saint-Bon, vous venez de publier aux EDITIONS DE L’OEUVRE deux livres, l’un intitulé « L’islam à la lumière de la foi chrétienne » et l’autre « Petit lexique islamo-chrétien ».Vous aviez déjà publié en 2006 un ouvrage, « Catholique / Musulman : je te connais, moi non plus », que vous aviez écrit avec un musulman, Saad Khiari. Pourquoi donc ces deux nouveaux livres et pourquoi ne pas les avoir écrits, comme le premier, avec un musulman ?

HSB : Il m’est apparu, à la suite de cette première publication avec Saad, que peu de musulmans s’y étaient intéressés et que la grande majorité des lecteurs en avaient été des chrétiens ou des personnes de culture judéo-chrétienne.

Il m’est apparu en outre qu’il y avait chez nombre de ces lecteurs d’assez fortes lacunes relatives aux profondeurs de leur propre religion et une grande méconnaissance de l’islam. J’ai donc été amené à penser que ces deux nouveaux livres pouvaient être pour eux une occasion de mieux comprendre l’islam et, en même temps, de se ressourcer sur l’essentiel du christianisme.

Enfin, j’aborde, dans ces nouveaux ouvrages, un aspect très peu traité en 2006 qui est celui des relations entre la religion et l’Etat. Cet aspect fait l’objet d’un chapitre spécifique, le 14e.

En fait, mes livres veulent montrer que le christianisme et l’islam diffèrent non seulement dans leur doctrine mais aussi dans leur nature même, le christianisme étant uniquement une religion – et même fondamentalement une foi -, tandis que l’islam est tout à la fois une religion, un Etat et une société, avec toutes les conséquences qui en découlent.

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Votre démarche apparaît donc, dans votre esprit, comme un témoignage ?

HSB : C’est exactement le cas. J’écris en tant que chrétien, d’abord pour des personnes chrétiennes ou de culture judéo-chrétienne. D’où mon souci de présenter avec équité l’une et l’autre religions. J’apporte mon témoignage de foi et je rappelle à longueur de livre le contenu du Catéchisme de l’Eglise Catholique, ce qui me semble indispensable pour mieux comprendre les croyances du musulman, mais aussi s’en distinguer.

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Si je vous comprends bien, votre démarche apparaît en fait comme un service d’Eglise qui s’inscrit tout à fait dans celle de Diaconat 2013, dans le cadre de l’Année de la Foi et qui arrive donc à propos. Cependant, votre démarche semble relever un peu d’une pédagogie de la radicalité. D’ailleurs, vos tableaux en deux colonnes à la fin de chaque chapitre et résumant le contenu de celui-ci peuvent être interprétés comme une volonté d’opposer christianisme et islam.

HSB : Le but que je poursuis est de clarifier, de clarifier le discours sur ces religions. Certes, l’écrit est toujours un peu schématique. Mais ma préoccupation est de me situer, non dans une logique d’opposition, mais bien dans une dynamique d’altérité.

Ce point est essentiel. Si l’on veut respecter l’autre, il ne faut ni déformer ni critiquer ses convictions. Et le pire serait d’arriver, par pure démagogie, à une sorte de syncrétisme béat et angélique entre nos religions respectives, syncrétisme qui entraverait la rencontre de l’autre et qui aboutirait à une dilution de la foi et des croyances elles-mêmes. Il me semble respectueux pour chacun d’affirmer que les dogmes propres au christianisme et à l’islam sont incompatibles. Ce n’est faire injure à personne. Au contraire !

Ce qui m’est apparu c’est qu’il n’y a qu’un seul lien spirituel entre ces religions, ce lien unique étant Marie, comme je l’explique dans le chapitre qui lui est consacré. Je n’en vois pas d’autres. Cela n’exclut pas l’estime de l’autre, la nécessité de le rencontrer, la possibilité de collaborer avec lui, etc.

A ce sujet, je me sens complètement dans un des axes majeurs du pontificat de Benoît XVI qui est la lutte contre le relativisme religieux ambiant qui annihile toute chose.

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Vous abordez peu, d’une part, la question du dialogue interreligieux et, d’autre part, les évolutions de pensées et d’interprétation au sein de chacune de ces religions.

HSB : C’est exact. Ces questions-là sont particulièrement importantes aujourd’hui et je ne les méconnais pas. Elles revêtent une telle ampleur qu’elles méritent des livres à elles seules. Je ne suis pas indifférent aux forts courants réformateurs qui traversent et irriguent l’une et l’autre, ni à l’irruption de l’islam en France et en Europe. Mais je n’ai pas souhaité tout mélanger, toujours dans un souci de clarification.

Mon propos porte donc sur les fondements, les éléments pérennes, du christianisme et de l’islam. J’indique seulement dans le dernier chapitre les modalités d’un indispensable vivre ensemble apaisé. Mais, vous savez, il convient bien de distinguer entre le contenu des religions et la manière dont leurs fidèles vivent la leur. On trouve, tant dans l’une que dans l’autre, des gens admirables et d’autres moins recommandables, des gens respectueux de leur foi et d’autres qui l’instrumentalisent ou la corrompent.

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Pour terminer, j’ai envie de vous poser la question de ce qu’a apporté à vous-même ce livre, ou, du moins, le travail considérable que vous avez fourni en amont pour le concevoir et l’écrire.

HSB : Ce travail m’a d’abord permis de m’enraciner encore plus dans ma propre foi. Plus je comparais les réponses chrétienne et islamique à tel ou tel thème traité dans ce livre, plus je découvrais la richesse de la doctrine de l’Eglise à travers son Magistère.

Parallèlement à mon cheminement, je serais heureux si j’apprenais que des musulmans de bonne volonté découvrent et se sentent, en lisant mes ouvrages, attirés par les merveilles du christianisme. En tout homme, il y a des « semences de Verbe » comme l’a rappelé Vatican II, reprenant des écrits de Saint Justin (2e siècle) notamment.

Car le pire aujourd’hui est bien l’indifférentisme religieux dans ce monde abominablement matérialiste et laïciste qui nous enserre.

Je crois avoir aussi mieux saisi la doctrine et la nature de l’islam et le pourquoi des comportements des musulmans. Un exemple : si la communauté musulmane interdit sous peine de mort à un(e) musulman(e) de quitter l’Oumma et de se convertir au christianisme, c’est que le Coran proclame que d’associer d’autres divinités à Dieu – comme les musulmans pensent que le Christianisme le fait avec sa doctrine de la sainte Trinité – constitue un péché plus grave que le meurtre (2, 191 ; 2, 217) et qu’il est le seul que Dieu ne pardonne pas (4,48 ; 4,116). La communauté islamique récuse donc la liberté religieuse au nom du respect du Coran, et exerce le maximum de pressions sur l’apostat pour lui éviter la condamnation éternelle assurée.

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Henri de Saint-Bon, je vous remercie et je suis persuadé que les lecteurs de vos livres apprécieront le souci de clarification que vous manifestez ainsi.

 


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